De plus en plus, les experts s’interrogent sur la viabilité de ce contexte. Les entreprises se plaignent d’une pénurie d’employés qualifiés, qui se transforme aujourd’hui en doléances au sujet de la disponibilité des travailleurs réguliers. Le taux de chômage semble confirmer cette situation : il s’établit à un creux historique, soit à 3,7 % pour un deuxième mois consécutif. En fait, ce taux est bien inférieur à ce que les économistes estiment viable; ce taux se situerait plutôt dans la tranche de 4,5 à 5 %, mais il est en cours de révision. Et que dire du nombre de personnes présentant chaque semaine une demande d’assurance chômage? Ce chiffre est également incroyablement bas; il est en constante diminution depuis 2009 et a atteint aujourd’hui la barre des 200 000. Ces signes se manifestent d’habitude en fin de cycle – alors, la fête est-elle sur le point de se terminer?
Le resserrement extrême des indicateurs habituels ne prend pas en compte un élément déterminant. Le taux d’activité (soit le taux de participation au marché du travail) est extrêmement faible au cours du présent cycle, ce qui est sans aucun doute attribuable à la gravité de la grande récession et à la croissance léthargique pendant les années qui ont suivi. Des millions de travailleurs se sont retrouvés sur la touche, ce qui a eu un effet sur les chiffres jusqu’en 2016. À ce moment, en l’absence d’un changement de politique ou de la mise en place d’un nouveau programme, le resserrement du marché du travail a entraîné le retour des travailleurs désabusés. Depuis, plus d’un million de jeunes travailleurs ont décroché leur premier véritable emploi, et après une longue pause, les personnes en milieu de carrière font aussi un retour en force. Et le plus beau, c’est que des millions d’autres, de tous les âges, attendent de saisir leur chance… Cette situation pourrait perdurer pendant un certain temps, ce qui procurera au marché du travail la capacité nécessaire pour croître.