Engager des fonds substantiels dans un projet commercial est une décision difficile à prendre : l’entreprise doit avoir d’excellentes raisons de le faire. À la base, cette décision est plus aisée quand l’économie est robuste, la situation politique stable et l’accès à la demande internationale facile. Et, bien entendu, quand les installations actuelles ne permettent plus d’exécuter les commandes reçues. L’absence de ces éléments – ou l’incertitude les entourant – a découragé des entreprises du monde entier à prendre des engagements de grande ampleur, et ce, pendant sept longues années. Plus récemment, sur certains fronts, il y a toutefois un début d’amélioration. Le géant endormi est-il en train de se réveiller ?

Certains pourraient douter du bien-fondé de cette question et se demander à quoi font référence des termes comme « géant » et « investissement brut dans l’économie ». Je leur répondrais ceci : les quatre principales sphères d’investissement – les secteurs résidentiel, non résidentiel, de la machinerie et de l’équipement, ainsi que celui de l’investissement public – représentent à peine 20 % de l’activité économique. On est bien loin du statut de « géant » conféré aux dépenses de consommation (qui pèsent pour environ 60 % du PIB) et au commerce international (dont la contribution avoisine 60 % lorsqu’on tient compte des exportations et des importations). Par conséquent, globalement, l’investissement ressemble davantage à David qu’à Goliath.

C’est peut-être vrai. Cependant, selon la légende, David a su dominer le géant philistin. L’activité d’investissement dans l’économie passe peut-être sous le radar, mais sa contribution est essentielle : à vrai dire, elle détermine dans une large mesure la capacité de l’économie à produire des biens et des services. L’absence de son dynamisme est révélatrice de l’orientation de l’économie – et cette absence était très manifeste pendant les années post-récession. De manière générale, le présent cycle d’investissement n’est pas plus court que la plupart des cycles antérieurs, mais il est sans aucun doute le moins impressionnant depuis des décennies. La croissance moyenne est pratiquement un point de pourcentage en deçà du taux de la deuxième période de plus faible croissance depuis 1980 – et depuis 1960 si l’on considère seulement les pays de l’OCDE. Tout au long de 2016, le géant est donc resté plutôt endormi.

Pas plus que les autres éléments du PIB, me direz-vous. D’accord, l’investissement en part du PIB mondial n’a pas vraiment changé ces dernières années. Or, c’est le cas dans les pays de l’OCDE, où le déficit d’investissement depuis la fin de la récession est plus important qu’en 2010, soit à l’époque où les marchés émergents se démarquaient par de vastes programmes d’investissements publics. Aujourd’hui, le secteur privé doit toujours combler ce déficit.

A-t-on des raisons de croire que la situation changera pendant les prochaines années? Dans un récent Propos de la semaine, nous avons affirmé voir les premières lueurs d’une relance du cycle de l’investissement dans le secteur de la machinerie. Cela toucherait-il aussi la construction? Interrogez les analystes de la « nouvelle normalité » : ils vous diront qu’il n’y a aucune évolution. Les données semblent leur donner raison, sauf si on tient compte des facteurs suivants. Premier facteur : le début 2016 a marqué la fin de la morosité récente de l’activité qui avait suivi le plongeon de 18 mois du cours des produits de base. Depuis, une reprise partielle a eu le même effet sur les projets d’investissement. De façon générale, le pire semble passé pour l’industrie minière, qui peut à nouveau envisager d’investir.

Le secteur industriel constitue le deuxième facteur. Il s’est retrouvé avec un excédent chronique de capacités pendant les années ayant immédiatement suivi la récession. Cependant, depuis, ce secteur ne cesse de résorber cet excédent. Aujourd’hui, les taux d’utilisation sur les marchés de l’OCDE sont aussi serrés qu’en 2008. Aux États-Unis, les taux de vacance des bâtiments industriels avoisinent les 5 % dans plusieurs villes et, dans certains cas, ce taux n’a jamais été aussi bas. Si elles n’augmentent pas leurs investissements, les entreprises devront bientôt refuser des contrats et hausser les prix de leur production limitée. Les banques centrales observent la situation et, en prévision, resserrent les conditions monétaires. Enfin, troisième facteur : les édifices abritant des locaux commerciaux. En effet, on constate une poussée de la demande engendrée par ces structures de verre et d’acier, dont les taux de vacance seraient en forte baisse. Même s’il y a toujours place à la croissance, l’effet de pressions accrues sur les taux moyens de location devrait entraîner un intérêt renouvelé à l’égard des nouveaux projets.

Les mêmes tendances se dessinent généralement du côté de l’investissement commercial au Canada. Alors que la cadence de l’activité s’accélère à l’échelle mondiale, on s’attend à une demande plus vive envers le secteur canadien des exportations. Les principaux acteurs de l’industrie manufacturière sont déjà confrontés à des problèmes de capacité.

Conclusion?

Il y a peu de preuves concrètes d’un réveil marqué de l’investissement à l’international. Malgré tout, les conditions préalables et fiables annonçant ce réveil se multiplient de belle façon. En terminant, une dernière remarque : pour les entreprises qui passeront à l’action, l’incertitude politique induit un avantage plus important qu’à l’habitude.