Le monde est à l’heure de la diversification : c’est indéniable et pas vraiment nouveau. Des forces tectoniques ont secoué l’univers du commerce international, ce qui a ouvert la porte à des marchés auparavant fermés au courant économique dominant. Ces marchés ont d’abord fait leur entrée comme des acteurs de très faible envergure, mais ils se sont rapidement transformés. Des économies émergentes clés ont ainsi accédé à des positions prédominantes – et d’autres entendent suivre leur exemple. Les chiffres nous révèlent que les pays contribuant au PIB mondial sont de plus en plus diversifiés, une diversification qui se trouve à élargir les sources de la croissance des exportations. À titre de nation commerçante, le Canada devrait suivre cette tendance. Est-ce le cas?

Pour répondre à cette question, j’aimerais dans un premier temps expliquer l’ampleur de la transformation qui s’est opérée à l’échelle mondiale. La Chine en est sans doute l’exemple le plus frappant. En 1980, sa contribution au PIB mondial s’élevait à 1,2 %. Depuis, la croissance fulgurante et pratiquement sans entraves de l’économie chinoise a porté la contribution de ce pays à environ 13 % du PIB mondial, et à environ 30 % de la croissance du PIB mondial. Compte tenu de la trajectoire de croissance annuelle actuelle plus modérée de 6 %, il faudra à la Chine un peu plus de 10 ans pour surpasser la production économique annuelle des États-Unis.

Voilà un changement remarquable. Pourtant, la Chine n’est pas ici le seul acteur dans l’arène. Il y a aussi l’Inde. Sa population est à peine de 50 millions inférieurs aux quelque 1,4 milliard habitants de la Chine, mais contrairement à cette dernière, sa population continue d’augmenter et poursuivra sur cette lancée pendant encore des décennies. Mobiliser cette population en éliminant la congestion qui touche l’activité commerciale et les infrastructures constitue un défi de taille pour l’Inde. Toutefois, la croissance du tigre indien a récemment surpassé celle du dragon chinois.

Cette belle progression ne se limite pas aux grands marchés émergents. L’explosion technologique et une plus grande ouverture au commerce ont permis à ces petites économies de gagner en importance. L’Asie du Sud-Est, l’Amérique latine, l’Amérique centrale et l’Europe orientale ont tous été les témoins d’une transformation économique et d’un renforcement de la croissance; de plus, collectivement, leur contribution à l’économie mondiale s’est nettement bonifiée.

Est-ce que ce mouvement persistera? L’élan économique est toujours présent. Pour s’en convaincre, il suffit d’observer la montée de la classe moyenne dans les économies émergentes : elle augmente annuellement de 5 millions au Brésil, de 7 millions en Indonésie et jusqu’à 20 millions en Inde, qui aspire au chiffre de 30 millions. Et comme l’Inde compte une classe inférieure de centaines de millions de personnes, ce rythme pourrait être maintenu pendant deux décennies, voire plus. La Chine trône au premier rang : selon les estimations, chaque année, la classe moyenne chinoise augmente de l’équivalent de la population du Canada.

Pour garder la cadence, il sera capital de maintenir l’ouverture au commerce. L’intégration constante des technologies sera un autre facteur prépondérant; la capacité de marchés moins développés à passer directement aux technologies de pointe constituera un avantage notable. Un autre facteur sera celui de l’effet de « rattrapage » : le revenu par habitant dans le monde émergent – et même en Chine – n’est qu’une fraction de celui de l’Occident. Pour atteindre la frontière technologique actuelle du monde développé, les économies émergentes ont énormément de chemin à parcourir : en clair, leur trajectoire de croissance sera encore longue.

Le Canada s’inscrit-il dans cette tendance? Il ne fait aucun doute que nous avons diversifié nos échanges commerciaux ces dernières années. Depuis l’année 2000, la part des exportations canadiennes de marchandises vers les marchés émergents est passée de 5 % à plus de 13 %. Cette hausse semble remarquable jusqu’à ce qu'on tienne compte du fait que la croissance de nos exportations vers les marchés émergents est inférieure à la croissance totale des importations – ce qui veut dire que notre part de marché a diminué. Et puis, considérons la réticence du Canada : nous ne sommes généralement pas les premiers à nous « lancer » sur des marchés moins traditionnels. Notre plus récent sondage sur l’indice de confiance commerciale le confirme : nous cherchons à nous diversifier lorsque la conjoncture nous y oblige; quand nos exportations vers les États-Unis ont le vent dans les voiles, cet intérêt faiblit.

Si on se fie aux tendances actuelles, le tableau du commerce extérieur du Canada pourrait radicalement changer en quelques années. En faisant abstraction de la croissance moyenne actuelle, la Chine pourrait devenir la première destination des exportations de marchandises canadiennes en seulement 26,3 années. Ajoutons quelques années de plus, et nos exportations en direction du Mexique et de l’Inde pourraient éclipser nos exportations de marchandises vers le marché américain. Ce scénario semble impossible; pourtant, c’est que les projections fondées sur l’activité actuelle nous disent. Imaginons un instant à quoi ressemblerait notre performance si nous suivions la cadence!

Conclusion?

L’activité mondiale se transforme. En tant que nation commerçante, le Canada doit emboîter le pas, sans quoi son secteur des exportations risque de tomber dans l’oubli. Il ne s’agit pas de couper les ponts avec nos partenaires commerciaux traditionnels, mais plutôt de cultiver des relations privilégiées avec ces marchés. Dans la foulée, nous avons la chance de trouver de nouveaux clients et d’intensifier nos activités pour mieux servir tous les pays bénéficiaires de nos exportations.

 

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