Au cours du dernier mois, je me suis entretenu avec des propriétaires d’entreprise de partout au Canada à l’occasion de la tournée Parlons exportations. Si vous n’avez pas pu assister à l’un des événements organisés dans votre ville, vous pouvez visionner le webinaire afin de connaître mon point de vue sur l’état actuel de l’économie mondiale et de la direction qu’elle prend.

Pendant mes déplacements, les problèmes ayant la capacité d’influer sur le portrait économique n’ont pas manqué, tant ici qu’à l’étranger. En effet, nous avons assisté à la réélection de Recep Tayyip Erdogan, qui est devenu le premier président turc à détenir la totalité du pouvoir exécutif. Chez nous, le rachat du pipeline Trans Mountain, la grève (évitée) du Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée et le nouveau gouvernement conservateur de l’Ontario ont tous fait les manchettes. Auprès des entreprises canadiennes, il va sans dire que ces événements ont été éclipsés au profit de la décision des États-Unis d’imposer des tarifs sur les importations d’acier et d’aluminium du Canada et d’ailleurs.

Alors que je parcourais le Canada, le même refrain prévisible se faisait entendre dans chaque ville : quel est le prochain secteur sur la liste? Certes, ces mesures contre le commerce sont au cœur des préoccupations et causent des perturbations, mais il convient de les mettre en perspective.

Le point de vue d’EDC sur l’économie mondiale

La croissance mondiale est plus forte aujourd’hui qu’elle ne l’a été au cours de la période postérieure à la relance et devrait augmenter de 3,4 % cette année et de 3,3 % en 2019.

La création d’emplois est en hausse aux États-Unis et au Royaume-Uni. La tendance au sous-investissement a duré si longtemps que, tout à coup, nous nous heurtons à des contraintes de capacité aux États-Unis et en Europe.

Tout le monde parle du resserrement comme d’une mauvaise chose. À mon avis, le resserrement peut s’avérer positif – pas seulement aux États-Unis, mais aussi en Europe de l’Ouest – au point de se propager dans les marchés émergents.

La mondialisation crée de nouveaux cycles de croissance économique

Même si un grand débat fait rage parmi les économistes, et que beaucoup disent que nous nous dirigeons vers une récession, j’ai un point de vue tout à fait différent. Je n’anticipe pas de récession avant un certain temps.

L’importante demande refoulée et l’énorme potentiel au sein des moteurs de l’économie devraient nous faire progresser pendant les prochaines années.

Dans ce cas, pourquoi ma vision diffère-t-elle des autres? Un seul mot pour répondre à cette question : la mondialisation. La mondialisation a étiré le cycle économique de sorte que nous connaissons maintenant des épisodes plus longs, des sommets plus élevés, des corrections plus marquées et des périodes de reprise plus longues. Mais, malgré ces réactions intensifiées, une rupture semble planer sur le monde. La politique ne s’aligne pas sur cette nouvelle réalité pour la simple raison qu’elle n’est pas bien comprise.

Qu’en est-il de ces tarifs?

Il ne fait aucun doute que les deux principaux obstacles à cette perspective positive sont la montée du protectionnisme et la hausse des taux d’intérêt. La réaction du public a été pour s’en prendre à mondialisation et les institutions d’appui ainsi une claire réponse politique du protectionnisme. Cela pose une grave menace pour notre vision. Dans les sondages menés par EDC, les exportateurs canadiens définissent l’incertitude liée à l’ALENA comme leur principale préoccupation; le protectionnisme en général ne se classant pas bien loin derrière. Les chefs d’entreprise avec lesquels je me suis entretenu au cours du dernier mois croient que les récents tarifs douaniers sur l’acier et l’aluminium ont jeté de l’huile sur le feu.

Personne ne conteste les effets négatifs des tarifs sur les secteurs de l’acier et de l’aluminium. D’ailleurs, EDC s’est engagée à verser 900 millions de dollars en financement commercial et en assurance au cours des deux prochaines années pour aider les entreprises canadiennes touchées par les récents changements apportés à la politique commerciale des États-Unis.

