Reconnu mondialement pour son homard frais, ses crevettes nordiques et ses savoureux pétoncles, le secteur des produits de la mer du Canada atlantique a dû relever d’immenses défis depuis le début de la pandémie de COVID-19.
En effet, les multiples restrictions sur les déplacements et la fermeture des frontières internationales, qui visaient à endiguer la propagation du virus, ont fait dégringoler le prix de nombreux produits de la mer. La comparaison entre la première moitié de 2020 et 2019 n’a rien de réjouissant.
Selon l’entreprise américaine d’analyse de marché Urner Barry, le prix d’un saumon de l’Atlantique de 10 à 12 livres a chuté de 44,6 % entre janvier et juin cette année. Quant au homard entier, son prix a plongé de 42 %, faisant passer ce crustacé prisé à 5,51 $ la livre, alors qu’il se vendait un bon 9,50 $ la livre en janvier.
Cette dégringolade met un terme brutal à cinq années de croissance prometteuses dans l’industrie canadienne du homard. En effet, de 2015 à 2019, les exportations dans ce domaine affichaient un taux de croissance composé de 6,2 %, selon Statistique Canada. L’année dernière avait été particulièrement lucrative : les exportations avaient connu une hausse de 16,5 % provoquée par l’explosion des ventes en Chine, durant la guerre commerciale l’opposant aux États-Unis.
Aujourd’hui, beaucoup d’entreprises doivent réinventer leur modèle opérationnel pour survivre.
Du jamais vu
Pour Tangier Lobster Company, une entreprise néo-écossaise, le premier signal d’alarme est survenu le 24 janvier. Il est 6 h du matin lorsqu’il reçoit d’un client de Shanghaï un courriel urgent réclamant un rabais d’un dollar la livre sur une commande que l’entreprise s’apprêtait à conditionner et à lui envoyer.
« C’est là que j’ai su que c’était sérieux », se rappelle Stewart Lamont, directeur général de Tangier Lobster et membre du conseil d’administration de la Nova Scotia Seafood Alliance. « En temps normal, il n’aurait jamais demandé un rabais comme ça, à la dernière minute. »
Wuhan, l’épicentre de l’éclosion de COVID-19, venait d’être placée en confinement, et le marché chinois était soudainement en perte de vitesse. « Ç’a d’abord été le marché asiatique, surtout la Chine », explique M. Lamont. « Ensuite, le ralentissement a gagné l’Europe, puis l’Amérique du Nord, pour enfin arriver jusqu’à nous. »
Les contrecoups de la pandémie ont fait de février et mars les mois les plus éprouvants pour Tangier Lobster. Le 1er février, le homard se négociait à la moitié du prix de janvier. « Les volumes se maintenaient, mais les prix s’étaient effondrés », rapporte M. Lamont, qui exporte à partir de la collectivité rurale de Tangier depuis les années 1980.
Par ailleurs, pendant que les prix fléchissaient, l’entreprise devait aussi protéger la santé de ses employés. Mais en matière de distanciation physique, Tangier Lobster bénéficie d’un avantage géographique : elle est située sur un terrain de 29 acres, à environ 100 kilomètres de Halifax. La propriété étant munie d’une clôture, l’entreprise peut contrôler l’accès au milieu de travail. De plus, tout le monde porte un masque et reste à une bonne distance des autres, dans la mesure du possible.
Par chance, la Nouvelle-Écosse est en train de remporter la bataille contre le virus et assouplit graduellement ses restrictions. M. Lamont attend maintenant la reprise du secteur des services alimentaires.
Partout dans le monde, la COVID-19 a entraîné la fermeture des lieux de rassemblement (bars, restaurants, navires de croisière, casinos, hôtels) et une diminution alarmante de la consommation mondiale. M. Lamont estime que seulement 40 à 45 % du marché mondial des produits de la mer demeure accessible au secteur.
Par rapport à mars 2019, les ventes dans les restaurants canadiens ont reculé de trois milliards de dollars en mars 2020, selon le Foodservice Monitor d’Ipsos. Mais tout n’est pas perdu : au lieu de manger sur place, les gens passent des commandes pour emporter ou se font livrer. La vente en ligne explose un peu partout, affirme M. Lamont, notamment en Chine continentale, à Hong Kong, au Japon, en Corée du Sud, à Kuala Lumpur, à Singapour et au Vietnam. « Nous connaissons des gens du secteur de la restauration qui sont très actifs en ligne », mentionne M. Lamont. Selon lui, les ventes en ligne ont décuplé par rapport à l’an dernier.
De nouveaux modèles d’affaires
Huon Aquaculture, une entreprise australienne d’élevage et de transformation de saumon, a eu du succès avec sa boutique en ligne sur Shopify, qui lui permet d’interagir directement avec le consommateur final. Shopify propose d’ailleurs un guide complet qui explique comment démarrer une entreprise alimentaire et comprend de l’information sur les exigences d’étiquetage alimentaire au Canada ainsi qu’un répertoire des fabricants canadiens de conditionnement alimentaire. Il y a aussi des thèmes tout prêts, qui conviennent parfaitement au secteur des produits de la mer.
