Pour faire son travail, l’analyste des risques pays doit suivre de près l’actualité dans de nombreux pays. Il doit aussi évaluer le contexte et déterminer si les événements sur la scène mondiale impactent la position de ces pays en matière de risques.

Pour avoir une vision d’ensemble, les Services économiques d’EDC ont retracé les changements de notations survenus en 2021. Cette information se trouve dans la plus récente édition de notre publication interactive l’Analyse trimestrielle des risques pays. En 2020, il y a eu des baisses de notation dans plus de 70 pays; en 2021, le nombre d’augmentations et de diminutions a été pratiquement le même. Voilà qui invite à un optimisme prudent : le risque pays est stable, mais plus élevé qu’avant la pandémie.

La notation d’EDC des risques à court terme, qui mesure la probabilité de défaut commercial de contreparties locales durant une année, est le meilleur indicateur de la trajectoire de la reprise économique. Cette notation tient compte d’indicateurs à haute fréquence comme l’inflation, la croissance économique, la volatilité du taux de change et la situation financière du gouvernement. 

En 2021, près de 15 % de tous les marchés notés par EDC ont vu leur notation des risques à court terme bonifiée. Cela a été surtout le cas sur des marchés développés d’Europe et d’Asie qui ont été les moteurs de la reprise mondiale grâce à des taux de vaccination élevés et d’imposants programmes de soutien publics. Selon nous, cette tendance devrait se maintenir.

Dans sa dernière parution des Perspectives économiques mondiales, les Services économiques d’EDC prévoient une croissance au-delà de la tendance pour les économies  développées cette année et l’an prochain. Toutefois, le tableau est plus contrasté du côté des marchés émergents. En effet, le variant Omicron a retardé la relance dans les économies émergentes qui dépendent du tourisme; à l’inverse, les pays exportateurs de produits de base profitent de la remontée générale des cours.

Or, ces cours élevés – le résultat d’une forte demande comprimée et de tensions persistantes sur les chaînes d’approvisionnement – continuent d’alimenter l’inflation. Les banques centrales seront donc appelées à revoir leur politique monétaire accommodante, ce qui aura des conséquences sur notre notation de la probabilité du défaut souverain. Il y a de fortes chances que les banques centrales – la Réserve fédérale américaine en tête – resserrent leur politique, ce qui fera grimper les coûts d’emprunt dans plusieurs pays. Ce sera là un problème majeur, vu l’envolée de la dette souveraine depuis deux ans.

Le Fonds monétaire international (FMI) estime qu’environ 60 % (contre 30 % en 2015) des pays à faible revenu sont très exposés au risque d’une crise de la dette. Des pays comme l’Argentine, la Tunisie, le Ghana, le Sri Lanka et l’Égypte, qui ont des dettes publique et extérieure élevées, sont particulièrement vulnérables à tout virage de la politique monétaire américaine. La demande pour des financements publics est redescendue des sommets de 2020, mais elle reste très supérieure au niveau d’avant la pandémie sur les marchés émergents.


L’Initiative de suspension du service de la dette (ISSD) des pays du G20 a permis, de façon temporaire, d’alléger la dette en aidant les pays les plus pauvres à gérer leurs liquidités. Malheureusement, leur solvabilité est menacée par la fin de l’ISSD, à la fin 2021, et la lente mise en place de son successeur : le « Cadre commun ». La mise en œuvre de cette nouvelle initiative est compliquée par le fait que la Chine représente aujourd’hui près du tiers des pays à faible revenu, et qu’on ignore si Beijing souhaite restructurer sa dette. L’effet combiné des coûts d’emprunt élevés et de l’incertitude entourant la restructuration de la dette poussera certains marchés proches d’une situation de défaut. Cela dit, les Services économiques d’EDC ne s’attendent pas à de multiples défauts souverains. Pour ce qui est des entreprises canadiennes ne faisant pas affaire avec des entités souveraines, la détérioration des finances publiques exercera des tensions sur l’activité économique en général.

Des trois risques politiques que nous notons, c’est la notation du risque de violence politique qui a le plus fluctué en 2021. Certains marchés ont subi une diminution de leur notation en raison du regain des tensions, notamment en Ukraine et  à Taïwan. Sur le plan géopolitique, des puissances régionales, notamment la Turquie, interviennent de plus en plus dans les conflits intérieurs, comme c’est le cas en Arménie et en Éthiopie. Une autre tendance se dessine : la vague de coups d’État dans des pays de l’Afrique occidentale dirigés par des gouvernements démocratiques. Là-bas, la population en quête de solutions se tourne de plus en plus vers l’armée. Ces coups s’expliquent en partie par l’incapacité des gouvernements en place à contrer l’insécurité croissante engendrée par les groupes jihadistes et par un développement économique anémique. 

Enfin, une dernière tendance retient l’attention : le risque de non-transfert et de non-convertibilité, qui mesure la probabilité qu’un gouvernement adopte des mesures de contrôle de capitaux, s’est atténué à l’ensemble des pays du golfe, qui bénéficient des cours élevés de l’énergie.

Conclusion?

Alors que le monde compose avec les répercussions économiques et politiques immédiates de la pandémie, il faudra surveiller de près les marchés vulnérables à l’augmentation des tensions liées à la dette publique. Les risques sont-ils à la hausse à l’échelle du monde? À ce chapitre, on peut dire que le risque pays s’est stabilisé, mais qu’il est plus important. Sur ce, je vous invite à consulter l’Analyse trimestrielle des risques pays d’EDC pour suivre l’évolution des événements influant sur les risques pays.

Rédigé avec l’aide de la documentation fournie par Ian Tobman, gestionnaire du Centre d’information économique et politique d’EDC.

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