Avez-vous dernièrement essayé de vous procurer des « deux-par-quatre » (des « colombages », en bon français)? Ce n’est pas une mince tâche et si vous réussissez, sachez que ces matériaux valent leur pesant d’or. Les prix du bois s’envolent, et il n’y a aucun signe de ralentissement à l’horizon. Pour ne rien arranger, ce n'est pas la saison creuse; en fait, ce sera bientôt une période d'intense activité pour le secteur de la construction. Si la pandémie a durement éprouvé l’économie et que celle-ci tente toujours de se relever, comment expliquer cette flambée des prix? Y a-t-il une fin en vue à cette continuelle ascension? 

Au Canada, la hausse des prix pour les produits du bois semble incontrôlable. Les prix du bois d’œuvre sur le marché intérieur affichent une hausse de 48 % depuis trois mois, et ils sont le double ce qu’ils étaient à pareille date l’an dernier. Les prix pour les produits du bois de placage et de contreplaqué ne sont pas aussi robustes – ce qui, en soi, est une bonne nouvelle –, mais ils ont fait un bond de 74 % par rapport aux niveaux d’il y a un an. Le prix d’autres produits du bois ne grimpe pas autant, mais il est vrai qu’ils ne sont pas aussi essentiels pour le secteur. Les entreprises de construction peinent à trouver suffisamment de matériaux pour la saison si bien que les acheteurs de nouvelles maisons doivent assumer des coûts supplémentaires. 

Voici la situation qui a cours au Canada, mais également aux États-Unis. Sur ce marché, le prix du bois d’œuvre a grimpé de 83 % depuis un an, et les hausses mensuelles jusqu’en mars ne montrent aucun signe d’essoufflement. De la même façon, les prix des produits de contreplaqués se sont raffermis de 53 %; quant au prix du bois de feuillus, il emboîte aussi le pas grâce à une augmentation de 27 % et enregistre de très nettes hausses sur une base mensuelle. Pour sa part, le prix des produits de menuiserie préfabriquée est plus stable; toutefois, il ne sera pas à la traîne bien longtemps compte tenu de la montée en flèche du coût des intrants. Pour ceux et celles qui se proposent d’acheter une nouvelle maison ou de faire des rénovations, ce contexte risque de décevoir leurs espoirs d’une stabilisation des prix. D’après l’association des constructeurs américains (l’Association of Homebuilders), l’augmentation moyenne du coût de construction d’une nouvelle maison se chiffre à 24 000 dollars américains. 

La vigueur des prix n’est pas aussi marquée dans la zone euro, où cette tendance devrait aussi se manifester bientôt. En février, les gains sur une base mensuelle se sont accrus; quant à la progression annuelle des prix pour le bois de sciage, elle était nulle en octobre dernier, mais elle a atteint 5,3 % en mars, à la faveur des récents gains mensuels, qui ont atteint les 20 % en taux annuels. Ce tableau n’est pas rassurant. Les prix pour le bois de contreplaqué et de placage ne suivent pas encore ce mouvement, mais la trajectoire actuelle permet de croire qu’ils seront en « mode rattrapage ».

Cette progression du prix des produits du bois impacte-t-elle le commerce international? C’est là une excellente question. Une bonne partie des activités mondiales d’expédition nécessitent l’utilisation de caisses et de palettes de manutention en bois. Naturellement, ces produits sont de plus en plus coûteux, même s’il est difficile d’obtenir des données détaillées à ce sujet. L'agence Eurostat fait la collecte de données relatives aux conteneurs pour les produits du bois et, à première vue, tout semble calme de ce côté. Pourtant, les prix annualisés se sont appréciés de plus de 13 % en janvier et février. D’après les exportateurs, cet élan s’est maintenu jusqu’en avril et ses effets s’ajouteront à des coûts d’expédition déjà très élevés. Dans ce contexte, les entreprises s’inquiètent de la progression de l’inflation.

En Amérique du Nord, les stocks de matériaux de construction sont pénalisés par des contraintes liées à la main-d’œuvre et une pénurie de fibre de bois, lesquelles sont exacerbées par des épisodes passés d’infestation du dendroctone du pin touchant de vastes étendues de forêts anciennes. 

Parallèlement, l’activité dans le secteur du logement contribue considérablement aux tensions sur les prix. En mars, les mises en chantier ont atteint une cadence incroyable. Sur une base annuelle, la demande à long terme s’établit à environ 185 000 unités. Exprimé en termes annualisés, il s’agit de 335 000 unités pour le mois de mars. Au cours des six mois précédents, l’activité s’établissait en moyenne à 253 000 unités. Ces chiffres démesurés seraient logiques si on cherchait à combler des déficits passés. Or, ce n’est pas le cas. Mise à part une brève diminution en 2008-2009, le marché est excédentaire depuis 2002. 

Par chance, un dynamisme de ce genre aux États-Unis est plus soutenable. Là-bas, le déficit chronique de construction après la crise financière mondiale a généré une très forte demande comprimée. Ce n’est que très récemment que le nombre de mises en chantier a dépassé le seuil à long terme pour se situer en moyenne dans la fourchette de 1,6 à 1,7 million d'unités; selon nous, le marché peut maintenir ce rythme pendant un bon moment. On pourrait donc en conclure qu’il n’y aura aucune amélioration imminente sur le front du prix des produits du bois. En réalité, aux États-Unis, la longue accalmie du côté des mises en chantier a entraîné une réduction de la capacité de sciage, dont une partie ne reviendra pas. Il faudra du temps pour mettre en place les ressources pour répondre à la demande actuelle et future. Par conséquent, à court terme, les prix resteront obstinément élevés. 

Cette situation est singulière, et n’a pas vraiment sa raison d’être. Les emplois perdus, les fermetures d’entreprise, la chute des revenus et l’incertitude provoqués par la pandémie auraient dû dissuader les consommateurs de se lancer dans des dépenses importantes comme l’achat d’une maison ou des rénovations. C’est typiquement le cas durant une récession, mais à l’évidence pas durant la présente pandémie.

Comment l’expliquer? Les faibles taux d’intérêt y sont pour quelque chose. Encore une fois, ces taux chutent d’habitude en temps de récession. Le confinement aussi : face à l’obligation – et la frustration – de rester chez soi, nous achetons une résidence secondaire, rénovons notre résidence principale ou bien déménageons. En temps de récession, les gens se trouvent dans la même situation, à une exception près : ils n’ont pas l’argent pour mettre à exécution ces projets.

Conclusion?

Les tensions sur les prix du bois seraient absentes si ce n’était de l’effet d’un élément déterminant : la demande. L’incertitude, notamment celle provoquée par les  vives turbulences engendrées par la pandémie, devrait décourager les acteurs de toute activité dans le secteur du logement. Pourtant, c’est l’inverse qui se produit. Voilà qui témoigne de la résilience de l’économie mondiale et laisse entendre qu’au gré de la relance des divers pans de l’économie, il y a encore une large place pour la croissance. 

 

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