La victoire a été écrasante. La semaine dernière, les Mexicains se sont rendus aux urnes et ont exprimé avec force leur volonté de changement. Le candidat de gauche qui a fait campagne pendant 15 ans a finalement réussi son pari. Avant même le début officiel de l’élection, le candidat Andres Manuel Lopez Obrador – mieux connu sous le nom de AMLO – bénéficiait d’une forte avance dans les sondages qui n’a fait que s’accroître à l’approche du jour de l’élection. Jusqu’à la toute fin, les opposants d’ALMO ont espéré un retournement de situation, mais ils ont plutôt concédé leur défaite en un temps record à la fermeture des bureaux de scrutin. Que signifie ce changement de cap politique du Mexique pour la stabilité du commerce et de l’économie à l’échelle mondiale?

Les élections mexicaines : un tournant

Après le décompte de 94 % des bulletins de vote, le candidat AMLO a été crédité de 53 % des voix pour le poste de président, devançant largement son plus proche rival, le candidat Anaya du parti PAN. Le Mexique a tenu une super-élection, durant laquelle elle a choisi son président, mais aussi les sénateurs, les députés et des centaines d’autres fonctions publiques. Les experts avaient annoncé que, même advenant une victoire du candidat ALMO, les autres partis domineraient les autres sphères du pouvoir et limiteraient ainsi la marge de manœuvre d’ALMO. Or, la coalition menée par AMLO a remporté beaucoup plus de sièges au sénat, des résultats très semblables à ceux de l’élection présidentielle. Dans la Chambre des députés, le résultat a été encore plus impressionnant. Parmi les 300 sièges, la coalition d’AMLO en a raflé environ 210, soit 70 %. Dans les faits, cette majorité donne les coudées franches au président pour établir et mettre en œuvre des politiques, et tout se passe comme si le monde retient son souffle en attendant de voir ce que fera AMLO.

Naturellement, les marchés financiers affichent une certaine nervosité. Avant et après l’annonce des résultats de la victoire d’AMLO, le peso a suivi une progression en dents de scie, tout comme d’ailleurs l’indice boursier IPC. L’instabilité devrait augmenter, et ce, principalement pour deux raisons : la première, cette élection marque une rupture avec le passé. C’est la première fois depuis l’adoption de la « règle du premier parti au pouvoir » qu’un parti non traditionnel est élu. Ainsi, le Mexique s’ajoute à la liste grandissante des pays où les frustrations économiques et sociales engendrent une vague populiste causant un bouleversement des systèmes traditionnels. Dans ce contexte, l’évolution de l’économie mexicaine devient moins prévisible, ce qui inquiète les marchés financiers.

Un retournement sur le plan des politiques?

L’instabilité devrait s’accentuer pour une autre raison : AMLO fait depuis longtemps des déclarations gauchistes et d’opposition au commerce qui font peur aux électeurs mexicains. Confrontés au mandat clair obtenu par AMLO lors de ces élections, les marchés tentent de déterminer les principales actions de cet homme politique que certaines critiques nomment l’Hugo Chavez du Mexique. Durant la campagne, AMLO a promis de hausser les dépenses sociales, de réduire la dépendance du Mexique au commerce international, de faire marche arrière à l’égard des importantes réformes visant à ouvrir le secteur de l’énergie à l’investissement étranger et d’aider le secteur agricole en lui consentant des subventions et davantage de protection. Lors de la campagne électorale, AMLO a clairement exprimé sa position en matière de lutte contre la corruption; pourtant, il n’a pas été aussi clair dans les mesures concrètes qu’il entend prendre dans la sphère des politiques.

Quelle orientation AMLO choisira-t-il?

Dans les heures suivant sa victoire, AMLO a adopté un ton conciliant. Il a promis de faire de la signature d’une nouvelle version de l’ALENA une priorité, et a approuvé la position de l’équipe actuelle chargée des négociations. Il s’est également engagé à travailler avec le président sortant Pena Nieto afin d’assurer une transition harmonieuse. Les annonces qui seront faites à l’approche de la cérémonie d’investiture du 1er décembre seront examinées de près afin d’y relever la présence d’indices des premiers changements aux politiques. Le président élu doit s’atteler à la difficile tâche de répondre à des attentes élevées en matière de changement social sans entraver le dynamisme de l'économie, qui financera ce changement. Grâce à ses réformes et à son ouverture, le Mexique attire chaque année des dizaines de milliards de dollars en investissement étranger. Le pays a fait preuve de rigueur en matière de gestion budgétaire et monétaire, ce qui a créé un environnement stable qui a maintenu et favorisé l’entrée des investissements. Un recul majeur sur le plan des politiques risquerait non seulement de perturber ces investissements, mais aussi de faire planer une menace sur les projets d’investissement sur le marché national.

Des maladresses commises dès le départ pourraient se révéler coûteuses. Tout d’abord, parce que le pays risque de perdre gros sur le front de l’investissement étranger. Ensuite, parce que l’économie américaine est en plein essor, et toute interruption du flux des échanges commerciaux priverait le Mexique de retombées associées à une période de prospérité. Enfin, le relèvement des taux d’intérêt par la Fed et le resserrement imminent de la politique monétaire européenne ont déclenché une réappréciation des risques sur les marchés émergents. En optant pour la stabilité, le Mexique pourrait profiter de son statut de refuge parmi les marchés émergents. Face aux turbulences engendrées sur le plan des politiques, les marchés financiers pourraient sévir au pire des moments.

Conclusion?

Le Mexique a massivement voté pour le changement. Or, si les changements en question sont radicaux, le Mexique pourrait assister à un net retournement de situation. Contrairement au changement s’opérant aux États-Unis, ce processus serait rapide – et les marchés financiers y veilleraient. Voilà pourquoi il y a fort à parier que le président AMLO choisira une approche pragmatique à l’égard de son programme de changement.