Le parcours du Brésil durant la pandémie est unique. Au pays, les vastes mesures de soutien ont permis une reprise parmi les plus rapides de l’après-pandémie dans cette région. Résultat : à la fin de 2020, l’économie avait retrouvé ses niveaux d’avant la crise sanitaire. Malgré le scepticisme initial du président Jair Bolsonaro devant les ravages causés par la crise de la COVID, le gouvernement a mené des campagnes de vaccination assez efficaces. Pourtant, un peu plus d’un an plus tard, le gouvernement ayant utilisé tous les moyens à sa disposition, l’économie brésilienne a ralenti de nouveau et est exposée au risque bien réel de stagflation. Ce marché en perpétuelle émergence finira-t-il par émerger?

Le Brésil ne s’est jamais complètement remis de la grave crise économique qui a sévi de 2014 à 2016. En fait, avant la pandémie, le dynamisme de cette économie demeurait de 3,5 % inférieur au niveau atteint six ans plus tôt, et son l’élan fondamental était faible. 

La crise de 2014 a laissé de profondes marques sur le marché de l’emploi : le chômage a bondi dans les deux chiffres, tandis que les ménages ont accru leur dépendance aux transferts et aux aides publics. La montée des prix, en partie le résultat d’une monnaie dépréciée, a aussi poussé le Brésil dans un cycle inflationniste avant les autres pays; ce développement n’était pas lié aux tensions inflationnistes qui impactent le monde aujourd’hui. 

L’envolée de l’inflation a obligé la banque centrale à relever les taux d’intérêt plus tôt et plus rapidement que dans d’autres pays, ce qui a diminué les revenus réels et gonflé le fardeau du service de la dette. À l’heure actuelle, les ennuis de la chaîne d’approvisionnement et l’augmentation du cours des produits de base mettent encore plus à l’épreuve les finances des ménages brésiliens, alors que la consommation peine à revenir au niveau d’avant la pandémie et à remédier à des années de report des dépenses. Pour soutenir la reprise à l’ère de la COVID, le gouvernement a fait grimper la dette publique à près de 90 % du produit intérieur brut (PIB), ce qui soulève des inquiétudes à propos de la soutenabilité de cette dette, qui est en grande partie en monnaie locale.  

Le gouvernement a engagé plusieurs réformes majeures durant la pandémie, mais d’autres seront nécessaires pour atténuer les rigidités en matière de dépenses et élargir la source des revenus. Le lancement d’autres réformes majeures est peu probable en 2022 – une année électorale – et par la suite, vu l’absence d’un consensus clair sur ce front. Compte tenu des perspectives économiques plutôt moroses et des tensions persistantes sur les dépenses, on s’attend à ce que les principaux ratios de la dette suivent une tendance à la baisse au cours des prochaines années, ce qui pourrait faire planer un doute sur l’engagement du gouvernement à respecter un cadre budgétaire prudent. 

En raison de l’instabilité du marché à l’approche des élections d’octobre et de l’incertitude engendrée par la politique budgétaire, le real brésilien s’est dissocié du cours des matières premières en forte progression, au moment où la pandémie perd du terrain. L’appréciation récente de la monnaie – portée par des investisseurs voulant profiter des taux d’intérêt supérieurs du Brésil et de l’élan continu du cours des matières premières – risque d’être de courte durée; en effet, les banques centrales  un peu partout dans le monde amorcent un cycle de resserrement des taux. Un real plus élevé aiderait à maîtriser les tensions inflationnistes, mais il pourrait nuire aux exportations.

Au Brésil, le commerce contribue à environ 30 % de l’activité. Ce  n’est donc pas l’un des principaux moteurs économiques. Le récent virage des exportations, soit des biens manufacturés aux ressources, a renforcé le cycle d’expansion et de contraction dans lequel se trouve le Brésil. La Chine est la destination du tiers des exportations du pays. Or, les efforts de la Chine pour réduire ses importations de fèves de soja et les défis auxquels est confronté le secteur chinois de la construction posent d’importants risques pour les exportations brésiliennes de produits de base. 

Les sorties de capitaux privés après la crise de 2014 et l’incertitude entourant l’élection ont découragé l’investissement commercial qui, dernièrement, a toutefois été stimulé par des taux d’intérêt au plus bas, une demande comprimée substantielle et plusieurs réformes favorables au marché. Et il y a une autre bonne nouvelle : une foule de projets seraient en cours sur le marché grâce à l’intérêt des investisseurs dans divers secteurs : pétrole et gaz naturel, énergies renouvelables, gestion de l’eau et des eaux usées, santé, infrastructures, technologies financières, entre autres.

Conclusion?

Le Brésil, c’est plus de 200 millions d’habitants et une classe moyenne grandissante. Le pays est riche en ressources naturelles clés dans un monde qui semble chaque jour en avoir moins. Il est aussi un chef de file régional; sa taille et son emplacement géographique en font donc un tremplin stratégique sur le marché d’Amérique du Sud. 

Le Brésil tarde à réaliser son potentiel (il reste donc un « marché de l’avenir »), pénalisé par des institutions fragiles, des infrastructures inadéquates, une bureaucratie déficiente et l’incertitude relativement à l’action du gouvernement. Malgré tout, un nouveau cycle de baisse des taux d’intérêt pourrait s’amorcer en 2023, l’inflation se stabilisant et diminuant. Les investisseurs auraient tout intérêt à surveiller la conjoncture après les élections. Ce pourrait être là un moment favorable pour les entreprises canadiennes voulant s’implanter sur ce marché très porteur, mais aussi très volatil.

Nous remercions Daniel Benatuil, analyste principal des risques au Centre d’information économique et politique des Services économiques d’EDC, pour sa contribution à la présente édition du Propos.

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