Lorsque la modératrice Susan Delacourt a récemment demandé à un groupe d’experts en commerce de donner leur avis sur l’ALENA, ils ont affiché un optimisme prudent.
« Je suis pleine d’espoir, mais j’éprouve une certaine crainte que l’accord ne sera peut-être pas aussi bon que nous l’avions déjà espéré », a déclaré Corinne Pohlmann, vice-présidente principale des affaires nationales et des partenariats à la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante.
Carl Burlock, premier vice-président et responsable mondial, Financement et capital de croissance à l’international, d’Exportation et développement Canada, a affirmé être toujours optimiste.
« Comme l’incertitude règne, ajoute-t-il, les entreprises qui tentent de prendre des décisions d’investissement trouvent la situation difficile. Mais je suis vraiment optimiste. »
Leroy Lowe, membre du corps enseignant du programme d’études en affaires internationales du Nova Scotia Community College, se dit « vraiment » optimiste.
« À mon avis, l’accent mis sur le déficit commercial est révélateur des flux commerciaux sous-jacents et des échanges substantiels entre le Canada, les États-Unis et le Mexique, » d’expliquer M. Lowe. « L’imposition de tarifs arbitraires aura des répercussions. Ils font très mal immédiatement. » Il a ajouté qu’une retombée possible à court terme sous forme d’une hausse du rendement commercial intérieur n’est pas viable à plus long terme.
Pour sa part, Andrea Stairs, directrice générale d’eBay Canada, a affirmé croire qu’il y aura des obstacles à surmonter, mais elle a cité un récent sondage eBay sur l’optimisme selon lequel celui des PME est élevé pour ce qui est de l’exportation.
Les panélistes, experts de l’ALENA, participaient à la conférence du 25e anniversaire du Forum pour la formation en commerce international, qui portait sur l’avenir dans le marché mondial. Ils se sont exprimés lors d’une séance iPoliticsLIVE sur les complexités du commerce mondial et le décryptage des possibilités.
Selon Mme Pohlmann, les petites entreprises n’ont pas suffisamment pris part aux discussions sur la politique commerciale.
Elle a affirmé que, lorsque l’ALENA est entré en vigueur, on s’intéressait surtout aux moyens de faciliter les choses pour les grandes entreprises. Cependant, quand son organisation a réalisé un sondage sur le commerce l’été dernier, même ceux qui ne s’y livrent pas ont dit que le Canada doit continuer de s’y adonner. En fait, beaucoup de petites entreprises font du commerce. Citant des statistiques gouvernementales, Mme Pohlmann a indiqué que « 90 p. 100 de ceux qui se livrent au commerce sont des propriétaires de petites entreprises, mais que seulement environ 10 p. 100 de celles-ci s’y adonnent dans les faits. »
Les membres de la FCEI sont préoccupés par des enjeux comme la fluctuation des devises. Mme Pohlmann a convenu que les gouvernements ne peuvent s’y attaquer directement, mais elle a ajouté que des conseils sur les moyens de mieux gérer de telles variations seraient utiles. En outre, une meilleure compréhension s’impose des dispositions des accords commerciaux relatives à l’expédition, aux droits de douane, aux taxes, aux impôts, aux règles et aux règlements.
Abordant les inquiétudes et les incertitudes entourant les défis associés aux négociations de l’ALENA, Mme Pohlmann a indiqué qu’environ un tiers des membres de son organisation envisagent de nouveaux marchés, un autre tiers se sentent sûrs de leur situation, tandis que le dernier tiers ne sait pas quoi penser et est, par conséquent, en état d’attente.
Mme Pohlmann a été encouragée d’apprendre que les trois gouvernements s’étaient entendus pour dire qu’ils aimeraient voir un chapitre sur les PME dans un nouvel ALENA.
« C’est en grande partie symbolique et non contraignant, mais on reconnaît finalement que les PME constituent un groupe important dont on doit tenir compte. » Elle a ajouté que les règles d’origine sont déjà compliquées et qu’elles doivent être plus claires dans un nouvel ALENA. « Elles continuent de représenter un énorme obstacle. »
Mme Pohlmann a conclu en faisant étant de l’importance de s’occuper de la mobilité de la main-d’œuvre. « Les services sont en train de devenir un élément beaucoup plus important du commerce. Il s’agit vraiment là d’un domaine qui nécessite une plus grande clarté. »
Andrea Stairs d’eBay s’est dit d’accord avec presque tous les propos de Mme Pohlmann et a ajouté que ses clients — ceux dont le volume des ventes est supérieur à 10 000 $ — exportent dans une proportion de 99 p. 100 et que, lorsqu’ils exportent, ils atteignent jusqu’à 19 marchés par année. De leur côté, les exportateurs traditionnels en atteignent 2,5 par année en moyenne.
