
J'ai récemment eu le plaisir de participer à une série d'événements virtuels régionaux organisés de concert avec nos partenaires des institutions financières canadiennes. Ce fut un réel plaisir d'échanger avec des membres de la direction de chaque région représentant les services responsables des interactions clients et de la gestion des risques au sein de leur institution. Lors de ma présentation, j'ai parlé des répercussions de la pandémie sur nos systèmes collectifs, mais aussi de la manière dont cette crise nous permet de redéfinir l'avenir du commerce extérieur du Canada. Et c'est exactement ce dont il a besoin. Voici les faits saillants de quelques-uns des principaux thèmes qui ont été abordés. J'espère qu'ils enrichiront et dynamiseront nos échanges alors que nous nous mobilisons pour façonner l'avenir du commerce extérieur du Canada. Nous jouons tout un rôle essentiel et notre réussite en tant que chef de file sur le marché mondial est fortement tributaire de notre capacité à interagir efficacement.
Le déficit commercial du Canada est nettement plus marqué que celui des autres nations de l’OCDE, ce qui représente un manque à gagner d’environ 165 milliards de dollars chaque année pour notre secteur des exportations.
Accélération en vue
Même si la récente hausse des cas d’infection dans diverses régions du monde à pousser certains gouvernements à suspendre une partie de l’activité, il y a plusieurs raisons de croire que nous voyons enfin la lumière au bout du tunnel. L’effet conjugué des mesures sanitaires, de la vaccination et de la progression vers l’immunité collective dans certains pays pourrait durant la seconde moitié de 2021 embellir les perspectives, ce qui n’était pas arrivé depuis un bon moment.
Les mesures de relance ont sensiblement contribué à ce regain, mais cet élan se poursuivra par la suite pour une raison toute simple : la présence d’une demande comprimée substantielle avant le début de la pandémie. À cela s’ajoute la demande comprimée induite par la pandémie, comme en témoigne l’envolée de l’épargne au Canada, aux États-Unis et dans la zone euro. Résultat : les consommateurs ont à disposition de belles économies qu’ils dépenseront, ce qui alimentera la relance. Lorsqu’ils les consommateurs des quatre coins du globe se décideront enfin – tout comme les entreprises qui les appuient –, d’immenses sommes seront injectées sur le marché. Les entreprises et les institutions financières qui sont prêtes à saisir la balle au bond profiteront alors d’une position avantageuse.
Une reprise en forme de K
Dans l’ensemble, les exportations de biens ont affiché une belle performance. La plupart des économies de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ont connu une solide reprise en forme de K, le Canada ayant enregistré de remarquables gains en janvier. Toutefois, ces bons chiffres masquent un tableau composé de gagnants, de perdants et d’entreprises se situant entre les deux.
En tête du palmarès figurent les grandes entreprises technologiques ainsi que les entreprises évoluant dans le commerce électronique, les télécoms et l’agroalimentaire. Au bas du classement, on trouve les sociétés présentes dans les secteurs du transport et pétrogazier, celles ayant pignon sur rue de même que les entreprises de détail et de l’industrie automobile. Du côté des exportations de services, certains secteurs ont plongé dans un abîme d’où ils ont bien du mal à sortir. Les services commerciaux et financiers ont tiré leur épingle du jeu, mais le tableau est nettement plus sombre pour les services touristiques, de divertissement et de transport.
Ces secteurs finiront un jour par se tirer d’affaire. À ce moment-là, ils auront d’un soutien sous diverses formes : renseignements sur les marchés, planification des activités d’exportation, financement pour propulser leur relance, entre autres. Mais ces secteurs auront changé parce que la pandémie a changé la donne. On verra sans doute émerger une nouvelle génération de chefs d’entreprise ayant un appétit plus prononcé pour le risque. Après tout, ils auront fait face à l’ultime menace, et il ne sera pas possible de revenir à la façon dont on faisait des affaires. Pourquoi ne pas ajouter une autre dimension de risque et être présent sur des marchés non traditionnels? Le marché canadien est relativement limité et le monde vit désormais à l’heure de la connectivité numérique. Ce sentiment s’est exprimé lors de notre dernier sondage de l’Indice de confiance commerciale (ICC). Près de trois-quarts des exportateurs canadiens qui y ont pris part ont déclaré envisager d’exporter vers de nouveaux marchés.
Des chiffres prometteurs
Les chiffres du PIB pour cette année et l’an prochain sont prometteurs. De fait, pour 2021, nous prévoyons que les économies développées enregistreront une croissance de 5,2 %; les marchés émergents de 7,1 %; et l’économie mondiale de 6,4 %. Après l’adoption du plan de relance américain, nous avons bonifié ces chiffres. Ainsi, en 2022, nous tablons sur une croissance de 5,4 % de l’économie mondiale, la contribution des marchés développés et émergents s’élevant respectivement à 4,1 % et 6,2 %. Malgré la vigueur générale des perspectives mondiales, il ne fait aucun doute que les économies émergentes continueront d’éclipser les nations de l’OCDE.
Ainsi donc, la croissance accélérera la cadence pendant la seconde moitié de l’année. Nous devons nous préparer à tirer parti de ce dynamisme et des effets résultant des mesures de relance visant les secteurs public et privé. La préparation sera de mise à défaut de quoi on pourrait bien ne pas profiter au maximum de la vague de croissance à venir.
