À pareille date l’an dernier, les experts nous alertant sur le risque d’une « tempête économique » auraient pu être accusés de faire circuler une mauvaise blague et de tenter de nous faire un poisson d’avril. Pourtant, ça n’avait rien d’une plaisanterie, et ils ignoraient alors à quel point ils voyaient juste. À presque tous les égards, les conséquences de la « tempête » de la COVID-19 n’auraient pu être plus dévastatrices et plus persistantes, frappant le monde en des vagues successives. Avons-nous des raisons de croire que la tempête se calme enfin?

On nous pardonnerait d’afficher un peu, voire beaucoup, de cynisme. Chose certaine, cette crise a radicalement changé notre réalité et marquera à jamais cette génération. Surtout ceux qui ont été les plus touchés : les nouveaux venus sur le marché du travail, ou ceux désirant y faire leur entrée; les familles ayant de jeunes enfants; les travailleurs dans divers segments malmenés du secteur des services; les travailleurs de première ligne, et bien d’autres. Nous souhaitons tous la fin de cet épisode troublant; notre souhait sera-t-il exaucé?

Plusieurs facteurs permettent de l’espérer. Tout d’abord, les taux d’infection sont en nette baisse par rapport à ceux enregistrés il y a quelques semaines à peine. Ensuite, le milieu médical observe des signes de plus en plus probants d’une « immunité collective ». Enfin, à mesure que s’accélère la vaccination, on reprend confiance dans la capacité de l’économie à opérer un retour à la normale.

Le fait de réduire l’incertitude créera des conditions favorables pour un autre puissant moteur : l’épargne massive des consommateurs accumulée pendant des mois en raison de la limitation des options d’achat. Quand ils seront fin prêts, ils puiseront dans ce pécule, ce qui impactera l’économie telle une vague de fond.

Mais il y a plus : l’administration du président américain Joe Biden a proposé et fait adopter un plan de relance de 1 900 milliards de dollars américains, une mesure d’envergure dont nous avons tenu compte dans nos prévisions (voir le Propos du 25 mars). Aux termes de ce plan, 750 milliards de dollars américains seront injectés dans l’économie au cours des prochaines semaines. Tous les économistes s’accordent pour dire que la croissance aux États-Unis s’établira dans la fourchette de 5 % à 6 % en 2021.

Nous avons pris note de ce nouveau développement en relevant pour 2021 nos prévisions de croissance de l’économie américaine à 6,3 %, soit plus de deux points de pourcentage que le taux présenté dans nos dernières prévisions. C’est là un rajustement majeur qui, malgré les craintes entourant les politiques Acheter américain, a de profondes répercussions sur la croissance mondiale. Nous avons, par conséquent, relevé nos prévisions pour d’autres grandes économies; un raffermissement de la croissance est donc de plus en plus probable.

Voilà pourquoi dans sa nouvelle édition du printemps 2021 des Perspectives économiques mondiales, les Services économiques d’EDC tablent maintenant sur une croissance de 6,4 % de l’économie mondiale pour 2021, et un élan vigoureux de 5,4 % en 2022 en raison des effets du plan de relance et de l’intensification de l’activité du secteur privé – des effets qui perdureront également l’an prochain.

L’amélioration des prévisions pour l’économie américaine viendra donner un coup de barre à nos prévisions de croissance pour certaines grandes économies. Ainsi, pour le monde industrialisé, nous escomptons une croissance de 5,2 % en 2021, ce qui aidera à regagner une bonne partie du terrain perdu l’an dernier, et un essor de 4,1 % en 2022.


Les économies émergentes ne seront pas en reste. La relance rapide de l’économie de la Chine permet d’espérer qu’il y aura sur ce marché un sursaut de 10,8 % de la croissance cette année. Après un départ un peu plus lent, l’Inde devrait quant à elle afficher une impressionnante croissance de 12,3 %. Dans l’ensemble, la croissance des marchés émergents fera un remarquable bond de 7,1 % en 2021 et de 6,2 % en 2022.

Après un repli de 5,3 %, l’économie canadienne devrait orchestrer un rebond de 5,5 % cette année, puis une croissance supérieure à la moyenne de 4,1 % en 2022. De manière générale, les prévisions ont été sensiblement revues à la hausse dans la foulée de l’adoption du plan de relance américain, qui ne manque pas d’ailleurs de créer une certaine effervescence autour des possibilités de croissance cette année et l’an prochain.

Ce dynamisme se répercute déjà sur le cours des produits de base. Le cuivre, qui subit des contraintes du côté de l’offre à court terme, a vu son prix augmenter ces derniers jours; on s’attend à ce qu’il tourne maintenant autour de 8 790 $ la tonne, soit bien au-delà des attentes initiales. L’incertitude maintient les cours des métaux précieux à des niveaux élevés, mais cet élan devrait s’essouffler un peu en 2022. Les cours du pétrole et du gaz naturel sont sans doute la grande surprise. On s’attendait d’abord à ce qu’ils soient plus faibles qu’à l’habitude, mais les gains sur le front de la croissance et les pénuries à court terme nous donnent à penser que le pétrole brut West Texas Intermediate se fixera tout juste sous les 57 dollars américains cette année, avant de glisser à 54,68 dollars en 2022.

La préoccupation naissante à l’égard de l’inflation constitue l’un des signes indéniables de cette mentalité axée sur la croissance. Compte tenu de l’ampleur des liquidités disponibles et du raffermissement de la croissance, on redoute de plus en plus que l’incapacité à redresser complètement la production n'engendre des tensions sur les prix d’une ampleur qui n’a pas été vue depuis des décennies. L’économie mondiale a la capacité d’accueillir ce regain d’activité, mais il subsiste et subsistera des contraintes dans un horizon à court terme, ce qui fera grimper les prix au-dessus de la cible de croissance. Tant et aussi longtemps que ces hausses ne se reflètent pas dans les attentes, l’inflation devrait rester maîtrisée.

L’ascension du cours des produits de base sera bénéfique au huard, qui devrait en moyenne s’échanger à 79 cents face au billet vert cette année et l’an prochain.

Conclusion?

Dans quelques semaines à peine, un fort vent de croissance soufflera sur les États-Unis – et l’économie mondiale. Voilà la meilleure nouvelle à court terme depuis le début de la pandémie, il y a de cela un an. Si tout se passe bien, cette impulsion budgétaire stimulera les dépenses privées et nous sortira enfin des « eaux tumultueuses » de la pandémie.

 

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