Dans un contexte marqué par les effets de la hausse des taux d’intérêt sur son économie intérieure et la croissance décevante de certains de ses partenaires commerciaux traditionnels, le Canada aura fort à faire pour créer de la richesse pour les générations futures. Il faudra sortir des sentiers battus, et sans doute trouver des débouchés au-delà du marché national et même de l’horizon immédiat. À quelque 13 000 kilomètres du port canadien le plus proche, on trouve la quatrième économie la plus populeuse de la planète, qui représente un pactole de 1 400 milliards de dollars. Bienvenue en Indonésie!

Ce vaste archipel abrite une classe moyenne en rapide croissance. Ici, le revenu a bondi de 27 % depuis 2015 et on s’attend à ce qu’il grimpe à nouveau de 48 % d’ici 2030. Estimé entre 5 et 6 %, le potentiel de croissance à long terme de l’Indonésie laisse entrevoir sur le marché intérieur une demande nettement plus dynamique que celle d’habitude observée dans les autres économies développées. Nombre d’entre elles se trouvent à des stages plus avancés de développement et ont généralement une population décroissante et plus âgée. Grâce à la formidable taille de son marché national, l’Indonésie est moins exposée à la volatilité régionale et internationale, et par conséquent moins vulnérable aux aléas de la conjoncture économique mondiale. L’Indonésie serait donc en mesure de jouer son rôle d'économie du G20, de marché clé de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE) et d'acteur stratégique dans la région indo-pacifique pendant plusieurs décennies.

Oscillant autour de 240 milliards de dollars américains, les importations indonésiennes ont augmenté de 30 % depuis 2015, et devraient gagner annuellement 7 % au cours des cinq prochaines années. La plupart de ces importations sont constituées de matières premières et de matériaux auxiliaires  essentiels pour propulser le secteur industriel en plein essor de l’Indonésie. Au pays, la demande en fournitures industrielles, en pièces et en carburants s’est accrue de 30 %, et ce, uniquement par rapport aux niveaux d’avant la pandémie.

S’il y a une chose que les Canadiens connaissent mieux que le hockey, ce sont l’industrie lourde et la fabrication de biens d’équipement complexes. Nous connaissons les responsabilités qui accompagnent une économie dominée par des secteurs à forte intensité carbone. Comme le gouvernement indonésien s’est engagé à atteindre la carboneutralité à l’horizon 2045, il ne pourrait trouver meilleur partenaire que le Canada.


Le secteur agroalimentaire n’est pas en reste. En effet, le Canada possède une expertise indéniable de la production alimentaire et de l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement de cette filière. Il est vrai que l’Indonésie profite d’une grande autonomie à ce chapitre, mais cette autonomie pourrait être mise à l’épreuve face à une production multipliée par deux depuis dix ans, la nécessité de gérer les rendements et les cultures, la pollution, les enjeux entourant les ressources en eau et la croissance fulgurante de sa population.

Le Canada expédie en Indonésie du blé, du seigle et du soja. Ses  relations commerciales déjà établies avec ce pays offrent d’incroyables occasions pour renforcer la coopération dans le domaine des technologies en matière d’adaptation et d’innovation, et de l’expertise connexe. Par ailleurs, la montée en puissance de l’agriculture commerciale en Indonésie alimente la demande pour la potasse en provenant du Canada.

Les échanges commerciaux entre nos deux pays sont robustes et en expansion, ce que plusieurs éléments confirment. Par exemple, les exportations canadiennes à destination de l’Indonésie ont progressé de 45 % l’an dernier. À cela s’ajoute le fait que l’Indonésie est déjà le plus important partenaire commercial du Canada du groupe de l’ANASE. Le Canada et l’Indonésie ont récemment signé une entente conjointe sur la coopération en matière de développement et ont tous deux contribué à lancer le Partenariat stratégique ANASE-Canada. Cette entente et ce partenariat aideront à resserrer nos relations bilatérales et à préparer la voie à un partenariat encore plus étroit dans les années à venir. D’ailleurs, Exportation et développement Canada (EDC) a récemment ouvert un bureau régional à Jakarta.

En cours de route, il y aura certainement des obstacles à surmonter, notamment sur les plans environnemental, social et de la gouvernance (ESG). Autre facteur à considérer : l’étendue et l’ampleur de la présence du Canada dans ce marché ou cette région ne sont pas aussi marquées qu’ailleurs dans le monde. Développer ici une stratégie d’affaires efficace et fructueuse demandera du temps, ce qui placera les entreprises canadiennes en mode rattrapage par rapport à leurs pairs. Il faudra aussi prendre en compte la faible diversité de notre panier d’exportations, les engrais et les céréales se taillant la part du lion de nos échanges commerciaux avec l’Indonésie.

Cela dit, il y a résolument place pour davantage de collaboration entre nos deux pays étant donné l’expertise du Canada dans les secteurs de l’infrastructure, du génie, de la production agroalimentaire de pointe, des TIC, des technologies propres et de l’énergie. Et certains domaines de collaboration sont déjà évidents. Pensons ici au soutien à la transition verte en arrimant   l’approche du Canada pour mettre en valeur de façon plus écologique les ressources minières et naturelles aux immenses réserves de minéraux critiques de l’Indonésie.

Le Canada doit aussi mettre à profit l’accès de ses produits agroalimentaires à ce marché afin de satisfaire aux demandes grandissantes de la classe moyenne indonésienne. Enfin, le Canada peut aussi faciliter la mise en œuvre du plan de développement du gouvernement indonésien en intensifiant ses exportations de pièces et d’équipements de pointe, ainsi qu’en exportant son savoir-faire dans les secteurs de la construction et de l’infrastructure.

Conclusion?

L’Indonésie cherche activement à occuper un rôle plus affirmé dans l’économie mondiale, et se retrouve par le fait même au centre de toutes les attentions. Il y a fort à parier que les rivalités pour saisir les débouchés et forger des partenariats sur ce marché iront en augmentant au fil du temps. Voilà pourquoi il est primordial d’adopter une approche multidimensionnelle et sectorielle pour faire concorder l’expertise et les produits sophistiqués du Canada aux immenses besoins du marché indonésien. De plus, nous aurions intérêt à tirer parti de notre expérience des marchés mondiaux et à mettre à l’honneur la qualité, le souci des normes et le professionnalisme qui sont venus à définir la marque Canada. Parce que peu importe le secteur, la demande sera au rendez-vous en Indonésie pour les entreprises canadiennes ayant la volonté et la capacité d’y répondre.

Nous tenons à remercier chaleureusement Kevin Elliott, analyste des risques politiques au Centre d’information économique et politique d’EDC, pour sa contribution.

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