Le terme « secteur » a généralement une tonalité neutre, mais pas ces jours-ci. Il en fait frémir plusieurs sur notre planète où souffle un nouveau vent de protectionnisme. Pourquoi? Parce que les politiques hostiles au commerce n’ayant pas encore réussi à mettre fin à des accords commerciaux – un scénario qui ne devrait pas se concrétiser en raison des coûts –, elles ciblent désormais des secteurs, et aucun d’eux ne souhaite se retrouver sur cet écran radar, tout particulièrement lorsqu’il évolue dans une économie fortement axée sur le commerce comme le Canada. Vu les turbulences actuelles touchant les politiques commerciales, quelles sont les perspectives sectorielles pour les exportateurs canadiens?

Le problème n’est pas de nature économique

D’ordinaire, la rhétorique protectionniste et les politiques contre le commerce font leur apparition lorsque la croissance économique est languissante. C’était vrai autrefois, et nous sommes d’avis que cette idée est à l’origine du ressentiment populaire envers la libéralisation du commerce. Pourtant, la croissance actuelle fait fi de ces politiques rétrogrades et décalées. Pour preuve : la production industrielle est en plein essor et les taux de chômage en nette diminution dans les économies où les opposants au commerce s’expriment avec le plus de force. Voilà un contraste saisissant. Quels en sont les véritables impacts?

Les « secteurs ciblés » offrent une performance éclatante

L’aéronautique est l’un des bénéficiaires de l’envolée de la croissance mondiale en raison du dynamisme du segment des voyages d’affaires et de l’augmentation du revenu disponible, ce qui donnera une impulsion au tourisme. Fait à noter, l’aéronautique compte parmi les premiers secteurs canadiens à s’être trouvé dans la ligne de mire des politiques d’opposition au commerce. Par chance, la Commission du commerce international des États-Unis a annulé les droits de douane de 300 % imposés par le département américain du Commerce. Ce genre d’incertitude suffirait à perturber les activités d’exportation, mais pas dans ce cas-ci. Résultat : les exportations du secteur devraient gagner 16 % cette année, puis à nouveau 7 % en 2019.

Le secteur du bois d’œuvre a également été mis à rude épreuve. Suivant l’expiration de l’Accord sur le bois d’œuvre résineux entre le Canada et les États-Unis en octobre 2015, le gouvernement américain a annoncé, il y a un an, l’imposition de droits de douane massifs pénalisant les producteurs canadiens. Cette décision aurait pu mettre un frein à l’activité des exportateurs, mais c’était sans compter sur l’essor du marché du logement américain. En effet, les mises en chantier de nouvelles habitations ont atteint leur plus haute moyenne sur six mois depuis la grande récession – et la demande comprimée toujours abondante pourrait porter le marché à des sommets encore plus élevés. Le Canada profitera de cet environnement porteur. Les exportations de produits forestiers devraient donc grimper de 16 % cette année, et croître à nouveau de 2 % en 2019.

Il y a quelques semaines à peine, les secteurs de l’acier et de l’aluminium étaient dans tous leurs états après que l’administration américaine a décidé d’appliquer des droits douaniers sur les exportations canadiennes destinées au marché américain. Même si le Canada a obtenu une exemption temporaire, ce genre de turbulence peut troubler l’activité. Les métaux sont un autre exemple où les données affirment le contraire : dans ce secteur, la croissance devrait se fixer à 13 % en 2018.

Des conditions du marché pénalisant le secteur automobile

Certains destinataires des déclarations protectionnistes ne profitent pas de projections dans les deux chiffres. Le secteur de l’automobile souffrira d’une croissance pratiquement en panne pendant deux années consécutives étant donné que l’augmentation des expéditions de pièces d’automobile sera annulée par le repli des exportations de véhicules assemblés. Ce tassement de l’activité du secteur – attribuable à la fois au ralentissement attendu de longue date des usines de montage et au plafonnement des ventes américaines – n’a pas, à l’heure actuelle, de lien avec les menaces d’un resserrement des exigences ayant trait à la teneur américaine ou les pressions politiques visant à stimuler les investissements en sol américain. 

D’autres secteurs afficheront une performance respectable, notamment celui de la machinerie et de l’équipement industriels, dont les exportations sont promises à une expansion de 9 % cette année et de 5 % en 2019. La relance de l’activité minière et les fortes contraintes de capacité aux États-Unis sont les deux principales raisons expliquant ces résultats impressionnants. Les secteurs des produits chimiques et des plastiques tireront aussi leur épingle du jeu puisque, le plus souvent, ils profitent d’un regain de la production industrielle sur le marché américain – et sur la scène mondiale. 

Dans les provinces canadiennes, la croissance des exportations est de toute évidence inégale. L’Alberta ainsi que Terre-Neuve-et-Labrador bénéficieront de l’intensification de l’activité dans des projets énergétiques de premier plan. Le Québec ne sera pas en reste : la croissance des exportations de la belle province étant dynamisée par les secteurs de l’aéronautique et des métaux. Le secteur automobile entravera l’élan des exportations de l’Ontario, alors qu’au Manitoba et en Saskatchewan, les succès et les déconvenues de la filière agricole brideront la croissance à l’export. 

Conclusion?

La plus récente livraison des Prévisions à l’exportation d’EDC montre que le libre-marché agit précisément là où il excelle, ce qui permet à la croissance globale de déjouer les tactiques d’entrave au commerce. Pour le moment, les exportateurs canadiens tirent avantage de cette période de prospérité.