Mais, et en voici un très grand mais, je crois que la logique prévaudra, que l’ALENA triomphera et que les intérêts commerciaux américains emboîteront le pas. Il n’y a qu’à observer la campagne de plusieurs millions de dollars des frères Koch contre le programme tarifaire de l’administration Trump, sans parler de la campagne Trade Works, Tariffs Don’t de la Chambre de commerce des États-Unis qui vise à adresser un message au Congrès américain.

Au final, le libre-échange se vend de lui-même. Il en découle une logique absolument implacable. Malheureusement, quand les choses vont mal, il est facile d’échapper à la logique et de désigner la mondialisation comme coupable. Pourtant, même le commun des mortels se rend vite compte que la dissolution du libre-échange aggrave la situation au lieu de l’améliorer. Si les détracteurs ont raison et que la mondialisation vole des emplois dans les économies nationales, pourquoi a-t-elle permis à des pays du monde entier d’atteindre des taux de chômage proches des creux historiques? Toute rhétorique mise à part, je crois que l’ALENA (ou une version quelconque de celui-ci) et la mondialisation continueront de marquer l’actualité longtemps.

La façon dont les exportations canadiennes peuvent croître dans l’économie mondiale actuelle

Ceci ne fait aucun doute : en dépit de la forte croissance et des exportations, les investissements souffrent des mesures contre le commerce. C’est comme si des industries entières avaient appuyé sur le bouton d’arrêt, en attendant que la poussière retombe.

À cette situation, j’ai trois propositions.

  1. La première suggestion (que j'ai soutenu depuis le début, même pendant les heures les plus sombres de l’ALENA) est la suivante : plongez dans le vide. Si vous croyez que le Canada obtiendra une version 2.0 de l’ALENA, n’hésitez pas à conclure des ententes commerciales pendant que les autres prennent leurs jambes à leur cou. C’est peut-être l’occasion de saisir les affaires qui vous ont échappé jusqu’à présent; des contrats et des engagements que vous n’auriez peut-être pas eu la chance de décrocher autrement. Regardons les choses en face, la croissance est bel et bien réelle. Les consommateurs et les entreprises encore actives ont besoin de biens et de services.
  2. Une fois l’ALENA réglé, nous verrons probablement un déblocage des projets d’investissement interrompus jusque-là. En fait, nous croyons qu’il y aura un tsunami d’investisseurs prêts à pénétrer le marché. Préparez-vous donc à profiter de cette vague de croissance.
  3. Enfin, toute cette incertitude a fait ressurgir un terme critique dans le jargon de l’exportation : la diversification. Un plus grand nombre d’exportateurs semblent envisager de faire des affaires dans des marchés moins traditionnels afin de faire face à l’instabilité au sud de la frontière. En effet, un très grand nombre d’entreprises canadiennes m’ayant fait part de leurs fascinantes expériences d’exportation affirment qu’il leur est maintenant inconcevable d’exploiter leur entreprise sans exporter vers divers marchés étrangers.

L’économie mondiale et l’art de la fabrication de motocyclettes

À la fin de notre webinaire interactif, une personne dans l’auditoire m’a demandé si je pensais qu’un plus grand nombre d’entreprises suivraient l’exemple de Harley-Davidson et déplaceraient une partie de leur production en Europe à la suite de l’escalade des tensions commerciales entre les États-Unis et l’Europe. En réalité, il est manifestement nécessaire, dans un contexte de mondialisation, de produire là vous faites la vente de vos produits. S’il est logique de le faire sur le plan économique, il reste que vous ressentirez éventuellement une pression pour vous rapprocher de vos clients dans divers marchés internationaux.

Si vous ajoutez à cette pression initiale l’aggravation de l’acrimonie sur les questions commerciales, vous venez de donner à une entreprise nationale une excuse pour accroître sa présence mondiale. En cette ère de mondialisation, il est tout à fait logique que les entreprises veuillent se doter d’un plan de gestion des risques afin de protéger leurs ventes mondiales.

Les mesures contre la mondialisation et le commerce se traduiront probablement par d’autres décisions de ce genre, et elles se poursuivront jusqu’à ce que l’opposition au commerce se soit dissipée.

Rappelez-vous que la logique finit toujours par l’emporter.