La poétesse et militante des droits de la personne américaine Maya Angelou a dit un jour cette phrase célèbre : « on ne peut vraiment savoir où l’on va, tant que l’on ignore où on est allé ». Au début de 2022, nous avions l’espoir que la volatilité engendrée par la pandémie serait finalement derrière nous. Pourtant, ses effets persistants plombent toujours l’économie mondiale.

Dans sa plus récente édition de l’Analyse trimestrielle des risques pays, EDC présente ses perspectives pour les risques pays, qui tiennent compte de l’impact des épreuves imposées par la pandémie. Cette crise planétaire a fait un nombre inimaginable de victimes. Elle a aussi perturbé les chaînes d’approvisionnement et, par le fait même, confronté plusieurs pays à un accès réduit à des produits essentiels et à une envolée des prix. En dépit de certaines améliorations depuis l’automne dernier, le transport reste encore perturbé et exposé aux restrictions gouvernementales, aux tensions géopolitiques et à des événements météo extrêmes. La guerre en Ukraine a compliqué cette conjoncture en faisant davantage grimper le prix de produits de base essentiels, surtout dans les secteurs alimentaire et énergétique. 

Pour contrer l’inflation, les banques centrales du monde ont, à juste raison, relevé les taux d’intérêt en faisant le calcul qu’une croissance moins robuste était préférable à une inflation galopante. Résultat : de multiples pays font maintenant face à un pouvoir d’achat réduit, à une confiance commerciale en baisse et à un resserrement des conditions de crédit, autant d’éléments qui se répercutent à la fois sur l’offre et la demande.

Par ailleurs, la flambée du variant Omicron en Chine, au printemps dernier, est survenue à un bien mauvais moment pour l’économie de ce pays, soit après une crise de la dette ayant touché plusieurs grandes sociétés immobilières – crise qui s’est propagée à l’ensemble du secteur immobilier. Le repli subséquent de l’économie chinoise, qui a contribué au recul de l’activité sur les marchés en développement, a eu des répercussions de l’Asie jusqu’en Amérique latine. La notation du risque commercial à court terme, c’est-à-dire la notation des risques d’EDC la plus étroitement liée aux conditions actuelles du marché, est passée au rouge sur de nombreux marchés. 

Les prix des aliments et des carburants commencent à diminuer, mais ils demeurent élevés par rapport aux normes habituelles. Cette conjoncture des prix continuera d’impacter les grands pays importateurs comme l’Égypte, l’Inde et la Turquie, qui font aussi face à une faiblesse généralisée de leur monnaie. En réponse, certains gouvernements ont puisé dans leurs réserves de devises, augmenté les subventions ou limité les importations non essentielles. Cette dynamique et la hausse des coûts d’emprunt pèseront sur la notation de la limite commerciale du pays sur plusieurs marchés. Les pays exportateurs d’énergie comme le Qatar et l’Algérie continueront de profiter des effets positifs des termes de l’échange, alors même que l’Europe cherche à reconfigurer ses réseaux d’approvisionnement. 


Les programmes de soutien durant la pandémie ont fait bondir la dette générale publique de 32 % à l’échelle mondiale pour la porter à 82 000 milliards de dollars. Ce bond soulève des préoccupations autour de la notation souveraine de marchés en développement (et aussi certains marchés développés plus vulnérables) qui, au début de la pandémie, avaient des niveaux élevés de la dette; ces dernières années, ces marchés ont enregistré des déficits encore plus grands. 

La montée des taux d’intérêt à l’échelle mondiale ne favorisera pas seulement à une sortie des capitaux des marchés en développement, mais elle donnera plus de tonus au billet vert et augmentera le coût du service de la dette libellée en dollar américain. Dans cette situation, bon nombre de gouvernements dépendront encore plus de l’aide du Fonds monétaire international (FMI) et d’autres banques multilatérales de développement. L’indice des marchés obligataires émergents de J.P. Morgan (ou l’indice EMBI) compte 16 entités souveraines affichant des écarts supérieurs à 1 000 points – elles étaient à peine cinq en janvier 2019. Même si notre notation de la probabilité de défaut d’entités souveraines n’annonce pas une vague de défauts souverains, plusieurs marchés frontière risquent de se retrouver dans une situation semblable à celle du Sri Lanka, notamment le Salvador, le Pakistan et le Ghana. 

En plus de gonfler la dette, la pandémie a creusé les inégalités relatives au revenu, une problématique qui existait avant la crise de la COVID-19. La possibilité de troubles sociaux augmente à mesure que grandit l’insécurité entourant les produits alimentaires et les carburants (en particulier sur les marchés en développement) et que les gouvernements prennent des mesures pour lutter contre les effets de l’inflation. L’Histoire contient de multiples exemples d’épisodes d’instabilité politique déclenchés par une hausse des prix dans les secteurs de l’alimentation et de l’énergie. C’était le cas lors du Printemps arabe.

Parallèlement, nous avons revu à la baisse notre notation de la violence politique pour de plusieurs pays de l’Europe orientale bordant l’Ukraine. De fait, la guerre en Ukraine occupe toujours le devant de la scène et la rhétorique nucléaire du président Vladimir Poutine accroît le risque d’escalade. En Asie, les tensions entre la Chine et Taïwan continuent d’assombrir les perspectives, tandis que la signature d’un nouvel accord sur le nucléaire entre l’Iran et l’Occident paraît encore moins probable

Conclusion?

Les perspectives moins favorables pour l’économie mondiale ont fait augmenter les risques pays, tout particulièrement les risques à court terme. Pour autant, les entreprises canadiennes ne devraient pas rester sur la touche. En fait, les contextes de ce genre recèlent souvent les plus belles opportunités. La clé est de comprendre les risques et de planifier en conséquence. Je termine cette édition en paraphrasant à nouveau notre muse : « vous pouvez rencontrer la défaite, mais vous ne devez pas être vaincu ». 

Tous nos remerciements à Ian Tobman, gestionnaire du Centre d’information économique et politique d’EDC pour sa contribution à la présente édition. 

Les Services économiques d’EDC vous invitent à leur faire part de vos commentaires. Si vous avez des idées de sujets à nous proposer, n’hésitez pas à nous les communiquer à l’adresse economics@edc.ca et nous ferons de notre mieux pour les traiter dans une édition future du Propos.

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