Une femme noire du secteur des technologies inspecte une innovation robotique

Créer des débouchés prometteurs pour les exportateurs noirs

Pour Schamma Rosidor, chef d’entreprise noire, la pandémie n’était pas une excuse pour négliger ses cheveux.

Sauf qu’en décembre 2020, lorsqu’une pharmacie de Montréal a décidé que les soins capillaires qui lui étaient destinés n’étaient pas « essentiels », la cofondatrice de Royalty Natural, une marque de produits capillaires pour les femmes noires, a compris qu’elle devait agir, et vite.

Une décision qui allait changer la trajectoire de son entreprise vers le succès.

S’adapter pendant la pandémie

Le confinement ayant entraîné la fermeture des salons montréalais qui vendaient ses shampooings, ses sérums et ses soins hydratants, la situation n’était déjà pas facile. Mais ce nouvel écueil pour les femmes noires a été l’impulsion dont Schamma Rosidor avait besoin pour repenser son plan d’affaires.

« Bien que perturbante, la pandémie a contribué à la croissance de mon entreprise. J’ai investi davantage dans le marketing. J’ai donné des consultations gratuites en ligne pour que les gens utilisent mes produits. Ils se vendaient comme des petits pains chauds, car mes clientes avaient du mal avec leurs cheveux sans l’aide de leur coiffeur », raconte l’entrepreneure passionnée, qui a lancé sa marque bio en 2017 avec son amie d’enfance, Fabiola Feurimar.

Et sa capacité d’adaptation a porté ses fruits! Avant la pandémie, cette entreprise à domicile générait 30 000 $ par an, dont 90 % provenaient des ventes en salon, et le reste, des achats en ligne. Après avoir changé sa façon de faire, Schamma Rosidor et son mari, Jean-Pascale Gaspard, sont passés de cinq commandes par mois à 25 par jour et ont dégagé un revenu annuel de 250 000 $, tout en élevant quatre enfants de moins de huit ans.

Aujourd’hui, ces produits sont offerts dans 15 salons montréalais, sept pharmacies Jean Coutu et une boutique en ligne, et Schamma Rosidor envisage de se lancer sur les marchés africain, français et américain en misant sur la stratégie de commerce inclusif d’Exportation et développement Canada (EDC).

Au fil de sa croissance, Schamma Rosidor a également remarqué un fait curieux qui stimulait ses ventes : plus les enjeux soulevés par le mouvement Black Lives Matter disparaissaient des priorités politiques, plus son entreprise suscitait l’intérêt d’une clientèle diversifiée et désireuse de soutenir une entrepreneure noire.

« Lorsque j’ai acquis cette entreprise en mars 2017, je voulais être la première marque québécoise fondée par une personne noire en pharmacie. Les femmes noires sont partout, mais pas les produits dont elles ont besoin. J’étais convaincue, après la pandémie, d’avoir trouvé mon créneau », explique-t-elle.

De plus, grâce au réseau d’EDC, Schamma Rosidor fait maintenant partie d’une communauté nationale de 15 entrepreneurs noirs avec qui elle discute de ses défis et de ses réussites, ainsi que de ses idées d’expansion.

Éliminer les obstacles des entreprises détenues par des Noirs

L’un des principaux objectifs du Programme d’investissement pour le commerce inclusif d’EDC et de sa stratégie élargie en matière de commerce inclusif est d’uniformiser les règles du jeu pour les exportateurs racisés comme Schamma Rosidor. Parmi les principales initiatives à ce chapitre, mentionnons :

  • un engagement de 200 millions de dollars sous forme de financement par actions pour remédier aux difficultés d’accès au capital des groupes en quête d’équité;
  • une collaboration avec la société de capital-risque BKR Capital qui vise à investir dans les entreprises technologiques canadiennes aux stades de préamorçage et d’amorçage, et fondées par des entrepreneurs noirs;
  • la création, en 2020, du Programme de diversité des fournisseurs, qui s’associe à des organisations certifiant les entreprises détenues par des personnes issues de la diversité. Ce programme a entraîné des contrats d’approvisionnement d’une valeur de 3,4 millions de dollars auprès de fournisseurs issus de la diversité

Afin de mieux comprendre les principaux obstacles au commerce pour les entreprises détenues par des Noirs, EDC a publié, en 2022, Défis au commerce international chez les entreprises des communautés noires au Canada, après avoir consulté des groupes de discussion composés de personnes noires. Les participants ont souligné plusieurs problèmes majeurs, notamment :

  • les difficultés d’accès au soutien financier et au capital;
  • les lacunes dans les connaissances;
  • la marginalisation dans les secteurs d’activité;
  • la méfiance ou réticence à l’idée de collaborer avec des institutions financières et gouvernementales.

