Les exportateurs canadiens auraient de bonnes raisons d’être moroses. Leur premier client met à mal non seulement l’une des relations commerciales les plus florissantes du Canada, mais également l’important mécanisme qui régit le commerce mondial, dont ils sont de plus en plus tributaires. Vu ce contexte, l’amélioration nette de la confiance présente un contraste saisissant. C’est ce que révèle le sondage du printemps de l’Indice de confiance commerciale d’EDC, qui affiche son deuxième meilleur résultat depuis la mi-2010. Comment expliquer ce résultat?

Cette hausse de l’Indice à son niveau actuel de 76,5 représente le mouvement le plus marqué au cours d’une seule période depuis la fin de 2012. L’Indice avait fluctué autour de la moyenne historique, au moment où la série ne pouvait enchaîner deux mouvements consécutifs dans la même direction. En fait, l’Indice a évolué de cette manière pendant une bonne partie de la période postrécessionniste, sauf durant l’intervalle allant de 2013 à 2015, où on avait observé trois gains consécutifs, puis trois diminutions successives. Ces mouvements en dents de scie illustrent bien l’incertitude généralisée avec laquelle doivent composer les exportateurs depuis la fin de la récession.

Les exportateurs optimistes au sujet des ventes

Qu’est-ce qui est à l’origine de ce vent d’optimisme? L’activité, tout simplement. Les exportations augmentent, et cette embellie a eu un effet sur les réponses des participants au sondage. Ils sont encouragés par la robustesse des ventes sur le marché intérieur. L’optimisme envers les ventes se manifeste dans tous les secteurs, à l’ensemble du pays et dans toutes les tailles d’entreprise. Malgré les messages négatifs en provenance des États-Unis, la vaste majorité des commandes américaines sont en hausse ou stables. Pour ce qui est des conditions du marché, les répondants sont cependant moins optimistes. Les perceptions relatives à l’évolution à court terme du marché intérieur sont légèrement moins favorables, alors que le même indicateur pour les conditions à l’échelle mondiale est un brin supérieur. De la même manière, l’indicateur pour les débouchés commerciaux internationaux a progressé, mais très peu. La perspective incertaine quant aux conditions à court terme est révélatrice. Les ventes ont beau être dynamiques, l’incertitude pèse sur la capacité des exportateurs à répondre aux demandes à venir. L’investissement est en danger, en raison du flou engendré par les tensions commerciales actuelles. Un nombre croissant d’exportateurs affirment avoir l’intention d’intensifier leurs investissements, et ils sont considérablement plus nombreux à vouloir investir à l’extérieur du Canada – aux États-Unis et ailleurs et dans le monde. Pourtant, près d’un exportateur sur cinq déclare que la renégociation de l’ALENA a une incidence négative sur ses plans d’investissement. De ce groupe, un tiers des répondants ont précisé leur intention de reporter leurs investissements.

Les biens et services canadiens prisés par les acheteurs étrangers

Même si la majorité – soit 63 % – des personnes sondées croient que la renégociation de l’ALENA ne s’est pas répercutée sur leurs activités, la part des répondants faisant état d’effets négatifs à ce chapitre est passée de 23 à 28 % du total. Quel que soit leur sentiment envers l’état actuel du commerce, les exportateurs canadiens sont en quête d’occasions d’affaires sur d’autres marchés. Ainsi, dans le sondage, on constate une hausse notable de la part des exportateurs exportant déjà vers de nouveaux pays, et des exportateurs prévoyant le faire. Leur principale motivation n’est pas d’éviter les turbulences commerciales actuelles, mais bien de répondre à la demande. Les autres raisons invoquées se situent loin derrière. Quels sont les principaux marchés où les exportateurs canadiens prévoient s’implanter? Les États-Unis occupent le troisième rang, derrière la Chine et le Royaume-Uni.

Les exportateurs sondés ont cité d’autres préoccupations, notamment les taux d’intérêt. Pas moins de 30 % des répondants s’attendent à ce que ces taux nuisent à leurs ventes à l’exportation, ce qui représente un bond de 21 % par rapport au sondage précédent. Malgré tout, une poignée de répondants estiment qu’ils peuvent y changer quelque chose – mais 40 % des répondants déclarent qu’en dépit de ces effets négatifs, ils ne prévoient prendre aucune action.

L’accès à la main-d’œuvre est aussi cité comme une difficulté croissante. Le tiers des répondants disent éprouver beaucoup de mal à trouver du personnel qualifié, et cette part a considérablement augmenté lors des deux derniers sondages à des niveaux qui remontent à 2012. Ces résultats concordent avec les conclusions exprimées dans l’Enquête sur les perspectives des entreprises publiée par la Banque du Canada, où l’on fait état d’inquiétudes semblables.

Conclusion?

En apparence, les exportateurs semblent satisfaits. Or, une analyse plus approfondie met en évidence certains éléments problématiques – qu’il s’agisse de l’inaptitude grandissante sur le plan de la capacité à combler une demande croissante ou encore d’une orientation défavorable des politiques. Fait à noter, ce sondage a été mené avant l’annonce du 1er juin par l’administration américaine d’imposer des tarifs douaniers sur l’acier et l’aluminium. Bien que l’activité de ces secteurs touche une part relativement limitée de la communauté des exportateurs, une escalade des tensions pourrait avoir des conséquences plus graves. Profitons aujourd’hui de la conjoncture favorable, mais gardons à l’œil les développements dans la sphère commerciale.