Chez les clients d’eBay qui vendent à l’étranger, les exportations représentent jusqu’à la moitié de leur chiffre d’affaires en moyenne. Selon Mme Stairs, cela signifie qu’on peut facilement doubler la taille des activités commerciales réalisées dans son propre pays en « tirant parti des exportations ».
Mme Stairs s’intéresse notamment à la baisse des coûts d’expédition et à la modernisation du droit fiscal. Les droits de douane canadiens sont élevés sur les achats par commerce électronique. Les Canadiens doivent acquitter des droits sur les achats en ligne de plus de 20 $ effectués auprès de vendeurs étrangers. De leur côté, les Américains ne paient rien à moins que l’achat coûte plus de 800 $. Mme Stairs a cité un rapport de l’Institut C.D. Howe selon lequel le gouvernement fédéral dépense près de 170 millions de dollars pour percevoir des revenus d’environ 40 millions par ces droits.
« C’est tout à fait inefficace à notre avis », a-t-elle conclu.
Pour sa part, Carl Burlock, d’Exportation et développement Canada (EDC) a indiqué que le commerce évolue plus rapidement et de manières différentes qu’il y a à peine quatre ou cinq ans de cela.
« Le commerce n’est plus une question d’expédition de produits d’un pays à un autre, » a-t-il affirmé. « Même les exportateurs traditionnels se voient demander d’expédier depuis le marché où la demande se trouve. De plus, les chaînes d’approvisionnement mondiales sont de plus en plus importantes. Les grandes entreprises qui les composent se rapprochent davantage de leur clientèle et demandent à leurs fournisseurs de les suivre. »
Il a aussi mentionné les occasions offertes par la technologie, grâce auxquelles les entreprises peuvent être en communication avec des clients à l’étranger de façons différentes d’il y a 10 ou 15 ans.
M. Burlock a parlé de ce que le Canada et EDC peuvent faire pour inciter plus de PME à exporter.
« Nous devons réaliser des campagnes de sensibilisation ciblées afin de voir à ce que les PME soient au courant des avantages de l’exportation, » a-t-il affirmé. « Nous avons des représentants dans 19 pays à travers la planète. Nous rassemblons nos connaissances sur les marchés. De plus, nous aidons les PME à avoir accès à cette information. »
En outre, EDC fait connaître aux exportateurs de nouveaux débouchés en établissant des « liens de haute valeur » pour eux. Enfin, l’organisme offre ses services plus rapidement pour suivre le rythme d’un monde qui fonctionne 24 heures sur 24, 7 jours sur 7.
« Nous effectuons le virage numérique, » a ajouté M. Burlock. « L’assurance crédit est maintenant disponible en ligne. Les clients peuvent l’obtenir immédiatement en un clic au lieu d’avoir à attendre deux à trois jours. Voilà quelques-uns des outils que nous employons pour que plus de petites entreprises se mettent à exporter. »
M. Lowe a signalé qu’il avait élaboré des programmes de formation dans le monde entier et qu’il pouvait confirmer que la formation offerte au Canada est vraiment de calibre mondial. Sa principale préoccupation au sujet de l’écosystème commercial du Canada réside dans l’écart entre les programmes proposés par les collèges et ce que l’économie réclame. Par exemple, les entreprises veulent des professionnels du commerce qui maîtrisent aussi les médias sociaux.
« C’est un domaine dans lequel les collèges essaient de rattraper leur retard », a-t-il affirmé.
Les programmes à formule unique constituent une autre source d’inquiétude. « Des petites entreprises dépensent de précieuses ressources pour se rendre dans des marchés qui ne leur conviennent peut-être pas, » a-t-il ajouté. « Certains organismes qui produisent des programmes sur mesure répondent mieux aux besoins des PME. »
Quand on lui a demandé comment celles-ci peuvent accéder aux chaînes d’approvisionnement, M. Lowe a suggéré qu’elles embauchent une personne qui a déjà travaillé pour une plus grande entreprise et qui comprend le fonctionnement de ce genre de société.