Dans ce rapport, ils ont également fait part de leurs observations et de leurs recommandations.

« Interrogés sur leurs stratégies d’affaires et leurs objectifs, les participants ont répondu que, par le passé, les modèles de financement traditionnels se sont révélés inefficaces ou inaccessibles pour les exportateurs noirs, ce qui a amené bon nombre d’entre eux à dépendre de leurs finances et de leurs relations personnelles. Les propriétaires d’entreprises noirs ont dû mettre sur pied leurs propres coopératives et organisations pour mettre en commun leurs ressources financières et autres », peut-on y lire.

Jennifer Cooke, directrice du Commerce inclusif à EDC, explique que compte tenu des difficultés d’accès au capital des entreprises détenues par des Noirs, en particulier celles qui sont axées sur l’exportation, EDC se penche sur les programmes qui fournissent des capitaux aux groupes en quête d’équité.

En 2023, nous avons travaillé plus étroitement avec nos partenaires – les courtiers en assurance crédit et les institutions financières – pour trouver des moyens de fournir des services supplémentaires aux entreprises appartenant à des membres de groupes en quête d’équité et les aider à accéder à nos solutions. Le travail visant à améliorer l'accessibilité de nos solutions est en cours et sera intégré dans nos processus de conception centrés sur le client

Jennifer Cooke  —  directrice du Commerce inclusif à EDC

EDC se penche également sur la question de l’accès aux connaissances et aux réseaux, sous la direction de Myriam Francisque, responsable nationale du commerce inclusif, Entreprises exportatrices dirigées par des Noirs et des personnes racisées d’EDC. Depuis son entrée en fonction à la fin de 2022, elle a mis un point d’honneur à encourager les propriétaires de petites entreprises, comme Schamma Rosidor, et à soutenir ceux qui ont déjà le vent en poupe, notamment Myriam Jean-Baptiste, fondatrice de LS Cream Liqueur, la première entreprise appartenant à une femme noire à percer dans le secteur des liqueurs au Québec.

« En 2022, EDC s’est concentrée sur l’accès au savoir et sur les mises en relation pour les entreprises appartenant à des Noirs, car les portes restent fermées pour celles qui ne sont pas déjà intégrées dans le système », explique Myriam Francisque, qui souligne que de nombreuses organisations nationales font également des progrès systémiques positifs, comme le secteur bancaire avec ses programmes de soutien aux entrepreneurs noirs. Les microprêts spécialisés, notamment ceux accordés par la Federation of African Canadian Economics, un organisme sans but lucratif, ont aussi de l’influence.

« Les plus gros enjeux sont le manque de connaissances et les difficultés d’accès au capital. De nombreuses petites entreprises ne peuvent pas croître, parce qu’elles fonctionnent de contrat en contrat. Nous savons qu’environ 90 % des petites entreprises détenues par des Noirs sont des microentreprises dont le chiffre d’affaires se situe entre 25 000 $ et 100 000 $, ce qui rend l’accès au capital difficile », ajoute Myriam Francisque.

« Mais elles manquent aussi de soutien pour s’intégrer dans un environnement entrepreneurial. De nombreux chefs d’entreprise noirs cumulent diplômes et connaissances spécialisées, mais pour gérer une entreprise, c’est un autre type de connaissances qu’il faut. C’est le résultat d’un manque de modèles dans l’entrepreneuriat. »

Élargir le champ d’action des entrepreneurs noirs

Bien que le nombre d’entreprises canadiennes détenues par des Noirs soit aujourd’hui estimé à 144 980, la variété des secteurs dans lesquels elles opèrent ne s’est pas autant développée. Selon Myriam Francisque, s’il existe au Canada des exemples de personnes noires à l’origine d’innovations dans des secteurs tels que les technologies et la santé, il y a tout autant de cas où les entreprises trouvent un meilleur financement sur le marché américain.