Faire preuve de créativité dans son offre peut aussi s’avérer important, selon Edward Steeves, vice-président régional, Canada atlantique, à Exportation et développement Canada (EDC).
« Les gens ne se contentent pas d’améliorer leurs modèles de ventes et plateformes en ligne, ils se montrent créatifs », explique le vice-président. « On continue d’offrir le produit habituel, mais on lui apporte une valeur ajoutée pour le rendre plus attrayant; ça peut être une transformation plus poussée ou la combinaison avec d’autres produits. » Certaines entreprises comme Huon proposent des paniers de poisson fumé accompagné de pâté et d’autres denrées.
« Les gens ne se contentent pas d’améliorer leurs modèles de ventes et plateformes en ligne, ils se montrent créatifs. »
Par exemple, Huon a remporté un succès inattendu avec son « club », une liste des adresses courriel de ses clients fidèles. Ces amateurs de produits de la mer ont non seulement permis à l’entreprise de poursuivre ses activités, mais ils ont aussi généré plus de ventes que ses actions sur les médias sociaux.
Le contact direct avec les clients finaux peut s’avérer bien plus économique que le recours à des courtiers, des distributeurs et des revendeurs. Mais cette formule comporte ses risques et exige plus de travail, selon le Fishermen’s Direct Marketing Manual publié par l’Alaska Seafood Marketing Institute. Votre institution financière et EDC peuvent cependant vous offrir des solutions pour atténuer ces risques.
Stewart Lamont affirme que beaucoup d’entreprises du secteur des produits de la mer en Nouvelle-Écosse sont soulagées de savoir qu’elles peuvent obtenir de l’aide en cas de besoin. « Le gouvernement, les banques, Exportation et développement Canada, tous ont offert leur aide », dit-il.
De l’aide pour traverser la pandémie
Dès les premières semaines de la pandémie, EDC a mis au point un tout nouveau programme de crédit pour les entreprises qui vendent au Canada ou à l’étranger. Il s’agit de la Garantie − Programme de crédit aux entreprises d’EDC, qui vise à aider les entreprises canadiennes à affronter les difficultés financières causées par la pandémie.
Pour mettre en œuvre la Garantie – PCE, EDC s’est associée à des institutions financières de partout au pays; elle a ainsi aidé les entrepreneurs canadiens à couvrir leurs frais d’exploitation. La Société a aussi revu plusieurs de ses solutions financières en cette période difficile, et pris de nouvelles mesures comme le report des paiements et l’augmentation des limites de crédit. Par ailleurs, elle s’est engagée à accélérer les processus d’approbation.
Mais aux dires d’Edward Steeves, il y a d’autres avantages à faire appel à EDC. À titre d’organisme de crédit du Canada, EDC a des représentants dans plus de 20 bureaux aux quatre coins du monde, et plusieurs signalent une augmentation de la demande pour les produits de la mer. Les entreprises du secteur peuvent obtenir auprès d’EDC de l’information sur des possibilités d’expansion dans ces nouveaux marchés lucratifs.
« Nous pouvons leur expliquer les nuances des différents marchés et tirer parti de notre relation avec Affaires mondiales Canada », indique M. Steeves. Affaires mondiales Canada offre le Service des délégués commerciaux, qui permet aux entrepreneurs canadiens de participer à des salons commerciaux et événements internationaux, et d’obtenir de l’information détaillée sur les marchés internationaux des produits de la mer.
Fonds pour la stabilisation des produits de la mer
Une autre solution financière s’offre aux entreprises du secteur des produits de la mer, soit le Fonds canadien pour la stabilisation des produits de la mer du gouvernement du Canada, une enveloppe de 62,5 millions de dollars pour aider le secteur de la transformation des poissons et des produits de la mer à éponger les pertes causées par la COVID-19. En Nouvelle-Écosse et dans le reste du Canada atlantique, le Fonds est administré par l’Agence de promotion économique du Canada atlantique.
M. Lamont dit avoir beaucoup d’empathie pour les entreprises aux prises avec des problèmes de liquidités. Au début de la pandémie, son entreprise a décidé de cesser toutes les activités non essentielles afin de réduire les coûts au maximum. Cela signifie que les initiatives qui n’étaient pas directement liées aux ventes ont été mises sur la glace.
« Il ne faut pas se faire d’illusions : les affaires et la vie ont changé, dit-il. Mais jusqu’à présent, le homard a survécu. »
La réouverture des économies mondiales est amorcée, et de nombreuses entreprises cherchent à reprendre leurs activités et à adopter des modèles d’affaires non traditionnels qui correspondent à la nouvelle normalité. Elles pourront compter sur le gouvernement et sur EDC.