Nous ne sommes pas les seuls touchés. L’économie canadienne doit composer avec un repli de la demande intérieure à mesure que les secteurs de la consommation et du marché du logement ralentissent la cadence, et ce, alors même que l’activité chancelante de l’économie mondiale assombrit les perspectives prometteuses des exportations. De manière générale, le monde développé n’est pas épargné par ce climat d’inquiétude : les consommateurs, une force jadis puissante qui est toujours le plus grand contributeur à la croissance du PIB, prennent de l'âge et ne montrent plus le même appétit vorace qu’autrefois. La performance des marchés du logement a été une immense déception au cours du présent cycle, car ces marchés n’ont pas encore imprimé l’impulsion attendue ni d’ailleurs fourni des indications au sujet de la croissance future, comme ils l’ont fait avec brio par le passé. Si cette nouvelle donne pose un véritable dilemme sur le plan de la croissance pour les marchés les plus riches, elle a de toute évidence pour effet d’entraver le potentiel des marchés émergents. La situation est-elle désespérée? La croissance sera-t-elle au rendez-vous?

En définitive, la croissance est présente et abondante, mais ce sont les sources de cette croissance qui sont en train de changer. Nous ne mesurons sans doute pas encore la portée de l’incidence du baby-boom de l’après-guerre en Occident sur l’évolution de la demande mondiale. Les personnes nées à cette époque ont désormais passé le cap de leurs belles années en tant que consommateurs, et les cohortes plus jeunes qui prennent le relais sont moins nombreuses et moins engagées dans l’économie. Des facteurs structurels de ce genre, conjugués aux anomalies cycliques observées, ont produit une décennie marquée par une activité plus terne, ce qui en a poussé plusieurs à conclure que cette croissance léthargique était un trait permanent de l’économie mondiale.

Par chance, les changements technologiques sont venus à la rescousse. L’intégration rapide de capacités technologiques de pointe dans des biens traditionnels comme les véhicules, les électroménagers et les systèmes pour les habitations ont accéléré la dépréciation des biens de consommation et rendu nécessaire – plus vite que par le passé – leur remplacement par des biens de nouvelle génération. Au mieux, il s’agit là d’une éclaircie passagère. En effet, les membres de ce bassin de population vieillissante ne sont pas aussi technophiles et pourraient bien se contenter d’une version plus rétro des biens et des services. De plus, les biens intégrant des technologies de pointe, tout particulièrement les automobiles, durent plus longtemps, ce qui n’est pas un incitatif pour s’en départir. Fait à noter, la consommation de ces biens cède peu à peu la place à une consommation accrue de services, un secteur en plein essor dont il est complexe de déterminer le niveau de productivité.

Si le virage majeur de la consommation dans le monde développé est un poids structurel freinant la croissance, on peut en trouver l’image correspondante dans le monde émergent. À une grande différence près :  les économies émergentes ont la capacité de se développer plus vite que jamais grâce à la technologie. La nette baisse des coûts de communication et de constantes innovations dans les transports et la logistique ont réduit les distances et contribué à une croissance beaucoup plus inclusive. Les économies – même les plus petites – auparavant exclues des principaux échanges commerciaux profitent désormais d’un meilleur accès, et les gains de richesse ainsi obtenus profitent jusqu’aux citoyens ordinaires. L’une des forces générant le plus de croissance est la montée de la classe moyenne sur les marchés émergents, sur fond de vieillissement de la population dans les pays développés. Or, son émergence transforme le portrait de la demande mondiale.

Naturellement, cette situation fait basculer les forces du pouvoir du monde développé vers le monde émergent, un changement qui a des répercussions sur la scène politique. Ici, de bien des manières, ces deux mondes ont besoin l’un de l’autre. Dans leur relation la plus fondamentale, les locomotives émergentes ont encore besoin des mécanismes efficaces régissant le commerce mondial; la croissance restera ainsi alimentée par les grands marchés développés qui, à leur tour, deviennent de plus en plus tributaires d’une augmentation des besoins d’importation de la classe moyenne mieux nantie des pays émergents où l’économie ne peut répondre à ces demandes.

Ces évolutions d’envergure sont voilées par les ressentiments actuels dans la sphère du commerce. Contrairement à plusieurs, nous croyons que la phase finale aura une issue positive. Chaque parti prenant part aux multiples discussions sur les enjeux commerciaux a trop à perdre si les différends nuisent au système. À mi-parcours, on est en train d'apporter des modifications nécessaires au système afin d’assurer la mise en place de règles du jeu plus équitables en matière de commerce. Les récents accords commerciaux multilatéraux ont sensiblement amélioré la dynamique du commerce mondial en remédiant à des points de friction de longue date, notamment ceux liés au commerce des services, à la protection de la propriété intellectuelle, à l’agriculture, aux barrières non tarifaires et aux questions liées à la gestion des devises.

Conclusion?

Les économies en rattrapage seront appelées à jouer un rôle de plus en plus prépondérant dans l'établissement du profil de la croissance mondiale. Les activités de diversification, tant dans les économies émergentes que développées, seront essentielles pour maintenir et accroître l’expansion mondiale. Le mouvement de diversification du Canada vient donc à point nommé et constitue une belle occasion de « se rattraper ».

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