Quand on parle des organisations qui utilisent l’intelligence artificielle (IA) et l’apprentissage automatique pour stimuler l’innovation et perturber le marché, on pense d’emblée à Amazon, géant du commerce de détail. Plusieurs ont donc été surpris lorsque la presse a rapporté en octobre que l’entreprise avait abandonné son nouvel outil de recrutement intelligent. Cet outil de ressources humaines était conçu pour noter les candidats potentiels sur une échelle de 1 à 5 étoiles, mais l’équipe derrière sa création a découvert qu’il faisait une distinction entre les sexes au moment d’évaluer les candidats à des postes techniques ou en développement de logiciels. En effet, les femmes recevaient systématiquement une note plus faible.

La raison? L’outil travaillait à partir d’un ensemble de curriculum vitæ présentés à l’entreprise sur une période de 10 ans, dont la majorité venait d’hommes, ce qui montre la domination masculine dans le domaine technologique. Même après avoir neutralisé certains termes, l’équipe de conception ne pouvait pas garantir que l’outil ne trouverait pas d’autres façons d’introduire des biais sexistes dans les recommandations d’embauche.

L’expérience d’Amazon avec l’outil met en lumière tant les possibilités que les risques de l’arrivée de l’IA dans tous les aspects des activités d’une organisation, depuis le service à la clientèle jusqu’aux ressources humaines. Elle souligne aussi la nécessité d’améliorer la diversité et l’équilibre entre les sexes dans le domaine de la recherche sur l’IA en soi et dans ses applications.

L’IA stimule l’innovation dans plusieurs secteurs et fonctions de travail

L’utilisation de l’IA pour stimuler l’innovation en entreprise et la façon dont l’IA transforme la main-d’œuvre moderne seront deux thèmes abordés au sommet Fortune Most Powerful Women, qui aura lieu à Montréal les 5 et 6 novembre. L’emplacement de ces discussions est bien choisi, puisque Montréal est de plus en plus considérée comme un pôle mondial de la recherche sur l’IA et l’apprentissage automatique.

En gros, l’intelligence artificielle est la capacité pour une machine d’observer l’information tirée de son environnement, puis de l’utiliser pour apprendre, résoudre des problèmes et prendre des décisions. Dans de nombreux secteurs, l’IA effectue un travail cognitif qui relevait auparavant de travailleurs. Voici quelques exemples.

  • Les applications de l’IA sont courantes et gagnent du terrain dans les secteurs où il y a déjà une pénurie de main-d’œuvre. L’agriculture en est un bon exemple : des entreprises créent des robots capables de faire les récoltes à plus grande échelle et plus vite que les humains et de surveiller les cultures et le sol, ainsi que des modèles d’apprentissage automatique capables de prédire les impacts environnementaux sur le rendement des cultures.
  •  Les secteurs qui nécessitent beaucoup de contacts avec la clientèle (vente au détail, voyages, hébergement, etc.) intègrent de plus en plus les robots conversationnels à l’expérience client.
  • Les sociétés énergétiques et minières utilisent l’IA cognitive pour réduire les contretemps dans les horaires portuaires et surveiller les navires‑citernes pour déterminer quand ils quittent le port, où ils vont et quelle quantité de pétrole ou de gaz naturel liquéfié ils transportent.
  • L’IA peut être utilisée en développement de logiciels, notamment pour modéliser de nouvelles applications ayant la bonne architecture et offrant la bonne expérience aux utilisateurs, ou pour analyser la valeur et les retombées pour l’organisation.

L’essor de l’automatisation et des technologies recèle de nombreux avantages potentiels pour les exportateurs canadiens, qui pourront faire plus avec moins.

Les risques de l’intelligence artificielle

Mais l’automatisation pose aussi des risques pour l’économie mondiale.

Les percées de l’IA et de l’apprentissage automatique se sont multipliées ces dernières années. Il s’est créé de plus en plus d’applications potentielles dans des domaines longtemps vus comme la chasse gardée de l’humain. Cela dit, l’automatisation et les technologies sont désormais considérées comme l’un des principaux risques à gérer pour les exportateurs canadiens qui se lancent sur de nouveaux marchés.

Si l’automatisation et les technologies se développent rapidement, beaucoup de gens pourraient vite perdre leur emploi.

