Dans la foulée de l’annonce du nouvel Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM), j’ai participé à un webinaire d’EDC intitulé « Vendre aux États-Unis : un guide pour les petites entreprises ». Vous pouvez le visionner sur demande pour entendre les perspectives de mes collègues panélistes, c’est-à-dire Mark Fisher, président et chef de la direction du Conseil de la région des Grands Lacs; Robert Pelletier, représentant en chef d’EDC posté aux États-Unis; Stephen Tapp, économiste en chef adjoint et directeur du Service de recherche et d’analyse d’EDC; et Chris O’Donnell, directeur de comptes dans l’équipe Marchés commerciaux et Petites entreprises d’EDC. Si vous souhaitez avoir un petit résumé des répercussions possibles de l’ACEUM sur votre plan d’affaires aux États-Unis, vous ne serez pas déçu par ce webinaire.

Le nouvel accord aura-t-il une incidence majeure?

La réponse courte? Oui et non. D’un côté, il s’agit d’un grand soulagement, puisque cet accord met fin à l’incertitude entourant la renégociation de l’ALENA qui nous habite depuis l’élection présidentielle de 2016. Comme Stephen Tapp l’a mentionné, l’Indice de confiance commerciale établi au printemps 2018 indiquait que 6 % des exportateurs canadiens hésitaient à investir dans le contexte des discussions apparemment interminables au sujet de l’ALENA. Curieusement, malgré ces craintes, les exportations canadiennes étaient en hausse de 15 %, ce qui signifie que si certains se sont tenus loin des États-Unis, d’autres ont continué à exporter vers ce pays, et même vers plusieurs autres marchés étrangers.

D’un autre côté, le nouvel accord, pour l’essentiel, se contente de protéger nos acquis et de nous donner un peu de latitude pour nous développer en marge de ce cadre. Certes, les États-Unis auront davantage accès à notre marché des produits laitiers, comme ce qui avait été négocié pour l’AECG et le PTPGP, mais la gestion de l’offre a été préservée, de même que le mécanisme de règlement des différends (chapitre 19). Des progrès ont été réalisés sur le plan du commerce électronique : tous les pays reconnaissent maintenant qu’il est judicieux de ne pas exiger de droits de douane sur des articles achetés en ligne et ont fixé certaines limites quant aux exigences de localisation des données. Les seuils de minimis pour le traitement en franchise de taxes et de droits de douane des expéditions express vers le Canada ont augmenté. Nous avons aussi désormais un accord standard sur la coopération réglementaire en matière de règlement des litiges ayant une portée plus vaste que le PTPGP et l’AECG.

L’accord n’aborde pas la question des marchés publics entre le Canada et les États-Unis, mais les deux pays sont toujours liés par l’Accord de l’OMC sur les marchés publics et l’Accord sur les marchés publics entre le Canada et les États-Unis conclu en 2010. De plus, à l’image du PTPGP, l’accord fait preuve d’innovation en s’attaquant aux problèmes de corruption, qui nuisent souvent aux efforts des nouveaux exportateurs, y compris les PME, pour percer de nouveaux marchés.

À ceux qui affirment que nous avons fait beaucoup de concessions, je répliquerais que nous n’aurions probablement pas pu faire mieux étant donné les priorités des trois gouvernements au début des pourparlers. Oui, il s’agit d’un accord « protectionniste ». Élargir la définition des catégories de gens d’affaires canadiens pouvant travailler temporairement aux États-Unis, par exemple, aurait été une grande victoire, mais nous n’avons malheureusement pas pu remporter cette bataille. Il y a toutefois un terreau propice aux discussions futures à cet égard, et à bien d’autres, et nous pourrions creuser la question lorsque l’immigration et les tensions commerciales ne feront plus les grands titres.

