Chaque année, les Services économiques d’EDC se prononcent sur les principaux risques auxquels seront confrontés les exportateurs canadiens au cours des 12 à 18 prochains mois. Certes, il n’est ni possible ni souhaitable de protéger son entreprise contre tous les risques, mais en envisageant les plus probables et les pires d’entre eux, il est possible d’avoir des systèmes de gestion des risques plus performants et de mieux préparer l’avenir.
Il y a un an, nous étions aux prises avec les contrecoups économiques et géopolitiques de la guerre en Ukraine, notamment l’insécurité alimentaire mondiale et les soubresauts liés à la crise énergétique. Ces risques, bien que toujours présents, sont moins déterminants, car les exportateurs canadiens s’adaptent aux répercussions à long terme du conflit. Selon notre dernier sondage sur l’indice de confiance commerciale (ICC), seulement 30 % des répondants les considèrent encore comme des obstacles pour leur activité. En outre, même si la sécurité alimentaire reste un enjeu majeur pour de nombreux importateurs de denrées alimentaires, l’indice des prix des aliments de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture a reculé de 25 % depuis 2022. Toutefois, la moindre escalade dans l’intensité du conflit changerait certainement la donne.
Pour l’heure, la plus grande menace qui pèse sur les exportateurs canadiens provient avant tout de l’atonie de l’économie mondiale, à un moment où l’on cherche à revenir à une situation normale après la pandémie de COVID-19. La hausse vertigineuse des taux directeurs des banques centrales au cours de l’année et demie écoulée, ainsi que les secousses qu’elle a entraînées sur les marchés des capitaux, vont provoquer un assèchement du crédit au cours des prochains trimestres, voire une récession économique grave au niveau mondial, surtout si les prêteurs resserrent encore les conditions de financement. Selon nos calculs, une telle éventualité amputerait le PIB mondial de 1 à 2 % de façon permanente.
Ce scénario, jugé peu probable pour l’instant, fragiliserait les ménages et les entreprises qui se sont abreuvés de prêts aux taux ridiculement bas au cours de la dernière décennie. Maintenant que les taux d’intérêt et les taux de rendement des obligations remontent et que la liquidité se tarit à mesure que s’éloigne la pandémie, les emprunteurs se retrouvent au pied du mur, faisant croître le risque d’une vague de défauts chez les entreprises. Sans nier qu’une partie de cette correction est nécessaire, il n’en reste pas moins que l’ajustement pourrait s’avérer difficile.
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La dette publique s’est également alourdie ces dernières années, les pouvoirs publics s’efforçant d’amortir le choc de la pandémie, de ne pas se laisser dépasser par l’envolée des coûts liés aux systèmes de santé, de doper leurs dépenses d’armement en raison de l’incertitude géopolitique et d’affronter de nouveaux défis comme les changements climatiques. Tout ceci fait planer le spectre de nouvelles crises de la dette souveraine. On observe déjà des pourparlers prolongés en vue de renégocier la dette de certains pays à haut risque, ce qui place ceux aux revenus les plus faibles dans une situation de plus en plus délicate.
Il en résulte une forte volatilité des prix des actifs, et le secteur bancaire pourrait ne pas en sortir indemne. Comme nous avons pu le voir en mars dernier, lors de la faillite retentissante de plusieurs banques américaines, toute perte de confiance ou libération des esprits animaux accroît le risque d’une fuite des dépôts, et une crise bancaire locale peut prendre des proportions mondiales.
Certains risques sont cycliques par nature, d’autres sont plutôt des tendances à long terme, comme dans le cas de la démondialisation. Notre scénario de base ne prévoit pas de bouleversement de notre système de commerce international, mais le risque de fragmentation géopolitique n’est pas à négliger. C’est un fait que l’antagonisme croissant des grands blocs économiques mondiaux a d’ores et déjà donné lieu à des représailles réciproques dans le domaine des technologies industrielles stratégiques. Les liens commerciaux et d’investissement qu’a tissés le Canada dans certaines régions à forte croissance du monde pourraient également subir les répercussions de ces changements.
Il y a aussi un autre risque connexe : les perturbations de la chaîne d’approvisionnement et les pénuries de main-d’œuvre. Dans le premier cas, les tensions se sont relâchées depuis un an, devenant même inférieures à celles observées avant la pandémie, mais l’actualité récente est venue nous rappeler la fragilité des réseaux de production mondialisés dont nous dépendons. Par ailleurs, de nombreuses entreprises canadiennes éprouvent des difficultés à embaucher du personnel qualifié (c’est le cas de près de 90 % des répondants de l’ICC).
Conclusion
Les risques économiques et géopolitiques semblent entretenir une relation plus étroite que jamais. Certains sont liés au cycle économique, et subissent donc les fluctuations inévitables d’une période de reprise, d’autres ont un effet plus profond et durable. Quoi qu’il en soit, les exportateurs canadiens doivent soupeser les risques et les débouchés qui se présentent à eux de façon à garantir le développement de leur activité.
Nous tenons à remercier chaleureusement Ian Tobman, gestionnaire du Centre d’information économique et politique.
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