Il y a deux semaines, nous avons vu une Theresa May très émue annoncer sa démission du poste de première ministre du Royaume-Uni après trois années tumultueuses. Pendant cet intervalle, la terre de l’espoir et de la gloire – valeurs emblématiques du pays – a été exposée à l’une des plus graves menaces à son existence depuis la Deuxième Guerre mondiale. Que réserve l’avenir au Royaume-Uni et qu’est-ce que cela signifie pour la conduite des activités commerciales?
Pour Madame May, le chemin a été parsemé de frustrations. Des dates-butoirs ont été fixées, mais les intenses manœuvres politiques ont abouti à des décisions partagées et peu concluantes, et à des prolongations de dernière minute. Ce scénario est devenu somme toute prévisible. Le dernier report en vertu de l’article 50, qui date du 10 avril, fait du 31 octobre la nouvelle date limite. Bien entendu, arriver à un accord mettrait un terme à cette longue épreuve, mais le défi sera de trouver une formule qui rallie suffisamment de monde pour faire pencher la balance le jour du scrutin.
Une autre impasse
Le plus récent coup dur à l’adoption d’une résolution finale est survenu le 17 mai, le Parti conservateur au pouvoir et le Parti travailliste ayant été incapables après six semaines de discussion de s’entendre sur un accord. Le dernier combat de Mme May sera un autre vote au Parlement, initialement prévu cette semaine. Il s’agira d’une nouvelle tentative, parmi de nombreuses, d’obtenir suffisamment de voix en faveur de ce qui sera essentiellement le même accord que celui trouvé avec Bruxelles il y a quelques mois. Cet accord comprend plusieurs éléments de la célèbre œuvre de Beckett : rien n’a vraiment changé, notre intérêt demeure intact et nous nous attendons à un résultat différent et conséquent.
Quels sont les principaux éléments de la proposition actuelle? Le gouvernement prévoyait proposer à l’UE un régime douanier qui soit le plus proche possible de même que des dispositions pour mieux protéger les droits des ouvriers et l’environnement puisqu’il veut montrer sa volonté de répondre à certaines des demandes du Parti travailliste. Mme May a évoqué la tenue possible d’un second référendum, à condition qu’un accord soit cette fois conclu. Voilà une concession majeure de la part de l’ex-première ministre, qui s’est jusqu’ici fermement opposée à un nouveau référendum; par là, elle se pose en ardent défenseur du processus démocratique.
Cela dit, il est très peu probable qu’un « nouvel » accord soit adopté. Les politiciens, tant europhiles qu’eurosceptiques, ont manifesté peu d’enthousiasme envers un accord essentiellement identique, qui a été refusé à trois reprises par le Parlement. Cependant, on nourrit toujours l’espoir que le projet de loi soit modifié de manière à obtenir des votes indicatifs susceptibles de transformer l’accord proposé. Si cela réussit, la première ministre sortante réaliserait un tour de force. Pareil accord devrait à nouveau recevoir l’aval de l’UE, ce qui n’est pas vraiment gagné d’avance.
Quelle sera la suite des choses?
Chose certaine, plus tard cette année, il y aura un nouveau premier ministre au 10, Downing Street. Chez les conservateurs, la course à la direction du parti débutera le 10 juin, ce qui ne manquera pas d’ajouter un élément d’incertitude à un climat déjà confus et imprévisible. Chez les travaillistes, les candidats sont divers et issus des rangs eurosceptiques du parti. À ce jour, deux factions s’imposent : les groupes centristes « One Nation » et « Blue Collar » – des partisans du Brexit tentant de courtiser les électeurs déçus par les travaillistes. Le populaire Boris Johnson, partisan résolu du Brexit, a confirmé sa candidature. La course à la direction, qui atteindra son point culminant à l’automne, perturbera la progression du dossier du Brexit et pourrait entraîner un nouveau report en vertu de l’article 50.
Il y a fort à parier que les irréductibles partisans du Brexit, élus au Parlement européen il y a deux semaines, ne faciliteront pas la conclusion d’un accord. Les discussions pour faire avancer ce dossier figurent au programme de l’UE en juin. D’ailleurs, l’UE est prête à discuter de tout changement recommandé par le gouvernement britannique jusqu’à cette date. Il faudra aussi considérer l’arrivée des nouveaux députés au Parlement européen et les nominations aux postes de haut niveau par d’autres pays dont les vues augmentent la composante de risque à la situation.
Ce qui est le plus probable, c’est que l’UE demeure réceptive et poursuive les négociations nécessaires pour décrocher un accord. Pour le Royaume-Uni, l’absence d’un accord serait lourde de conséquences; l’Europe en ressentirait aussi les effets négatifs. Compte tenu de la morosité actuelle de l’activité économique et de la montée continue du populisme du nationalisme au sein des divers États membres, décrocher un accord raisonnable avec le Royaume-Uni générerait des retombées politiques et économiques substantielles qui pourraient favoriser un retour de l’opinion en faveur de l’Union. Quant aux Britanniques, ils s’accordent sur une seule chose : ils désirent éviter une sortie sans accord.
Conclusion?
Vu l’impasse dans le dossier du Brexit, les enjeux n’ont jamais été aussi importants. Importants pour le Royaume-Uni, l’Union européenne, la mondialisation – et les exportateurs canadiens. Le Royaume-Uni est de loin la première destination de nos exportations vers l’UE, et il abrite le siège social de bon nombre de sociétés qui ont fait de ce pays le pôle de leurs activités commerciales européennes. À tous ceux qui sont en quête d’une résolution, que la « force électorale » soit avec vous!
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