Les risques pays en Europe sont une préoccupation de premier plan depuis un certain temps. Dans notre palmarès des risques mondiaux paru dans l’édition du printemps de l’Analyse trimestrielle, trois des dix scénarios présentés visaient le continent européen : l’effondrement de la zone euro, la crise de la dette souveraine en Europe et la crise du secteur bancaire italien. Des réactions radicales contre le pouvoir en place en Europe ont été alimentées par les effets d’une crise prolongée, dans un contexte caractérisé par une croissance poussive, une crise des réfugiés, des menaces à la sécurité et la menace terroriste. Après les résultats-surprises des élections au Royaume-Uni (le Brexit) et aux États-Unis, la grande question en 2016 était la suivante : les partis politiques centristes peuvent-ils tenir bon? Le bilan à la mi-2017 nous révèle que tout va bien jusqu’ici. Quels changements survenus ces derniers mois nous ont rendus plus optimistes à l’égard de l’Europe?

Sur le front politique, l’euroscepticisme particulièrement marqué en 2016 a produit des résultats décevants aux élections tenues jusqu’ici en 2017. À vrai dire, les scrutins organisés aux Pays-Bas et en France ont donné lieu à des victoires convaincantes par les partis pro-européens face à des partis eurosceptiques d’extrême droite. De plus, la menace posée par l’extrême droite aux prochaines élections allemandes s’est pratiquement dissipée. Le risque d’un effondrement de la zone euro causé par un soutien grandissant envers des partis politiques populistes (et souvent radicaux) n’a pas complètement disparu, mais il a encore moins de chance de se réaliser en raison de l’issue de ces élections déterminantes.

D’une perspective économique, l’élan de l’activité, quoique peu impressionnant d’un point de vue historique, s’est résolument accéléré dernièrement, et bon nombre d’indicateurs ont atteint des pics cycliques et s’orientent vers une croissance de plus en plus robuste. Par ailleurs, la croissance est restée suffisamment résiliente pour renforcer la confiance des entreprises du secteur privé et dynamiser l’activité réelle – et ce, même pendant des élections décisives et à haut risque.

S’il est vrai que des malaises économiques non traités peuvent envahir l’échiquier politique, une croissance économique vigoureuse peut guérir les difficultés politiques. La zone euro teste cette hypothèse avec un flair extraordinaire. La diminution des risques politiques – conjuguée à une solide croissance et l’urgence de contrer l’émergence de toute nouvelle opposition contre l’UE et la zone euro – pourrait constituer un terreau fertile pour ranimer les efforts de réforme. De fait, la mise en œuvre du programme de réformes de l’UE, dans une certaine mesure mis de côté en raison des événements survenus en 2016 et 2017, est primordiale pour remédier aux problèmes structurels et réaliser rapidement une croissance généralisée et viable à long terme – une croissance capitale pour répondre aux doléances des populations dans bon nombre de pays membres. De surcroît, même si le vote de sortie du Royaume-Uni de l’UE a mis en évidence des foyers de dissidence au sein du bloc, le Brexit est aussi devenu le catalyseur d’un débat plus général sur la réforme et la consolidation de l’architecture du bloc.

Malgré une amélioration du contexte politique et économique, l’Europe ne peut ignorer certains risques persistants, notamment : des tensions dans ses relations de longue date avec les États-Unis et le Royaume-Uni; des vulnérabilités financières prolongées en Grèce et en Italie; la constante menace du terrorisme; et la présence de foyers nationalistes chez des membres actuels et potentiels de l’UE.

Pourquoi est-ce important? L’orientation future de l’Union européenne et la zone euro a des implications majeures pour la région, le Canada et le monde. En Europe centrale et orientale, l’Union européenne et la zone euro agissent depuis longtemps comme un puissant promoteur des réformes politiques et économiques auprès de pays aspirant à devenir membre. Or, si l’UE est affaiblie, elle n’exercera pas le même attrait ni n’offrira les mêmes incitatifs sur le plan des réformes. L’Europe centrale et orientale – une région composée des pays aux prises avec une corruption endémique et des courants de fonds nationalistes – est soumise à plusieurs forces provenant de l’UE, de la Russie et de la Chine ayant pour but d’altérer ou de resserrer les partenariats dans la région. C’est notamment le cas de la Chine au moyen de la stratégie de Route de la soie. L’histoire récente montre que cette concurrence pour exercer une influence peut parfois entraîner une augmentation des risques pays ou rendre le contexte plus difficile pour les exportateurs et les investisseurs canadiens.

Quelles sont les répercussions de cette conjoncture sur le commerce extérieur du Canada? L’Europe, en tant que bloc, demeure un partenaire commercial de premier plan du Canada – et son importance ne cessera de grandir avec la mise en œuvre de l’Accord économique et commercial global (AECG) entre le Canada et l’Union européenne. La victoire d’un parti centriste aux élections françaises assurera la mise en place de l’AECG, ce qui peut être perçu comme la première salve dans la bataille contre le protectionnisme.

Conclusion?

La diminution des risques pays sur le continent européen ces derniers temps est digne de mention et prometteuse, mais cette évolution positive en est, au mieux, à ses débuts. En effet, l’Europe continue d’être confrontée à des défis de taille. Après une année 2016 plutôt mouvementée, on voit émerger des raisons d’être optimistes.