Dans son plus récent palmarès des Dix principaux risques mondiaux, l’Équipe des services économiques d’EDC a rappelé que le contexte macroéconomique actuel accentue les vulnérabilités liées à la dette pour de nombreux pays en développement.

Certes, la probabilité d’une crise systémique de la dette souveraine demeure faible. La vaste majorité des exportateurs canadiens font affaire avec d’autres sociétés. Toutefois, une vague de défauts souverains dans les marchés émergents de moyenne ou de grande taille aurait des répercussions sur les entreprises canadiennes qui y sont présentes. Par ailleurs, à l’heure où le Canada poursuit ses efforts de diversification de ses exportations dans plusieurs économies à la croissance rapide, il y a fort à parier que la solvabilité des entités souveraines façonnera de manière encore plus déterminante les perspectives du commerce extérieur du Canada.

Dans les économies émergentes, un facteur se démarque : le rôle démesuré des entités parapubliques dans l’économie, qui font souvent office de bailleur de fonds privilégié à l’échelle nationale. À vrai dire, dans de nombreux marchés, il est difficile de distinguer les entités purement privées de celles purement publiques; cette ambiguïté est à l’origine de la création du terme informel mais trompeur d’entité quasi souveraine. Les divers degrés d’intervention de l’État, qui caractérise l’approche plus dirigiste adoptée par certains de ces marchés, mettent en évidence l’influence dominante des finances publiques sur le climat général des affaires. Par exemple, même si on ne fait pas directement affaire avec le gouvernement brésilien, les tensions budgétaires à Brasília viendront souvent limiter la capacité de l’acheteur brésilien de respecter ses obligations ou d’accéder à des devises.

Alors, comment évoluera le risque souverain? Précisons d’abord que ces dernières années la dette publique n’a cessé d’augmenter pour suivre la hausse constante des coûts de santé engendrée par une population vieillissante et sans cesse mieux nantie. Les aides accordées pendant la pandémie, l’augmentation du budget de la défense attribuable à des tensions géopolitiques accrues, l’envolée des prix de l’énergie et des aliments causée par la guerre en Ukraine et la nécessité de s’attaquer à de nouvelles problématiques – comme les changements climatiques – se sont ajoutés à ces tendances structurelles. 

Résultat : la dette publique mondiale a plus que quintuplé depuis le début de la pandémie et a largement dépassé la croissance du produit intérieur brut (PIB) mondial. En 2022, la dette publique mondiale a atteint le sommet inédit de 92 000 milliards de dollars américains. Fait à noter, les pays en développement doivent près de 30 % du total de cette dette, contractée en grande partie par la Chine, l’Inde et le Brésil.

Les perspectives de croissance moroses et le contexte actuel de taux d’intérêt élevés n’ont fait qu’amplifier les tensions financières. En effet, les finances publiques sont de plus en plus mises à mal par la montée des coûts du service de la dette et par une croissance en berne des revenus. Et pour les pays dont les dettes sont libellées en dollars américains, la vigueur du billet vert exerce un poids supplémentaire.

À l’image des particuliers, les gouvernements peuvent s’adapter pendant une année ou deux en puisant dans leurs réserves, en réduisant leurs dépenses ou en souscrivant d’autres prêts. À la troisième année, les options deviennent cependant limitées. Dans notre Analyse trimestrielle des risques pays, nous avons révélé qu’un nombre grandissant de pays commencent à faire face à divers niveaux de surendettement. L’an dernier, plusieurs pays frontière – notamment le Sri Lanka, le Salvador et le Ghana – se sont retrouvés en défaut de paiement. Ce risque s’est accentué dans certaines économies plus grandes comme l’Égypte et le Pakistan. La notation des pays des Services économiques d’EDC rend compte de cette réalité puisqu’elle présente une nette hausse du nombre de pays exposés à un risque élevé de défaut au cours des prochaines années.

Et que font les entités souveraines lorsqu’elles sont confrontées à des difficultés économiques? En règle générale, elles tentent de  restructurer leurs obligations envers les créanciers en demandant une forte diminution de la valeur nominale du prêt ou un prolongement de son échéance. Elles se tournent aussi vers des créanciers publics comme le Fonds monétaire international (FMI), la Banque mondiale et le Club de Paris de créanciers bilatéraux en sollicitant un rééchelonnement de la dette ou tout simplement une remise de dette.

Récemment, ce processus s’est allongé dans le temps en raison du changement de la composition des créanciers. La Chine, qui n’est pas un membre officiel du Club de Paris, est maintenant le principal prêteur souverain aux pays en développement. On le sait, la Chine privilégie une approche qui lui est propre et met de l’avant ses priorités. Les gouvernements font désormais de plus en plus appel aux marchés financiers internationaux pour combler leurs déficits budgétaires, souvent à des conditions beaucoup moins favorables que celles offertes par des créanciers officiels

Conclusion?

Malgré l’intensification du risque de crédit souverain et la complexité des mécanismes à la disposition des pays confrontés au surendettement, nous ne voyons aucune crise de la dette souveraine se profiler à l’horizon. En fait, les économies en développement sont dans une meilleure situation qu’au milieu des années 1990, soit lors de la dernière vague de défauts souverains. En surveillant de près l’évolution des finances publiques, les exportateurs canadiens pourront mieux concilier les risques et les incroyables débouchés qui s’offrent à eux dans les économies du monde affichant une rapide croissance.

Nous tenons à remercier chaleureusement Ian Tobman, gestionnaire du Centre d’information économique et politique.

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