Les prévisions économiques comptent aussi parmi les victimes de la COVID-19. Ces dernières semaines, on a assisté à des révisions généralisées et dévastatrices des perspectives de la croissance mondiale : du jamais vu. Une situation sans précédent. Les analystes sont forcés de revoir considérablement leurs prévisions et, pour en assurer la pertinence, ils doivent les modifier à répétition. En fait, les perspectives remaniées deviennent obsolètes dès leur publication. Voilà, me direz-vous, qui n’a rien de rassurant pour les consommateurs et les entreprises gagnées par l’inquiétude. C’est un peu comme si les prévisionnistes se trouvaient devant un insondable abîme... Avons-nous une idée plus précise des perspectives?

Il semble bien que oui. Les derniers chiffres montrent clairement l’impact du confinement sur l’activité économique. La Chine a été la première à publier des données troublantes, qui sont désormais devenues la norme. Des organismes respectés comme l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), l’Institut de la finance internationale (IFI) ou encore le Fonds monétaire international (FMI) ont radicalement changé leurs perspectives, tout comme d’ailleurs les experts du secteur privé, notamment des banques et des instituts de recherches. D’autres prévisionnistes, exaspérés par la rapidité et l’ampleur des changements, ont renoncé à formuler des prévisions, du moins pour le moment. Je pense que les révisions du FMI résument bien le tableau : par rapport aux prévisions antérieures, la croissance mondiale de cette année a été revue à la baisse de 6,3 points de pourcentage. En comparaison de ce plongeon, les montagnes russes les plus effrayantes paraissent anodines.

Les Services économiques ont réagi à cette situation en consolidant leur processus prévisionnel. À vrai dire, nous sommes en « mode prévisions » en permanence, et ce, jusqu’à nouvel ordre. Cela pourrait ressembler à une capitulation, ou un aveu que le chaos est dépourvu de sens. Loin de là. À vrai dire, il y a au moins trois bonnes raisons pour maintenir ce processus épisodique : la première, c’est que les indicateurs viennent tout juste de s’allumer. Il est facile de prédire l’orientation d’une tendance, mais l’ampleur du changement est si extrême que la précision nécessite des ajustements immédiats. Deuxième raison : pratiquement chaque jour, quelque part sur la planète, des annonces-chocs sont faites en matière de politiques. Pour être au fait de ces nouvelles mesures, il faut adapter – à la même cadence – notre capacité de surveiller et de revoir les prévisions. Enfin, troisième raison : le coronavirus nous amène en territoire inconnu et nous met dans l’expectative quotidienne d’une double annonce :  l’aplatissement de la courbe d’infection et la mise en place de politiques de retour au travail. Définir avec précision les stratégies de sortie de crise et les conséquences économiques demande une vigilance de tous les instants. De ce fait, les prévisions qui « ne suivent pas le rythme » n’ont aucune valeur.

Dans la plus récente édition de nos Perspectives économiques mondiales, publiée aujourd’hui mais finalisée le 20 avril, nous prévoyons une contraction de la croissance mondiale de 2,8 % cette année. Les marchés développés seront les plus durement touchés, leur croissance globale cédant 4,2 % en 2020. Le fléchissement sera moins marqué aux États-Unis que dans les autres nations de l’OCDE, mais, pour dire les choses sans détour, le recul de 3,7 % de cette année sera tout de même une sévère déconvenue. Le Royaume-Uni et la France seront plus éprouvés, leur croissance glissant respectivement de 6,5 % et 5,7 %. Quant aux marchés émergents, ils ont l’avantage d’une croissance potentielle plus élevée, ce qui fera mieux paraître leurs chiffres. Cependant, elles doivent composer avec des contraintes économiques semblables à celles du monde industrialisé. Ainsi, collectivement, la production chutera de 1,9 % cette année, la Chine accusant un incroyable repli de 2,5 %, et d’autres économies resteront incrédules devant des chiffres qui étaient auparavant imaginables que dans les pires cauchemars.

Le Canada ne sera pas épargné. En fait, nous sommes entrés dans la crise de la COVID-19 avec de piètres fondamentaux. Le taux d’épargne des consommateurs était bas, et le ratio de la dette au revenu avait atteint le sommet inédit de 180 %. Ce contexte a aidé à financer la formation d’une bulle dans le secteur immobilier à l’échelle du pays. Par ailleurs, l’investissement et le commerce s’essoufflaient en raison de l’incertitude entourant les relations commerciales nord-américaines, le différend commercial entre les États-Unis et la Chine et le Brexit. Notre grande dépendance envers le commerce nous a rendus particulièrement vulnérables à la mise à l’arrêt d’une grande partie du commerce international, qui a été causée par le virus. Qui plus est, les ravages subis par le secteur pétrolier ont fortement mis à mal un contributeur majeur au PIB du Canada. Pour ces raisons, nos perspectives de croissance pour le Canada en 2020 font état d’une contraction de 9,4 %, soit bien supérieure à celle de ses homologues de l’OCDE. Les chiffres de l’emploi publiés jusqu’ici montrent une diminution notable de la production au premier trimestre, et cette situation devrait empirer pendant  la période d'avril à juin. Les imposants programmes de relance monétaire et budgétaire aideront à garder le cap jusqu’au retour de la croissance, mais les cours en berne des produits de base maintiendront notre taux de change face au billet vert dans la fourchette inférieur des 70 cents.

Le retour au travail sera essentiel pour opérer un redémarrage de l’économie, ici ou ailleurs. À ce stade-ci, on peut s’attendre à ce que les chiffres soient nettement plus positifs. Cette amélioration, qui est attendue au cours de la seconde moitié de l’année, ne suffira pas à effacer la performance décevante de l’économie. Cela devrait se produire en 2021, avec un rebond de 6,2 % de la production mondiale. C’est là un taux impressionnant, mais pour le réaliser, il reste beaucoup de chemin à parcourir.

Conclusion?

Les épisodes comme ceux de la COVID-19 ne durent qu’un temps. L’espoir d’une fin de la crise et d’une relance de l’activité, voilà sur quoi nous devons nous concentrer. C’est comme si nous étions en temps de guerre : le présent est une épreuve qui mobilise toute notre énergie, et qui exige de nous la conviction que nous sortirons victorieux de cette épreuve. L’Histoire nous révèle que nous vivrons bientôt de meilleurs moments. Entre-temps, portez-vous bien, restez en sécurité et… persévérez!

 

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