Un nouveau chapitre sur les PME

À propos de progrès futurs, l’un des avantages concrets de ce nouvel accord est l’ajout d’un nouveau chapitre sur les PME. La distinction que fait cet accord est importante; elle reconnaît non seulement le rôle des multinationales, mais aussi la contribution économique énorme et grandissante des petites entreprises de tout le continent. Bien que l’ACEUM ne changera pas vos activités du jour au lendemain, il établit un cadre de discussion entre les trois pays visant à améliorer la transparence des programmes relatifs aux PME. Ces discussions pourraient être placées sous le signe du « progrès », et porter notamment sur la possibilité de collaborer plus étroitement afin d’encourager les PME détenues par des groupes sous-représentés comme les femmes, les Autochtones, les jeunes et les minorités, ainsi que les entreprises en démarrage, celles en région rurale et de l’industrie agricole. En outre, cet accord entraînera la création d’un comité officiel et transparent composé de représentants du secteur privé qui se rencontreront une fois par année pour trouver des solutions communes aux problèmes touchant les PME.

Prendre de l’expansion au sud de la frontière

Qu’on le veuille ou non, les États-Unis constituent un marché important pour un nombre incalculable de petites entreprises canadiennes, mais aussi pour leurs grandes sœurs. Il s’agit d’un marché gigantesque, riche et voisin qui représente une véritable école pour les nouveaux exportateurs. Faire des affaires aux États-Unis, c’est avoir la chance d’apprendre par essais et erreurs, de mettre en place des processus et de partir éventuellement à la conquête d’autres marchés étrangers. Mais y faire ses premiers pas peut parfois donner l’impression de sauter dans le vide. Pour ne pas se sentir dépassé, il faut comprendre que les États-Unis sont composés de plusieurs marchés régionaux distincts plutôt que d’un seul grand bloc homogène. Comme l’a conseillé Rob Pelletier d’EDC, après avoir fait vos devoirs, mieux vaut concentrer vos efforts sur l’un de ces marchés régionaux, puis choisir un État à l’intérieur de cette région pour commencer. Rob a plus d’un tour dans son sac pour vous aider à définir votre stratégie en territoire américain, et vous montrer comment le Service des délégués commerciaux du Canada peut vous guider dans ce monde infini de possibilités qui vous attend au sud de la frontière.

Le Canada a la chance d’être stratégiquement situé près de l’un des principaux blocs commerciaux en Amérique : la région des Grands Lacs. Selon le panéliste Mark Fisher, cette zone commerciale (formée des huit États et deux provinces bordant les Grands Lacs) génère 278 milliards de dollars en échanges bilatéraux, soit environ 50 % du commerce de biens entre les deux pays. Son PIB de 6 billions de dollars américains en fait la troisième économie mondiale en importance, après l’ensemble des États-Unis et la Chine. Les petites entreprises désireuses de percer le marché de l’un des huit États bordant notre frontière gagneraient à fouiller le portail en ligne de la région des Grands Lacs.

Un plan d’action

En tant qu’avocat en droit du commerce, on m’a demandé maintes et maintes fois quelles étaient les différences entre l’ancien et le nouvel accord. En fait, il n’y en a pas beaucoup. Après tout, l’accord n’a pas été revu de A à Z. Peut-être pourrons-nous mieux constater l’incidence réelle de l’ACEUM dans les prochaines années, car il s’agit d’un accord qui tient compte de la nouvelle réalité du commerce, et s’y adapte. Il définit efficacement divers cadres de discussion qui conduiront à des progrès sur tous les fronts.

Au bout du compte, les chiffres parlent d’eux-mêmes. Le marché nord-américain génère 25 billions de dollars américains annuellement. Depuis l’adoption de l’ALENA en 1994, la valeur du marché a triplé. Les trois quarts des exportations canadiennes sont dirigés vers les États-Unis chaque année, et 32 États considèrent le Canada comme leur partenaire commercial étranger numéro un. Les ramifications liant étroitement les trois économies résisteront aux intempéries politiques pour une seule et bonne raison : il s’agit d’une recette gagnante.