Au début de 2018, la publication des chiffres du commerce extérieur a provoqué une vive émotion. Les exportations américaines ont brusquement fléchi au cours des premiers mois de l’année, une déconvenue qui a également été subie par l’Europe et le monde émergent avant le milieu de l’année. Ce repli en a incité certains à supposer que cette solide performance de plusieurs mois tirait à sa fin, l’élan s’étant naturellement essoufflé et la croissance ayant été pénalisée par les droits de douane et d’autres obstacles, réels ou imaginaires. Alors, les pessimistes ont-ils raison ou bien une autre dynamique est-elle à l’œuvre?

Les chiffres du commerce mondial apportent de bonnes et de mauvaises nouvelles. Les données mensuelles du CPB des Pays-Bas, rajustées en fonction du mouvement des prix, révèlent un tableau un peu sombre en mars. Les exportations réelles ont glissé de 1,2 % par rapport aux niveaux de décembre 2017, ou de près de 7 % en taux annuels – ce qui était préoccupant. Par chance, les exportations se sont par la suite redressées et la tendance jusqu’en juillet est positive. Toutefois, cette remontée n’a fait que porter le niveau des exportations mondiales au sommet atteint en janvier. Résultat : pour la présente année, la croissance annualisée est modeste à 1,2 %, soit nettement inférieure aux attentes.

Exportations : les États-Unis près du sommet du classement

Quel est le portrait de la croissance dans les diverses régions du monde? Le pays où les déclarations officielles sont les plus virulentes à l’égard du commerce – c’est-à-dire les États-Unis – fait belle figure au palmarès de la croissance. En effet, depuis le début de l’année, les exportations américaines se sont raffermies de 5,7 % par rapport aux niveaux de l’an dernier, alors que la moyenne dans le monde développé s’établissait à 3,4 %. Le Japon affiche lui aussi une croissance supérieure à la moyenne de 4 %, même si l’essentiel de ce dynamisme s’est manifesté à la fin de 2017. L’Europe, dont la croissance est légèrement supérieure à 3 %, fait baisser la moyenne. D’autres nations de l’OCDE – dont le Canada – ont fait pire en inscrivant une croissance dépassant à peine 2 %.

Les marchés émergents connaissent d’habitude une croissance plus rapide. Or, les résultats en Amérique latine et en Afrique sont particulièrement décevants à ce jour, ces deux régions ayant respectivement dégagé une croissance d’à peine 0,6 % et de 0,1 % jusqu’en juillet. Cependant, la croissance a été plus robuste ailleurs : l’expansion des exportations a atteint 5,2 % en Asie émergente et 6,3 % en Europe émergente, qui domine le classement.

Qu’en est-il du prix des exportations?

Le fait que des régions s’en tirent bien n’annonce pas forcément des jours meilleurs. S’il y a une bonne nouvelle, elle est du côté des prix. Depuis le début de l’année, les prix à l’échelle mondiale ont grimpé de 9 % par rapport aux niveaux de 2017, ce qui est un bond impressionnant. Pourtant, les États-Unis et le Japon ne sont pas à l’origine de cette progression. En Europe occidentale, les prix sont en hausse de 12 %, et dans les autres pays de l’OCDE, de 10 %. Sur le front des prix, les marchés émergents sont un peu à la traîne par rapport au monde développé; l’Europe émergente, pour sa part, renverse cette tendance grâce à des augmentations annuelles de 19 %.

Une partie de cette évolution des prix est attribuable aux fluctuations des monnaies. Les partisans d’une posture accommodante à l’égard de l’inflation (les doves) ne devraient pas se montrer trop présomptueux. Les mouvements des prix de ce genre doivent être examinés avec soin – et il est possible que les piètres résultats en matière de volumes aient moins à voir avec une demande trop molle qu’avec les contraintes de l’offre. Dans le monde développé, la main-d’œuvre est manifestement de plus en plus difficile à trouver, et pas seulement la main-d’œuvre qualifiée. Des contraintes se font aussi sentir dans la capacité industrielle.

Une flambée de l’inflation à l’horizon?

Est-ce à dire que nous avons frappé un « mur inflationniste »? Pas nécessairement. Nous croyons que l’économie dispose encore de beaucoup de travailleurs disponibles, qui ont été laissés pour compte par des années de croissance léthargique. Et quand leurs compétences doivent être renforcées, la formation et le recyclage professionnels pourraient alors s’avérer d’un grand secours. Pour ce qui est de la capacité industrielle, nous dénonçons depuis déjà un bon moment la persistance d’une mentalité de sous-investissement; à ce titre, une poussée des prix pourrait être le choc dont les entreprises ont besoin pour se remettre en mode investissement.

La présence d’une demande comprimée sur des marchés de premier plan est une indication qu’il n’y a aucun repli de la croissance, mais que l’économie a atteint un nouveau rythme de croisière qui nécessite de revoir en profondeur les pratiques d’embauche et d’investissement. Si les acteurs du commerce passent à l’action, les exportations mondiales auront encore de beaux jours devant elles.

Conclusion?

Les exportations maintiennent la cadence; elles profitent de solides fondamentaux. Les mouvements actuels sont autant de signes qu’il est temps de créer de nouvelles capacités de production. L’avenir de la croissance en dépend de plus en plus.

 

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