« Je vois des entreprises prêtes à décoller qui risquent de le faire ailleurs, sauf si le fondateur est enraciné au Canada et tient à y rester et à contribuer à son rayonnement », dit-elle.

La diversification de ces entreprises, ce n’est pas que gagnant pour le Canada, c’est aussi important pour la diversité, comme le souligne Mello Ayo, vice-président du conseil d’administration de la Chambre de commerce noire du Canada. Celle-ci offre à ses membres des connaissances et des ressources, notamment des programmes consultatifs et de mentorat, un service de marketing et des conseils sur l’accès au capital.

« Nous devons nous diversifier dans d’autres secteurs : entreprises technologiques, finances et services bancaires, médias et communications, énergie, métallurgie et exploitation minière, pour ne citer que ceux-là », dit Mello Ayo.

« On peut parler d’une certaine ghettoïsation des entreprises détenues par des Noirs en ce sens qu’elles sont largement circonscrites à un éventail restreint de secteurs – l’alimentation et les services, principalement. Cette forte concentration dans un nombre limité de secteurs est, dans l’ensemble, due à un manque d’accès à l’information, aux réseaux et au capital-risque, et à l’application restrictive et inéquitable de règles qui inhibe l’innovation », ajoute-t-il.

Surmonter ces obstacles et créer de nouvelles occasions de croissance, ainsi qu’améliorer l’accès au capital sont des priorités majeures pour 2024, selon Myriam Francisque. L’accent sera mis sur les possibilités d’exportation, la promotion des outils d’aide à l’exportation d’EDC et le réseautage pour que les entrepreneurs noirs baignent dans le monde des affaires.

« Chaque organisation a sa matrice en matière d’équité, de diversité et d’inclusion et souhaite s’impliquer davantage, c’est pourquoi EDC joue un rôle majeur dans ces mises en relation. Toutes les entreprises ne sont pas prêtes à exporter, mais nous les aidons, peu importe l’étape de leur parcours où elles se trouvent. Beaucoup d’organisations fournissent également un soutien complet, faisant beaucoup avec peu, et nous serons là pour aider ces entrepreneurs à générer des rétombées », dit-elle. 

« À long terme, l’objectif est de tracer la voie pour les prochains fleurons canadiens, de faire émerger des chefs de file, de continuer à outiller ces entreprises et leurs communautés. Lorsqu’on voit que d’autres y sont arrivés, on sait que c’est possible. »

Le Mois de l’histoire des Noirs en chiffres

  • En 2021, plus de 1,5 million de personnes s’identifiaient comme noires au Canada, soit une augmentation de près de 350 000 depuis 2016.
  • On compte plus de 300 groupes ethniques ou culturels au sein de la communauté noire, les plus importants étant d’origine africaine, jamaïcaine, haïtienne et canadienne.
  • En 2020, on estime à 144 980 le nombre d’entreprises détenues par des Noirs au Canada.
  • Près d’un tiers de la population noire du Canada (de 25 à 64 ans) est titulaire d’un diplôme universitaire de premier cycle ou d’un diplôme supérieur.
  • Les entreprises appartenant à des Noirs représentent 2,4 % des entreprises au Canada.
  • Les propriétaires d’entreprises noirs sont plus susceptibles d’être des immigrants, des travailleurs autonomes ou de jeunes Canadiens.
  • Près de 72 % des propriétaires d’entreprises noirs ont entre 25 et 54 ans. Par ailleurs, 25,2 % ont plus de 55 ans.
  • Le soutien fédéral de la croissance et de l’innovation en entreprise (SCIE) octroyé à des entreprises canadiennes appartenant à des Noirs s’est chiffré à environ 42 millions de dollars en 2020, soit 1 % du soutien total.
  • Parmi les entreprises détenues par des Noirs et bénéficiant de ce soutien, 56,7 % étaient détenues par des immigrants.
  • Les entreprises détenues par des femmes noires ou non sont comparables : 32,7 % appartiennent à des femmes noires et 36,1 % à des femmes non noires.
  • Dans l’ensemble, 69,5 % des entreprises détenues par des Noirs sont des entreprises individuelles, contre 59,6 % pour les autres entreprises.

Pour en savoir plus à propos d’EDC ou pour découvrir comment nous pouvons aider votre entreprise, composez le 1 800 229-0575 ou visitez le www.edc.ca.

     

   

                                               

Date de modification : 2024-02-14