La décennie a été morose pour le commerce international. Après les sommets atteints en 2008, les flux commerciaux mondiaux ont plongé pour ensuite orchestrer une remontée rapide (mais partielle) et suivre une trajectoire de stagnation jusqu’à aujourd’hui. L’intensité de l’activité commerciale est singulièrement inhabituelle, et beaucoup se sont résignés à considérer la situation actuelle comme permanente : en somme, la nouvelle normalité. Le débat sur l’avenir du commerce a atteint un paroxysme et provoqué une réaction acrimonieuse de la part du public. Compte tenu de son bilan et de la réaction négative de la population envers son architecture de base, le commerce peut-il même envisager d’effectuer un retour?

La déception généralisée envers la performance du commerce est compréhensible. Après tout, les espoirs étaient immenses : on croyait que dans un monde où la population est statique, voire en déclin, le rayonnement du commerce – grâce à la mondialisation des chaînes d’approvisionnement – profiterait à une foule de nouveaux consommateurs et augmenterait la productivité. En fait, les espoirs se fondaient si fixement sur le commerce (en tant que solution pour remédier à d’autres faiblesses fondamentales de l’économie) qu’ils se sont solidement maintenus pendant des années après la récession. Ce n’est que très récemment que la mondialisation a suscité le mécontentement de l’électeur moyen, à bout de patience.

Les détracteurs ont-ils raison? Avons-nous eu tort de miser autant sur le commerce et de surestimer ce qu’il peut accomplir? Avons-nous eu tort de penser que les réussites du dernier cycle pouvaient ouvrir la voie à des siècles d’activité économique cachée qui prendrait énormément de temps à se réaliser? Les progrès accomplis n’étaient peut-être qu’une illusion; s’ils étaient réels, ils portaient une date de péremption nettement plus courte qu’on ne le pensait. Quoi qu’il en soit, ces doutes ont exercé un attrait indéniable auprès des laissés pour compte du présent cycle.

En guise de preuves, les détracteurs citent les difficultés structurelles dont la mondialisation serait à l’origine. Ils invoquent notamment les problèmes du secteur financier, aggravés par la portée mondiale de grandes institutions et leur effet d’entraînement dévastateur, advenant l’effondrement d’une ou de deux de ces institutions clés. Ils font aussi allusion à l’excédent de capacités créé lors du dernier cycle, dont bon nombre continuent à payer le prix. Ils mentionnent également les programmes publics de sauvetage de l’économie, qui ont alourdi les dettes des gouvernements à l’échelle mondiale à des niveaux considérés comme insoutenables.

Ces éléments et d’autres évolutions structurelles ont émoussé la confiance dans la construction de notre système. Mais sommes-nous en train de renoncer à cette architecture alors que le « système » semble être sur la voie de l’autoguérison? Nous déclarons depuis longtemps que le cycle commercial est sur le point de se porter à la rescousse de l’activité, et ce, au moment même où ces arguments gagnent en force. Si nous disons vrai, des éléments positifs absents depuis la grande récession devraient alors être présents dans l’économie.

Par chance, de plus en plus de « nouveaux » éléments sont observables. Premier élément : la réinsertion de la main-d’œuvre. Lors de la période suivant la récession, des pans entiers de la population active aux États-Unis et en Europe ont été laissés sur la touche, faute d’une croissance suffisante. Or, les dernières données nous montrent que la participation de ces groupes est finalement repartie à la hausse. Deuxième élément : on assiste dans le monde occidental à un regain de la confiance, d’une manière jugée improbable il y a tout juste un an ou deux. Troisième élément : l’investissement commercial semble finalement réagir au resserrement de la capacité industrielle, ce qui pourrait se traduire par une reprise très sensible de l’activité de construction. Quatrième élément (sans doute l’évolution la plus déterminante) : le resserrement monétaire est désormais beaucoup plus généralisé, après que la Fed a pris les devants en mettant fin à l’une des plus grandes périodes de politique ultra-accommodante de l’histoire – ce qui est l’un des signes les plus manifestes que l’économie prend finalement son envol.

Si tel est le cas, un cinquième élément ne tardera pas à se manifester. Si l’économie reprend pied pour la première fois depuis sept ans (voire plus longtemps), et si aucun changement radical n’est apporté à l’architecture économique, nous pouvons certainement supposer que le commerce mondial s’intensifiera et commencera à regagner une partie du terrain perdu lors de la grande récession. Les contraintes de capacité et des considérations liées au coût inciteront inexorablement les entreprises devant composer avec une croissance restreinte à se mettre en quête de solutions à l’étranger, d’une façon qui a généré des retombées considérables par le passé. Bon nombre de marchés émergents recèlent une capacité inutilisée et manifestent une volonté de réembaucher.

Conclusion?

Il a fallu beaucoup de temps – bien plus que d’ordinaire – pour réaliser les conditions préalables à une normalisation de la croissance. Ce délai d’attente extraordinaire nous a rendus encore plus nerveux au sujet de la viabilité de la croissance. Toutefois, l’élan actuel permet de croire que le commerce mondial sera le prochain bénéficiaire. Mieux vaut donc s’y préparer!