Le populisme ne se manifeste pas uniquement en Amérique. Dans un monde qui, depuis dix ans, tente toujours de se sortir du chaos d’après la récession, le populisme semble un point commun à toutes les régions, voire à toutes les nations du globe. Mais il y a plus troublant : à plusieurs égards, le populisme s’intensifie bien au-delà du point d’un cycle économique normal où il devrait s’atténuer – surtout dans la première économie de la planète. Si ce mouvement s’inverse un jour, il y a fort à parier que ce sera d’abord aux États-Unis. Peut-on imaginer un tel scénario?

Ces temps-ci, le populisme est un thème souvent traité. Des analyses sérieuses ont été réalisées et des mesures possibles ont même été proposées. La plupart portent sur la part croissante des électeurs appuyant des parties s’éloignant – vers la gauche ou vers la droite – du centre de l’échiquier politique. Les chiffres ainsi obtenus confirment presque tous une augmentation des divergences politiques, peu importe la région ou l’idéologie des élus.

Ce qui fait moins l’unanimité, cependant, ce sont les causes du populisme actuel. On jette d’emblée la faute sur les très nombreux facteurs structurels, sans pour autant s’entendre sur les facteurs prédominants. Les économistes font observer qu’il existe une relation négative entre la montée du populisme et l’emploi – et postulent que si un nombre suffisant de personnes occupent un emploi, ces dernières n’ont pas le temps d’exprimer des doléances. En clair, un chômage élevé engendre de l’agitation, et vice-versa. 

Comment expliquer le mécontentement en Amérique? Les États-Unis n’enregistrent-ils pas des taux de chômage exceptionnellement bas? D’après les chiffres officiels, oui. Mais la réponse n’est pas aussi affirmative si on se fie aux données officieuses. À ce point du cycle de croissance, le taux de participation sur le marché du travail américain est nettement inférieur à la normale, même après l’avoir rajusté en fonction du vieillissement de la population. Voilà qui n’est pas nouveau : les analystes en font état depuis des années. La présidente de la Fed, Janet Yellen s’en inquiétait et a même pris une mesure extraordinaire dans ce domaine; naturellement, j’ai beaucoup à dire à ce sujet…

Alors, pourquoi y consacrer un autre propos? Tout d’abord, parce que le problème n’est toujours pas résolu. Je voulais aussi savoir si cette situation s’était produite dans l’histoire récente. En fait, pas depuis les années 1970. Lors des précédentes périodes de repli cyclique, le taux de participation à la vie active a généralement gardé le cap. Des travailleurs découragés ont temporairement quitté le marché de l’emploi, mais la réaction a été nettement plus faible à l’époque. L’écart entre le taux de chômage réel – qui tient compte des travailleurs désabusés ayant quitté la vie active – se situe dans une fourchette relativement serrée qui avoisine zéro pour la majeure partie des 40 dernières années. Après 2008, ce taux augmente de façon constante à 1 %, à 2 %, puis à 3 %. Il s’oriente aujourd’hui à la baisse grâce à l’amélioration naissante du marché du travail, mais il fixe toujours le taux de chômage réel non pas au taux officiel de 3,7 %, mais à 6,1 % . 

Cet écart substantiel nous dit, essentiellement, que le marché de l’emploi américain dispose d’assez de travailleurs pour soutenir la croissance économique à la cadence actuelle, supérieure au potentiel, pendant environ deux ans – et plus longtemps encore si la croissance adopte un rythme plus durable. Dans ce contexte, les annonces d’une récession pourraient être pour le moins prématurées.

Compte tenu de ce marché porteur, la vague populiste pourrait-elle se briser? Oui, à certaines conditions. Il faudrait d’abord que l’incertitude entourant les politiques – ou tout élément d’influence extérieur – ne contrarie pas la croissance; ensuite, il faudrait assister à une relance de l’investissement, depuis longtemps en hibernation; enfin, il faudrait que la croissance inférieure à la normale ne se traduise pas par une faible croissance dans l’économie générale – car cet état d’esprit s’est révélé impossible à changer.

Pour que l’économie américaine – et mondiale – vienne à bout de ce malaise, il est primordial d’en arriver à une compréhension générale du fonctionnement actuel du cycle économique. Ce cycle n’est pas déréglé, comme plusieurs l’affirment, mais plutôt amplifié par les forces de la mondialisation et la technologie. En pareil cas, il faudrait opter pour une approche très différente à l’égard des stratégies d’affaires, des politiques et des comportements économiques habituels. 

Conclusion?

L’économie connaît des difficultés. Chose certaine, on s’accorde peu sur ce qui est au cœur des problèmes actuels. Résultat : nous avons du mal à retrouver un rythme plus normal. L’insensibilité (le « manque de cœur ») semble désormais un trait plus marquant des sphères économique et politique. La Saint-Valentin n’est-elle pas le moment idéal de changer et « d’avoir un bon cœur »? Sur ce, je vous souhaite de passer une excellente journée!

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