Sommes-nous d’éternels insatisfaits? Il semblerait que oui. Contrariés par le manque de croissance pendant des années, nous redoutons désormais qu’elle s’emballe un peu trop. Du jour au lendemain, notre attention se porte sur le « resserrement » : celui du marché du travail, mais aussi de la capacité industrielle – alors même que nous atteignons notre vitesse de croisière et que l’économie tourne à plein régime. Quel est l’impact de cette nouvelle donne sur les prévisions?

À première vue, les chiffres donnent quelques sueurs froides. Aux États-Unis et en Europe, les taux de chômage se trouvent à des creux cycliques ou s’en approchent. Sur le marché américain, l’utilisation de la capacité industrielle est élevée, et s’intensifie même ces derniers mois. En Europe, cet indicateur s’oriente aussi à la hausse depuis la mi-2016, et se dirige rapidement vers les sommets précédents. Même si ce sont là de bons problèmes à avoir, ils s’apparentent au sursaut habituel de fin de cycle – un épisode qui ne s’est jamais bien terminé par le passé. Par la force des choses, le resserrement engendre de l’inflation et entraîne à terme un resserrement notable des taux d’intérêt. 

4 arguments réfutant l’idée d’une récession

Les pessimistes entrevoient une récession et célèbrent déjà. Leur argument fondamental est le temps : la dernière récession a éclaté il y a environ 10 ans; par conséquent, la prochaine est à nos portes. Les grands spécialistes ont examiné les indicateurs et arrivent à la même conclusion. Toutefois, en poussant l’analyse, on trouve d’excellents arguments contraires.

Le premier : il y avait une armée de travailleurs sur la touche en raison de plusieurs années de croissance atone. Ils sont de retour sur le marché du travail grâce à la relance de l’activité économique, mais il y a encore beaucoup de place pour la croissance.

Deuxième contre-argument : la capacité est serrée puisque des années de croissance poussive ont créé un sous-investissement chronique. Le resserrement de la capacité – attribuable à l’avalanche continue de nouvelles commandes – devrait se traduire par une montée de l’investissement et une diminution des tensions sur les activités de production.

Un troisième argument réfute l’idée d’une récession : les avancées technologiques permettent de maximiser au quotidien la contribution de la main-d’œuvre existante et la capacité industrielle actuelle.

Enfin, quatrième argument souvent oublié : la présence très évidente de la demande comprimée. Divers indicateurs révèlent de façon très affirmée que les secteurs du logement, de la construction non résidentielle et de la consommation aux États-Unis et en Europe occidentale ne se sont pas encore tout à fait redressés, et que ces secteurs ont un long chemin à parcourir avant que les conditions se normalisent complètement.

Perspectives économiques mondiales d’EDC

Pour ces raisons, EDC présente des prévisions optimistes à court terme dans sa plus récente livraison des Perspectives économiques mondiales. Selon nous, la croissance de l’économie américaine dépassera 3 % cette année et l’an prochain, soit des taux supérieurs à ceux de la plupart des autres prévisionnistes. Les économies de la zone euro suivent collectivement une trajectoire semblable : elles afficheront une croissance de 2,5 % cette année et de 2,1 % en 2019, soit la meilleure croissance sur trois ans en plus d’une décennie. Cet élan permettra aux marchés émergents de maintenir leur performance impressionnante. D’après nos prévisions, la croissance de la Chine se fixera en moyenne à 6,5 % cette année et à 6,4 % l’an prochain. L’Inde fera encore mieux grâce à une croissance de 7,5 % en 2018 et de 7,6 % en 2019. Ces bons chiffres porteront la croissance de l’ensemble des marchés émergents à 4,8 % cette année, puis à 4,7 % en 2019.

Des tensions sur les cours hors matières premières et les marchés du travail

Le resserrement devrait exercer des tensions sur les cours hors matières premières. Le marché du travail et les prix des produits finis subiront les tensions les plus vives. Soyons clairs : il ne s’agit pas d’une flambée de l’inflation de fin de cycle, mais plutôt d’un signal à l’intention des marchés d’intensifier l’activité de recrutement et d’agrandir les installations de production existantes. Ce resserrement gagnera aussi un autre volet de l’économie : à savoir les taux d’intérêt.

Les marchés développés, surtout les États-Unis, sont déjà confrontés à cette réalité. Les consommateurs et les entreprises devront s’affranchir de leur dépendance à du crédit bon marché. Désormais, on semble refinancer les obligations à long terme en prévision de hausses attendues des taux. Cette réalité touchera aussi les marchés émergents, mais d’une autre façon. Là-bas, les obligations à taux élevé ont attiré pendant des années des investisseurs avides de rendement. Résultat : les capitaux ont été plus accessibles que d’ordinaire. Tout cela devant prendre fin, la courbe des rendements sur les marchés émergents s’accentue déjà. Évidemment, cette situation sera beaucoup plus facile à gérer pour tous ceux qui ont contracté des prêts à long terme à de faibles taux. 

Conclusion?

La conjoncture mondiale offre des possibilités attrayantes pour le Canada. Selon nous, les exportations gagneront 5,0 % cette année et 4,0 % en 2019. Le Canada profitera de l’élan de la croissance sur les marchés traditionnels et d’une plus grande diversification dans le monde émergent. Le contexte actuel de resserrement des taux, où le secteur financier est généralement plus frileux que lors du dernier cycle, recèle de multiples occasions d’être actifs dans les domaines des prêts et de l’assurance crédit. C’est le moment de se lancer!