Des élections déterminantes en Amérique latine tiennent les investisseurs étrangers et les exportateurs sur le qui-vive. En effet, des élections très polarisées se tiennent en ce moment dans les trois grandes économies de la région : la Colombie, le Mexique et le Brésil. Dans ces pays, de plus en plus, l’électorat délaisse le statu quo et se détourne de la classe politique. La corruption, l’impunité des représentants officiels et la sécurité sont des préoccupations de premier plan des électeurs.

Les exportateurs et les investisseurs se préparent donc à une possible détérioration du contexte commercial, étant donné que des candidats opposés au pouvoir mènent dans les sondages d’opinion. Cette situation se produit au moment même où des réformes économiques doivent être engagées pour améliorer la compétitivité du marché, qui a surtout été renforcée par le statu quo maintenu par la classe politique. 

Compte tenu de l’incertitude entourant ces élections, qui mettent en lice de nombreux candidats d’extrême gauche, il est difficile de savoir de quel côté oscillera le pendule politique. Face au brouhaha provoqué par la rhétorique politique pendant ces élections, on peut se poser deux questions : quels facteurs déterminants de notre analyse des risques devraient retenir l’attention des exportateurs? Que disent nos prévisions à propos des répercussions de faire des affaires sur ces marchés clés?

Les élections en Colombie

Le 17 juin dernier, le candidat de droite Iván Duque a remporté son duel avec le représentant de gauche Gustavo Petro lors du dernier tour de l’élection présidentielle. Le scrutin a été polarisé étant donné que les deux candidats avaient des approches différentes du point de vue idéologique sur les questions de l’accord de paix historique de 2016 conclu avec les FARC et l’économie. Le candidat Duque s’est montré favorable à l’économie de marché, tandis que le candidat Petro proposait une plus grande participation de l’État. Duque aurait gagné la présidentielle avec un peu moins de 54 % des voix. La victoire de Duque – notre scénario de référence – signifie sans doute un mouvement vers un resserrement des politiques de sécurité, ce qui aura des conséquences à long terme sur le contexte de sécurité en Colombie. Cependant, cela signifie aussi que le gouvernement renforcera le climat d’investissement en engageant des réformes budgétaires, en privilégiant des politiques de libre marché et en facilitant les investissements dans le secteur des industries extractives.

Les élections au Mexique

Au Mexique, les électeurs s’apprêtent à vivre un tournant aux élections générales du 1er juillet. Au cours de son mandat actuel, le parti PRI a mis en œuvre des réformes structurelles visant à augmenter la libéralisation du marché et la compétitivité. Cependant, le candidat du PRI à la présidentielle, José Antonio Meade, a une faible cote de popularité. D’après les sondages, le candidat nationaliste de gauche Andres Manuel Lopez Obrador devrait obtenir une victoire décisive grâce à une plateforme populiste s’attaquant à la corruption et aux inégalités sociales.

Nombre d’investisseurs redoutent qu’une victoire du candidat Obrador entraîne un net virage des politiques économiques et budgétaires du Mexique, plombe la croissance et inverse le mouvement de réformes dans le secteur de l’énergie. De toute évidence, ces élections sont un tournant pour le Mexique. Toutefois, il est difficile d’affirmer que dans l’éventualité d’une victoire d’Obrador à la présidentielle, son parti Morena aurait une majorité au Congrès – et encore moins une écrasante majorité qui lui permettrait d’opérer un renversement spectaculaire des réformes structurelles clés qui sont enchâssées dans la Constitution. Un Congrès divisé – selon nous, le scénario le plus probable – agirait à la manière d’un contrôle institutionnel et d’un levier pour favoriser le compromis et le pragmatisme, advenant le cas où les partis traditionnels conservent un nombre important de sièges. De ce fait, la composition du nouveau Congrès est un facteur à surveiller pour établir l’orientation future des politiques au Mexique.

Les élections au Brésil

Enfin, nous surveillerons également les élections au Brésil, la première ronde des élections générales devant commencer le 7 octobre. Plus d’une douzaine de candidats sont en lice : parmi les cinq favoris, l'ancien président Luiz Inácio Lula da Silva est en tête, suivi du candidat conservateur d’extrême droite Jair Bolsonaro, puis de Marina Silva, Ciro Gomes et Geraldo Alckmin. Cette élection est compliquée par le fait qu’on ignore si Lula, en prison pour corruption, sera autorisé à être candidat. Le résultat de cette élection à deux rondes est incertain vu le fort désenchantement des électeurs. Si Lula est exclu de la course, déterminer pour qui les pro-Lula voteront sera d’une importance capitale. Nous ne sous-estimons pas la capacité des candidats de gauche à l’emporter, mais notre scénario de référence est le suivant : le candidat centriste Alckmin, pro-entreprises, décrochera la victoire au second tour, ce qui assurera la continuité des politiques favorables à l’économie de marché au Brésil.

Conclusion?

Prédire l’issue des élections très polarisées dans cette région, à la lumière des résultats surprenants d’élections tenues ailleurs dans le monde, est au mieux un exercice difficile. Les investisseurs et les exportateurs sont inquiets – et à juste titre. Pourtant, alors que le paysage des risques se transforme, il est essentiel de s’appuyer sur une analyse des risques pays et une analyse sectorielle pour faciliter une bonne gestion des risques qui va au-delà du bruit de fond. Pour se protéger de cette tempête électorale, il sera primordial de cerner les principaux risques et débouchés pouvant influer sur vos résultats.