La dure réalité : le déficit commercial du Canada s’accroît
Ce contexte porteur peut nous faire oublier une dure réalité : la situation commerciale du Canada n’est pas reluisante. En effet, notre part du commerce international a sensiblement chuté depuis 20 ans. C’est généralement le cas pour les économies avancées, car les marchés émergents s’accaparent la part du lion du volume d’exportations internationales. Or, notre bilan s’est dégradé à ce chapitre, comme le montre la figure ci-dessous.
En fait, le déficit commercial du Canada est nettement plus marqué que celui des autres nations de l’OCDE, ce qui représente un manque à gagner d’environ 165 milliards de dollars chaque année pour notre secteur des exportations.
Il y a fort à parier que le gros des activités des institutions financières canadiennes cible le marché intérieur, mis à part le financement d’actifs relativement sûrs comme des biens immobiliers. Or, pour faire prospérer l’économie, nous devrons accroître notre présence à l’international et nous diversifier. Après tout, augmenter notre intérêt pour le commerce international ne fera pas que renforcer notre économie : cela contribuera à la vigueur de nos propres portefeuilles dans un horizon à long terme.
Et le simple fait d'intensifier nos échanges commerciaux avec les États-Unis ne réglera pas ce problème. Pour faire de réels progrès, il nous faut nous tourner vers d’autres destinations, comme la Chine. Si on extrapole la tendance actuelle de nos exportations vers ce marché , d’ici 2048, la Chine dominera le palmarès des exportations canadiennes de marchandises. À terme, ce serait aussi le cas d’autres marchés émergents qui se hisseront en tête de nos principales destinations de nos exportations.
Imaginons que nous nous mettions les bouchées doubles et offrions une performance semblable à celle de l’Australie – un marché semblable à celui du Canada – qui a su se réinventer en tant qu’acteur sur la scène du commerce international. L’Australie a réussi à se tailler des parts de marché bien plus grandes que nous, une réussite qui devrait attirer notre attention. Si l’on parvient à se tailler ne serait-ce que la moitié des parts de marché de l’Australie, la Chine serait notre principal partenaire commercial 12 ans plus tôt. Et si nos parts de marché égalaient celles de l’Australie dans une décennie, une autre année s’écoulerait avant que la Chine ne soit notre premier client. En fait, c’est sur le point de devenir une réalité d’ici trois ans pour certaines filières canadiennes comme l’agroalimentaire. Pour d’autres secteurs, c’est chose faite depuis déjà longtemps.
La Chine n’est plus l’unique point de mire. Les exportations canadiennes seront de plus en plus prisées par une foule d’autres économies émergentes. Cela dit, nous n’affirmons pas qu’il faille se détourner du marché américain, mais plutôt que nous aurions tort de ne pas saisir des débouchés évidents dans d’autres régions du globe.
Un changement de vision s’impose
Les entreprises canadiennes s’extirpent peu à peu du cocon de la pandémie – mieux averties et plus audacieuses qu’auparavant. Nous devons faire de même. Certes, cela demande de changer notre vision de la manière dont nous menons nos activités et d’étoffer nos plans de gestion des risques en fonction des marchés ciblés. Néanmoins, nous devons nous préparer à les accompagner dans cette aventure afin qu’elles puissent s’implanter sur ces marchés en rapide croissance.
Dans la foulée, nous ferons face à de nombreux défis. Nous savons que la reprise sera inégale et qu’il faudra surmonter des écueils. Malgré tout, il nous faudra garder le cap parce que la croissance fera en retour en force. Sa distribution sera inégale, et il faudra être sélectif en matière de risques. Par ailleurs, nous savons que les consommateurs à l’échelle mondiale sont prêts à délier les cordons de leur bourse, et leurs dépenses dynamiseront nos exportations et augmenteront notre connectivité numérique.
Les entreprises exportatrices seront bien placées pour tirer parti de la croissance future, à condition qu’elles se soient dotées d’un plan de croissance solide et pérenne pour briller sur la scène de l’exportation. Il faudra investir, miser sur le numérique et la robotisation et prendre acte du fait que l’intelligence artificielle et l’automatisation insuffleront un nouvel élan à nos industries. Et notre rôle sera de faciliter ces investissements. En tant qu’institutions financières, nous nous devons de reconnaître que ces entreprises et secteurs façonneront notre avenir. Aussi, devons-nous être prêts à financer les investissements en lien avec leur rayonnement mondial afin de garantir leur intégration aux chaînes d’approvisionnement mondiales. En deux mots, favoriser la « glocalisation ».
Pour ce faire, il nous faudra quitter notre zone de confort et relever les défis qui parsèmeront notre route. EDC s’est dotée des ressources et des outils pour composer avec pareils défis. Nous voulons non seulement maintenir notre relation de partenariat avec vous, mais aussi approfondir considérablement cette relation. Cette action concertée nous permettra de nous attaquer au problème du déficit commercial du Canada. Pour y arriver, nous vous communiquerons des renseignements sur les marchés internationaux et nous vous ferons profiter de notre expertise des risques. Nous devrons répondre présents même dans le cas de transactions plus risquées, mais nous nous assurons de mutualiser les risques. À vrai dire, il nous faudra appuyer des transactions d’une envergure telle qu’il nous faudra recourir à la syndication.
Une nouvelle ère appelle une nouvelle vision où nous devrons nous adapter et être à la hauteur des défis qui nous attendent. Sachez enfin que je serai ravi de poursuivre cet échange avec vous.
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