Minée par plusieurs vagues d’arrêt de l’activité lors de la pandémie, secouée par les perturbations touchant les chaînes d’approvisionnement et frappée par la guerre en Europe, l’économie mondiale se retrouve aujourd’hui à la dérive : elle est accablée par la dette des programmes de relance et l’inflation par les coûts, mais aussi exposée aux redoutables distorsions présentes sur les marchés qui sont induites par les politiques.

Afin de mater l’inflation, les banques centrales ont relevé les taux d’intérêt à la cadence la plus rapide en 25 ans : de 475 points de base dans le cas de la Réserve fédérale américaine; de 425 points de base dans le cas de la Banque du Canada; et de 350 points de base dans le cas de la Banque centrale européenne (BCE). Le  resserrement monétaire a aidé à freiner l’envolée de l’inflation pendant la saison estivale. Toutefois, le rythme des augmentations de prix demeure nettement plus rapide que la cible des banques centrales. Ces dernières devront donc gérer les eaux agitées des courants contraires quand la croissance commencera à s’essouffler.

Compte tenu du tableau actuel – caractérisé par des taux d’épargne loin des sommets de la pandémie, par l’érosion du pouvoir d’achat face à l’inflation et par un investissement commercial plombé par la montée des taux d’intérêt –, les grandes économies de la planète courent le risque de s’échouer dans les hauts-fonds de la récession. Ce risque est accentué par l’engagement des banques centrales à ancrer fermement les attentes inflationnistes. Ces attentes continuent d’être portées par le coût élevé des services et du logement, et par le resserrement soutenu du marché de l’emploi. À notre avis, dans leur volonté de calmer les tensions continues sur les prix, les banques centrales des marchés développés choisiront de construire un quai trop long d’un kilomètre plutôt que trop court d’un mètre...


Vu la nécessité de concilier inflation, croissance et dangers émergents sur les marchés des capitaux, nous nous attendons à ce que la Banque du Canada maintienne son taux directeur actuel en 2023, avant de l’abaisser, mais seulement au début de 2024. Quant à la Réserve fédérale américaine, elle surveillera de près les marchés des capitaux et pourrait encore procéder à deux autres hausses de 25 points de base des taux avant l’été. D’après nous, la Fed maintiendra ces taux avant de les abaisser à la fin du premier trimestre de 2024.

Cette divergence en matière de politique monétaire aura des conséquences sur le dollar canadien : les taux plus élevés au pays entraîneront un mouvement de capitaux vers les États-Unis. Résultat : le huard plongera pour se négocier, en moyenne, à 73 cents face au billet vert en 2023, avant de remonter à 75 cents en 2024.

Après une performance meilleure que prévu au premier trimestre, l’économie américaine enregistrera une croissance d’à peine 0,9 % en 2023. En 2024, la croissance devrait grimper à 1,2 %, tirée par la montée en puissance de l’activité à la fin de l’année. Dans l’édition du printemps des Perspectives économiques mondiales, les Services économiques d’EDC projettent une légère récession au Canada cette année, avec une croissance à 0,1 %. L’économie canadienne réalisera une croissance de 1,8 % en 2024 grâce au regain de dynamisme de l’économie mondiale.

De l’autre côté de l’Atlantique, la BCE continuera de relever les taux – avec prudence et constance – d’ici la fin de 2023. Malgré le resserrement de la BCE et la crise énergétique, l’Europe est parvenue à se maintenir à flot durant l’hiver grâce à des températures plus douces et aux efforts déployés pour se détourner de l’énergie russe. L’impact des pénuries d’énergie s’est propagé aux économies de la région; cependant, le retour des températures habituelles en hiver et en été devrait, selon nous, brider la croissance. La zone euro devrait réussir à se maintenir tout juste à la surface à la faveur d’une faible croissance de 0,6 % en 2023, avant d’accélérer la cadence à 1,2 % en 2024. 

Pour sa part, la Chine devra composer avec une demande mondiale en berne, alors qu’elle rouvre son économie après près de trois années de restrictions liées à la COVID-19. La confiance des consommateurs et des entreprises chinois a été mise à mal par les effets persistants des confinements sur la société et le niveau inquiétant d’endettement du secteur de l’immobilier. Selon nous, l’économie chinoise atteindra sa cible de croissance de 5 % en 2023, mais ce taux contraste beaucoup avec la trajectoire d’avant la pandémie. En 2024, la croissance devrait se limiter à 4,7 %. 

L'effet combiné de ces forces sur l’économie mondiale se traduira en 2023 par une croissance mondiale de seulement 2,4 %, ce qui représente l’un des taux de croissance annuels les plus faibles de l’histoire récente, en faisant exception des années 2020 et 2008. La croissance remontera à 3,2 % en 2024, dynamisée par le début de la reprise.

Conclusion?

Les banques centrales du globe ont aidé l’économie mondiale à braver une mer orageuse; aujourd’hui, elles nous indiquent le chemin à suivre pour naviguer sur des eaux plus calmes en 2024. Cela dit, cette année, le marasme persistera dans la plupart des grandes économies en raison des importants dangers créés par la fin d’une décennie de politiques économiques non conventionnelles.

Nos sincères remerciements à Ross Prusakowski, directeur du Centre d’information économique et politique d’EDC, pour sa contribution à la présente édition. 

Les Services économiques d’EDC vous invitent à leur faire part de vos commentaires. Si vous avez des idées de sujets à nous proposer, n’hésitez pas à nous les communiquer à l’adresse economics@edc.ca et nous ferons de notre mieux pour les traiter dans une édition future du Propos.

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