Dans son second rapport publié cette année, le Conseil consultatif en matière de croissance économique du gouvernement fédéral désigne l’agriculture et l’alimentation (l’« agroalimentaire ») comme l’un des huit secteurs présentant un important potentiel inexploité, mais nécessitant un certain coup de pouce.

Les auteurs soulignent les avancées uniques du secteur en matière de recherche, son bassin exceptionnel d’entreprises et d’entrepreneurs et sa position favorable pour répondre à une demande mondiale en plein essor, particulièrement en Asie, où la consommation de protéines augmente.

« Ces actifs, conjugués à l’ampleur des obstacles actuels, amènent les Canadiennes et les Canadiens à réaliser des gains économiques matériels tout en présentant un plan sur la façon dont le gouvernement et le secteur privé peuvent unir leurs efforts pour libérer le potentiel du Canada dans d’autres secteurs », précise le rapport.

On y souligne que le secteur canadien de l’agriculture emploie 2,1 millions de personnes et représente 6,7 % du PIB. Le pays se classe respectivement aux cinquième et onzième rangs pour les exportations agricoles et agroalimentaires – derrière des pays plus petits, comme la Hollande, ou moins avancés économiquement, tel le Brésil.

Pour se hisser aux deuxième et cinquième rangs, il faudrait augmenter les exportations d’environ 30 milliards de dollars américains par année, soit près de 2 % du PIB actuel.

Pour une nouvelle approche ciblée

Pour y arriver, le Conseil recommande une approche de développement ciblée, fondée sur l’élimination des obstacles et sur des objectifs ambitieux, en collaboration avec le privé.

Les spécialistes estiment que la technologie jouera un rôle important dans cette transformation, mais qu’il reste encore du chemin à parcourir.

Le professeur Evan Fraser, directeur de l’Arrell Food Institute et titulaire de la chaire de recherche du Canada sur la sécurité alimentaire mondiale à l’Université de Guelph, affirme que le Canada a tout ce qu’il faut pour devenir une source fiable de denrées alimentaires saines et durables pour la planète, mais qu’il lui manque une action coordonnée.

« Le Canada doit se doter des outils technologiques, des processus et des mécanismes officiels qui prouveront que les denrées canadiennes sont réellement issues d’une agriculture durable et sont les plus saines au monde », indique-t-il, ajoutant que ces outils donneront au pays trois grands avantages :

  • La confiance des consommateurs d’ici, grâce à un système transparent, fondé sur des données probantes, prouvant que les denrées canadiennes sont saines et durables;
  • Une image de marque Canada plus solide, ce qui sera particulièrement utile en Asie, où les consommateurs de la classe moyenne semblent de plus en plus douter de la qualité et du caractère écologique des aliments de leur propre marché;
  • Un marché d’exportation pour les technologies elles-mêmes et pour les normes de gouvernance concernant la sécurité et l’agriculture durable dans le commerce international.

« La question de la gouvernance et de l’intégration des données se révélera aussi déterminante, affirme M. Fraser. Tout comme la vague d’apprentissage machine, d’intelligence artificielle et d’analyse de mégadonnées dans d’autres secteurs, l’agroalimentaire sera frappé par l’une des prochaines vagues d’innovation en haute technologie. »

Sur le plan opérationnel, l’agrégation des données, l’amélioration de la cybersécurité et la préservation de l’anonymat deviennent « capitales », ajoute-t-il.

« L’interopérabilité des données est nécessaire pour suivre les denrées de la ferme à l’assiette. Il faut donc des systèmes de gouvernance des données à grande échelle, garants de transparence, de reddition de comptes et d’efficience. Il faudra aussi uniformiser les protocoles de collecte de données communes et de cybersécurité, et améliorer les services ruraux à large bande pour obtenir rapidement les données des exploitations agricoles. »

Quand la technologie prend d’assaut l’agriculture

Dans un rapport récent d’IBM Europe, l’analyste Madalina Irimia souligne que les avancées numériques et technologiques prennent d’assaut le secteur agricole, améliorant la production alimentaire, procurant une valeur ajoutée à la chaîne d’approvisionnement et optimisant l’utilisation des ressources naturelles.

Par exemple, les données générées par des capteurs ou des drones, recueillies à la ferme, dans les champs ou durant le transport, sont riches en renseignements divers (sol, semences, bétail, cultures, coûts, équipement agricole ou utilisation d’eau et de fertilisant).

L’analytique avancée aide les agriculteurs à analyser les données en temps réel (météo, température, humidité, prix ou signaux GPS), indiquant comment accroître le rendement, améliorer la planification agricole et prendre de meilleures décisions sur les ressources requises et leur agencement optimal dans le temps et dans l’espace.

On lit dans le rapport que l’efficience et la productivité augmenteront au cours des prochaines années grâce à l’agriculture de précision, et que les exploitations agricoles seront plus intelligentes et connectées.

On estime que d’ici 2020, plus de 75 millions d’appareils agricoles seront reliés par l’Internet des objets (appareils communiquant entre eux), et que l’exploitation agricole typique générera en moyenne 4,1 millions de données simples chaque jour en 2050, contre 190 000 en 2014.