Au terme de près d’une décennie de politique d'assouplissement monétaire peu conventionnelle et de taux d'intérêt négatifs, le Japon s’engage sur la voie de la normalisation et de la relance de sa croissance économique. En effet, après avoir orchestré avec brio plusieurs étapes, les autorités japonaises s’apprêtent à mettre fin à une lutte de 25 ans contre la désinflation et à établir un cercle vertueux pouvant alimenter la hausse des salaires et des dépenses de consommation, tout en favorisant une augmentation constante des prix.

Le monde entier suit de près ces développements, et pour cause. Le Japon, quatrième économie de la planète, affiche une valeur frôlant les 7 000 milliards de dollars américains selon la parité des pouvoirs d’achat (PPA). Par ailleurs, le Japon est un pôle mondial incontournable dans les sphères de l’innovation et de la conception, et un acteur de premier plan qui œuvre à maintenir le fragile équilibre géopolitique et sécuritaire en Asie. Soulignons aussi que le Japon est un membre important de l’Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP) et du Partenariat économique régional global (PERG). 

Bien que le Japon se trouve à un point d’inflexion déterminant, il y a fort à parier que la transition qui s’amorce durera plusieurs années, à mesure que l’incidence de la bonification des salaires gagne l’économie globale, ce qui contribuera à une augmentation substantielle des salaires réels dans tous les segments d’entreprise. Rappelons qu’à ce jour les dépenses des ménages sont en grande partie à l’arrêt, car les prix élevés ont un effet modérateur sur l’élan de la consommation.

Même si l’ancien ministre de la Défense Shigeru Ishiba a remporté la course à l’investiture du Parti libéral-démocrate du Japon le 27 septembre, nous nous attendons à ce que le gagnant poursuive les efforts du premier ministre Fumio Kishida visant à assurer une croissance soutenue des salaires et, par le fait même, à donner une bouffée d’oxygène aux ménages japonais dans une conjoncture de prix élevés. Pour notre part, nous tablons sur une croissance modeste du produit intérieur brut (PIB) qui s’établira à un peu moins de 1 % au cours des cinq prochaines années. Plusieurs obstacles de nature structurelle, comme une population vieillissante et la chute des taux de natalité, continuent de miner le potentiel de croissance à long terme.

Mais il y a plus. La diminution rapide des opérations de portage sur le yen – dans la foulée du relèvement des taux d’intérêt décidé en juillet par la Banque du Japon – et le cycle de réduction des taux enclenché par la plupart des banques centrales ont fait souffler un vent d’instabilité sur les marchés. Nous croyons que la Banque du Japon fera preuve de prudence au moment de resserrer sa politique monétaire. Cela étant dit, le pays pourrait connaître d’autres épisodes de turbulences.

Malgré ces défis, les investisseurs et les entreprises présents sur la scène mondiale prennent bonne note des nombreux changements positifs survenus au Japon, y compris les réformes touchant la gouvernance des entreprises. Le Japon fait de plus en plus figure de destination attractive, alors que les entreprises cherchent à diversifier leurs chaînes d’approvisionnement pour mieux composer avec les risques géopolitiques et liés aux barrières commerciales. Par exemple, les fournisseurs de puces électroniques de Taïwan s’implantent de plus en plus au Japon pour soutenir leur croissance, et cette tendance fait écho à la volonté du Japon de revitaliser son secteur des semiconducteurs. Les jeunes entreprises japonaises du secteur des technologies de pointe profitent aussi d’importants flux d’investissement en capital-risque d’outre-mer, et ce, à une cadence pas vue depuis 2014. 


Le Japon était le troisième marché d’exportation du Canada en 2023. Nos exportations y ont progressé chaque année d’en moyenne 5 % de 2019 à 2023, surtout portées par les ventes dans les secteurs de l’énergie (charbon et gaz), de l’agroalimentaire (canola et blé) et des minéraux (cuivre et minerai de fer). En fait, le Japon se hisse au deuxième rang mondial parmi les importateurs nets de denrées alimentaires de base, ce qui témoigne de l’importance accordée ici à la stabilité et à la résilience de l’approvisionnement alimentaire. Les préoccupations entourant la sécurité alimentaire sont accentuées par la pénurie attendue de la main-d’œuvre dans le secteur agricole en raison des défis du pays sur le plan démographique.

Les exportateurs canadiens dans l’agroalimentaire peuvent s’attendre à une demande soutenue et croissante de la part du Japon dans des filières bien établies comme les produits de la mer, mais aussi à une demande plus robuste pour d’autres sources de protéines comme le bœuf, le poulet et le porc. La demande pour les viandes congelées étant de plus en plus forte, le Japon renforce ses capacités de stockage des aliments congelés afin de répondre à la demande grandissante des consommateurs envers ces produits – qui ont le double avantage d’être économiques et de simplifier la préparation des repas.

Conclusion?

Les efforts pour redonner du tonus à l'économie japonaise prendront sans doute du temps avant de porter leurs fruits. À vrai dire, rétablir le dynamisme qui a propulsé la croissance durant l'après-guerre sera une tâche difficile et, dans certains cas, même impossible compte tenu des nouvelles réalités structurelles. Pourtant, le recentrage actuel de l'économie laisse entrevoir des perspectives de croissance sur ce marché. C’est donc avec un réel enthousiasme qu’Exportation et développement Canada (EDC) annonce l’ouverture de sa nouvelle représentation à Tokyo. Car le Japon a beaucoup à offrir : un climat des affaires stable; son rôle de grande plaque tournante du commerce régional; et, enfin, de multiples débouchés pour les entreprises canadiennes dans une myriade de secteurs comme l'agroalimentaire, l'automobile, les technologies propres et les minéraux critiques. 

Nous tenons à remercier chaleureusement Susanna Campagna, première conseillère, Analyse des risques pays aux Services économiques d’EDC, pour sa contribution à la présente édition.

N’oubliez pas que votre avis est très important pour les Services économiques d’EDC. Si vous avez des idées de sujets à nous proposer, n’hésitez pas à nous les communiquer à l’adresse economics@edc.ca, et nous ferons de notre mieux pour les traiter dans une édition future. 

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