Première économie mondiale, l’Europe représente 500 millions de clients potentiels répartis dans une Union européenne (UE) formée de 28 pays ainsi qu’un accord de libre-échange en voie d’être ratifié, de quoi pousser les entreprises canadiennes à explorer ce marché.
« Cette région ne doit pas être négligée », affirme Emmanuelle Ganne, vice-présidente pour l’Europe à la firme Allam Advisory Group. « Bien que les entreprises canadiennes ne la négligent pas tout à fait, elles se concentrent sur des marchés plus mûrs – Royaume‑Uni, Allemagne et France – plutôt que d’autres marchés pourtant intéressants. »
Mme Ganne cite en exemple la Pologne, qui a adhéré à l’UE en 2004 alors que son économie rappelait celle de l’Ukraine 25 ans auparavant. Depuis, elle a doublé son produit intérieur brut, en plus d’être le seul pays de l’UE ayant évité la récession en 2009.
« La Pologne est florissante, explique Mme Ganne. Elle reçoit la part principale des subventions de l’UE, qu’elle réinvestit judicieusement. Voilà qui représente des débouchés intéressants. »
Parmi ces débouchés, Mme Ganne note le secteur minier, dont la Pologne cherche à combler l’écart de productivité. L’énergie, les services aux entreprises et l’aviation sont d’autres secteurs forts du pays. Amazon vient d’ailleurs d’y relocaliser ses centres de logistique, auparavant en Allemagne.
De tels débouchés – intéressants mais peu connus – parsèment les marchés européens secondaires, sur lesquels les entreprises canadiennes peuvent facilement investir : bien qu’un peu différente, la culture d’affaires de l’Europe ressemble bien plus à celle du Canada qu’à celles de l’Inde, de la Chine ou de la Russie. Dix pays européens figurent d’ailleurs parmi les 20 pays en tête du classement 2015 de l’indice de la facilité de faire des affaires de la Banque mondiale, et le Canada s’est classé sans difficulté au 16e rang.
L’Europe excelle dans des secteurs de pointe perçus comme les moteurs de croissance de demain, notamment les sciences de la vie, les produits pharmaceutiques, l’automobile, l’aéronautique, la défense, les technologies de l’information et des communications, les nanotechnologies et l’énergie.
L’exportation vers l’Europe fera de plus en plus parler d’elle, surtout avec l’entrée en vigueur de l’accord de libre-échange le plus ambitieux du Canada : l’Accord économique et commercial global (AECG) conclu avec l’UE.
« Cet accord offrira d’extraordinaires possibilités, soutient Mme Ganne. Elle va bien plus loin que [l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA)]. Une fois l’accord en vigueur, 93 % des lignes tarifaires seront exemptes de droits de douane – comparativement à 23 % ou à 29 % pour l’ALENA – et à terme, cette proportion atteindra 98 % dans certains secteurs. » L’AECG conférera probablement au Canada le plus important accès préférentiel à ce jour en matière de services, et assurera un approvisionnement d’envergure pour les deux parties.
Par ailleurs, l’exportation en Europe permet aux entreprises canadiennes de pénétrer les marchés avoisinants comme l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient, en plus des économies développées comme l’Allemagne et des économies en développement comme la Croatie.
Nous avons demandé à Mme Ganne de donner quelques conseils aux entreprises canadiennes désireuses de s’aventurer sur le marché européen et de décrire les défis potentiels.
Se préparer : Selon Mme Ganne, vous devez d’abord vous préparer dès maintenant à vous aventurer en Europe. « Si vous attendez l’entrée en vigueur de l’AECG, vous serez à la traîne », affirme-t-elle. Si vous êtes prêts, épluchez l’accord pour évaluer si l’attente en vaut la peine, ce qui pourrait effectivement être le cas vu les changements avantageux prévus aux lignes tarifaires. En outre, il renferme un protocole qui permettra aux exportateurs de faire homologuer leurs produits dans leur pays – un exportateur canadien pourra donc obtenir son homologation au Canada, ce qui lui fera gagner du temps et de l’argent.
Nouer des liens : Vous devez avoir des représentants locaux qui connaissent non seulement la langue et la culture du pays, mais aussi son labyrinthe réglementaire. Communiquez avec le Service des délégués commerciaux, participez aux missions diplomatiques canadiennes à l’étranger avec des attachés commerciaux qui pourront vous aider ou encore consultez les Manufacturiers et Exportateurs du Canada.
S’implanter : Pensez à avoir des installations en Europe. Vous devez annoncer ouvertement que vous produisez localement. Des études révèlent que les exportateurs qui n’ont pas de présence physique en Europe ont plus de difficulté à y exporter.
Innover, innover et innover : Les consommateurs européens sont sophistiqués et cherchent des produits novateurs à valeur ajoutée. Ils accordent beaucoup d’importance à l’innovation et s’intéressent de près à la recherche et au développement. Des études montrent que les entreprises qui lancent assez fréquemment de nouveaux produits ont plus de chance de réussir en Europe, peu importe leur taille.
Être patient : Temps et efforts sont nécessaires pour percer le marché européen. Planifiez minutieusement vos activités afin de mettre toutes les chances de votre côté.
Se garder de généraliser : Le principal défi que pose un marché constitué de plusieurs pays est la compréhension des différentes cultures. L’Europe n’est pas un bloc culturel homogène. Par exemple, les pratiques des Allemands diffèrent de celles des Espagnols ou des Italiens. Vous devez connaître la culture du marché sur lequel vous êtes; c’est pourquoi les représentants locaux sont utiles.
Prêter attention à la devise : L’UE compte 11 devises, et les 50 pays qui forment l’Europe en comptent 28. Vos coûts seront établis selon celles-ci, alors tenez compte des taux de change. Seuls 19 pays de l’UE font partie de l’union monétaire qu’est la zone euro.
Maîtriser son marché : Vous devez adapter votre produit au marché cible. Par exemple, les Allemands privilégient la qualité, peu importe le prix. D’autres privilégient plutôt le prix. En raison de ces différences, vous devez aussi adapter vos arguments de vente.
Recourir à un traducteur : Comme l’UE compte 24 langues officielles, vous devez adapter vos emballages de produits. Par exemple, les Polonais voudront des emballages en polonais. En outre, ne négligez pas la qualité de la traduction. Une campagne a déjà promu le tonique Schweppes comme une « eau de toilette » – rien de bien ragoûtant!
Apprendre les règles : Certaines règles s’appliquent à l’ensemble de l’Europe, mais beaucoup d’autres émanent des nombreux ordres de gouvernement. La fiscalité, le salaire minimum, l’inscription des entreprises, l’embauche et le licenciement sont réglementés à l’échelle nationale ou régionale, et varient d’un pays à l’autre.