L’échec de l’outil de recrutement d’Amazon révèle un autre piège potentiel de l’intelligence artificielle : les ensembles de données tendancieux. IBM, par exemple, se penche sur des machines qui appliquent les valeurs humaines et l’éthique à la prise de décisions afin d’éliminer les biais, par exemple ceux liés au genre.

Les exportatrices et l’innovation

Une entreprise canadienne qui souhaite se tailler une place dans l’économie mondiale doit sans cesse innover pour créer une proposition de vente unique et préserver sa pertinence[DA1] . L’innovation est aussi intimement liée à la réussite de votre stratégie d’exportation. En fait, des études montrent que la capacité d’innovation des entreprises canadiennes qui exportent est de 25 % supérieure à celle des autres entreprises.

En effet, l’innovation peut servir de tremplin à la croissance des exportations des entrepreneures canadiennes. Selon nos recherches, même si 13,5 % à 16 % des PME canadiennes sont détenues par des femmes, seulement 7,5 % d’entre elles vendent des produits et services à l’étranger. Les femmes entrepreneures doivent surmonter des obstacles à l’exportation qui leur sont propres, dont la reconnaissance de leurs nouvelles idées.

Selon une étude cofinancée par BMO, le gouvernement du Canada, l’Université Carleton et The Beacon Agency, la plupart des politiques et des programmes d’aide financière actuels mesurent l’innovation seulement en fonction des avancées technologiques, et ne tiennent donc pas compte des façons beaucoup plus diversifiées qu’ont les femmes d’innover. Par ailleurs, de nombreuses entrepreneures ont dit en entrevue qu’elles ne se sentaient pas les bienvenues ou incluses dans la vision des réseaux, des incubateurs et des accélérateurs traditionnels. Elles sentent aussi que les mentores et les investisseuses potentielles sont sous-représentées

L’IA au Canada

Les entreprises canadiennes qui souhaitent tirer profit de l’IA font face à un défi de taille : les talents. Les études montrent que 42 % des jeunes entreprises canadiennes prévoient adopter l’IA, mais peinent à trouver le temps, les ressources financières et les compétences nécessaires pour suivre le rythme effréné de ces technologies. De même, selon un sondage d’IBM réalisé auprès de 5 000 dirigeants d’entreprise, 63 % n’ont pas le personnel nécessaire pour gérer l’IA en toute confiance, tandis que 60 % ont retardé son adoption en raison de problèmes liés à la confiance des clients et à la conformité.

Le développement des capacités d’IA et des connaissances connexes est au cœur de la stratégie d’innovation du gouvernement, qui vise à aider les PME canadiennes à croître et à demeurer concurrentielles mondialement.

Stratégie pancanadienne en matière d’intelligence artificielle

La Stratégie pancanadienne en matière d’intelligence artificielle a pour but de faire augmenter le nombre de chercheurs et de diplômés hautement qualifiés, en rehaussant la capacité de recherche et les découvertes par la collaboration entre trois centres d’excellence. Elle vise aussi à démontrer notre leadership mondial à l’égard des répercussions économiques, éthiques, politiques et juridiques des percées de l’intelligence artificielle.

La stratégie est dirigée par l’Institut canadien de recherches avancées et bénéficie d’un soutien de 125 millions de dollars du gouvernement fédéral

La supergrappe d’IA du Canada

Dans le cadre du Plan pour l’innovation et les compétences du Canada, le gouvernement fédéral a investi 950 millions de dollars sur cinq ans pour soutenir des supergrappes d’innovation dirigées par des entreprises. Parmi les cinq supergrappes figure la Supergrappe des chaînes d’approvisionnement axées sur l’IA (SCALE AI), qui est établie au Québec mais traverse le corridor Québec-Windsor.

La mission de SCALE AI est de réunir les secteurs du commerce de détail, de la fabrication, des transports, des infrastructures et des technologies de l’information et des communications pour bâtir des chaînes d’approvisionnement intelligentes grâce à l’intelligence artificielle et à la robotique. Son but premier est d’aider les PME canadiennes à croître pour faire du Canada un concurrent mondial au chapitre des exportations. Plus d’une centaine d’entreprises, d’institutions et d’associations travaillent ensemble pour atteindre cet objectif.

Un des principaux objectifs de SCALE AI est de favoriser la diversité et l’inclusion dans le domaine de l’IA grâce à des programmes d’études collégiales et universitaires, et à des programmes de recyclage professionnel.