Voilà longtemps qu’économistes et politiciens font valoir la nécessité pour le Canada de diversifier son commerce extérieur et ses investissements internationaux pour ne pas trop dépendre du marché américain.

Même si l’économie américaine se porte bien, et même si le commerce bilatéral s’avère étonnamment vigoureux, certaines entreprises canadiennes ressentent l’urgence de diversifier leurs activités commerciales internationales face à la montée du protectionnisme préconisée par le président Trump.

Le gouvernement fédéral a récemment souligné l’importance de cette diversification en nommant Jim Carr ministre au nouveau portefeuille de la Diversification du commerce international.

Dans cet article, nous analyserons l’historique du commerce extérieur du Canada et des sondages d’EDC pour dégager les tendances immédiates et à long terme en matière de diversification.

Le double visage du commerce canadien au 21e siècle

Jusqu’à maintenant, les données traditionnelles sur le commerce de marchandises montrent un modèle de croissance à deux vitesses. En effet, alors que les exportations totales du Canada ont augmenté en moyenne de 1,5 % par année entre 2000 et 2017, la croissance sous-jacente des exportations vers les États-Unis s’est révélée plutôt faible, à seulement 0,8 %. La croissance des exportations vers les autres pays a été bien plus forte, atteignant 4,1 %.

Si on s’en tient aux marchés émergents (soit les marchés qui affichent la croissance la plus rapide au monde, comme la Chine et l’Inde), on remarque que les exportations totales canadiennes vers ces destinations ont grimpé de 5 % à 13 % pendant cette période. Et cette diversification est remarquablement généralisée :

Diversification des provinces

Diversification des provinces

Sources : Services économiques d’EDC et Statistique Canada

Diversification des produits

Diversification des produits

Sources : Services économiques d’EDC et Statistique Canada

 

La différence entre les exportations vers les États-Unis et celles vers les autres pays se répercute sur les parts relatives des différents moyens de transport. En effet, la majorité des échanges commerciaux entre le Canada et les États-Unis ont lieu par voie routière et, dans une moindre mesure, ferroviaire. Sans surprise compte tenu de la baisse des échanges entre les deux pays, les parts de ces deux moyens de transport ont diminué (de 70 % à 60 %).

À l’inverse, le commerce du Canada avec d’autres marchés, comme l’Europe et l’Asie, s’effectue essentiellement par bateau et par avion. Les parts de ces moyens de transport ont donc augmenté, passant d’environ le quart des exportations au tiers (de 24 % à 31 %). Le reste concerne essentiellement les pipelines, dont la part est passée de 6 % à 9 % du total. Ces statistiques témoignent de la diversification du commerce des marchandises au Canada.

Cela dit, comment nous situons-nous par rapport aux autres pays de l’OCDE?

La diversification des exportations dans les pays de l’OCDE

On mesure couramment la concentration du marché d’exportation d’un pays par l’indice Herfindahl-Hirschman. La concentration est l’inverse de la diversification : plus l’indice se rapproche de 1, plus les exportations du pays en question sont concentrées. Inversement, un indice tendant vers 0 indique que les exportations sont plus diversifiées.

Commençons par la bonne nouvelle : depuis 2000, les exportations du Canada se sont davantage diversifiées que celles de la moyenne des pays de l’OCDE. Toutefois, nous traînons toujours en bas du classement du G7, et nous sommes le deuxième marché le moins diversifié des 35 pays de l’OCDE. En fait, les deux pays périphériques de l’ALENA sortent du lot dans le graphique, et seules les exportations du Mexique sont plus concentrées que celles du Canada. Dans les deux cas, le fait d’être voisins de la première économie mondiale et de profiter des chaînes d’approvisionnement continentales fortement intégrées favorisées par l’ALENA donne lieu à une grande force d’attraction qui devrait perdurer, même si on peut l’atténuer.

Concentration du marché d’exportation

Indice Herfindahl-Hirschman, pays de l’OCDE (2015)

 

Concentration du marché d’exportation

Sources : Services économiques d’EDC et Banque mondiale

Les exportations de services et les investissements sont plus diversifiés que les exportations de biens

Après avoir analysé le commerce de biens, il est temps d’examiner d’autres types de commerce avant de nous tourner vers l’avenir.

La plupart des analyses commerciales portent d’abord sur les exportations de biens du Canada, comme nous venons de le faire. Toutefois, en élargissant l’angle d’analyse, on constate que nos exportations de services sont moins dépendantes du marché américain que nos exportations de biens. Il en va de même pour l’investissement direct étranger (entrant et sortant), dont moins de la moitié touche maintenant le marché américain. Notons également que pour toutes ces statistiques, la part totale des échanges commerciaux du Canada avec d’autres pays que les États-Unis est en augmentation.

Les exportations de services et les investissements sont plus diversifiés que les exportations de biens

Sources : Services économiques d’EDC et Statistique Canada

Les entreprises canadiennes cherchent à se diversifier

Qu’en est-il de l’avenir? L’un des constats les plus clairs d’un récent sondage sur l’indice de confiance commerciale d’EDC mené auprès de 1 000 exportateurs canadiens, c’est qu’au cours des six derniers mois, le nombre d’entreprises canadiennes ayant diversifié leurs activités et prévoyant continuer à le faire est en hausse.

Le nombre d’exportateurs canadiens ayant commencé à exporter vers de nouveaux marchés a ainsi nettement augmenté (de 31 % à 44 %, en plus d’une demande internationale accrue principalement attribuable à l’essor de l’économie mondiale), ainsi que celui des exportateurs canadiens qui prévoient le faire dans les deux prochaines années (de 49 % à 64 %).

Les entreprises canadiennes cherchent à se diversifier

Source : Indice de confiance commerciale d’EDC

De nouveaux accords commerciaux qui dynamisent les stratégies d’exportation

Le Canada a récemment signé deux accords commerciaux importants avec des pays de l’Union européenne et de la région de l’Asie‑Pacifique :  l’Accord économique et commercial global (AECG) et l’Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP). Un peu plus du quart des exportateurs canadiens ont déclaré qu’ils s’intéressaient maintenant davantage à ces marchés, notamment à l’Allemagne, à la France et au Japon. Les négociants de ces marchés cherchent à faire augmenter le volume d’import-export, et bon nombre d’entreprises canadiennes souhaitent entrer dans la ronde.

De nouveaux accords commerciaux qui dynamisent les stratégies d’exportation

Source : Indice de confiance commerciale d’EDC

 

Outre la diversification des marchés d’exportation, le nombre d’exportateurs canadiens qui déclarent avoir investi hors du Canada a augmenté de 11 % à 17 %, alors que celui des exportateurs canadiens prévoyant le faire est passé de 12 % à 22 %. Dans ce dernier cas, ces exportateurs souhaitent effectuer des investissements directs étrangers aux États-Unis et en Chine. Cette tendance commence déjà à se dessiner, notamment au vu de la forte croissance des investissements directs sortants du Canada dans les dernières années.

Un appel à la diversification

À l’heure de la montée du protectionnisme américain, le fait d’adopter une perspective temporelle plus large nous révèle que la diversification des marchés d’exportation du Canada se poursuit lentement mais sûrement depuis quelques décennies. Nous croyons que cette tendance se maintiendra au fur et à mesure que les exportateurs et les investisseurs canadiens déploieront plus d’efforts en ce sens. Pour le moment, il semblerait que beaucoup d’entreprises canadiennes voient l’augmentation du protectionnisme américain comme un appel à la diversification, et y réagissent en s’efforçant de s’implanter sur de nouveaux marchés.