Bienvenue à Singapour. Dans notre dernier Propos économique, je vous ai parlé de la nécessité, pour le Canada, de diversifier ses marchés. Je vous ai aussi expliqué pourquoi le repli de notre économie intérieure et la diminution de nos parts de marché à l’international nous rappellent l’importance de nous implanter sur de nouveaux marchés mondiaux – et notamment sur les marchés en développement d’Asie où le potentiel de croissance dépasse 5 % et même 6 à 7 % dans les économies de la région affichant la croissance la plus rapide.

Qu’est-ce qui alimente cette croissance? Premier élément de réponse : plus de la moitié de la population du globe se trouve en Asie-Pacifique. Cette année, l’Inde éclipsera la Chine en tant que pays le plus populeux de la planète; et cette croissance se maintiendra pendant des décennies en Asie du Sud. La croissance démographique n’est pas garante du succès économique; en soi, elle ne garantit pas que les milliards d’habitants de la région pourront accéder à une meilleure qualité de vie, mieux s’alimenter, acheter des maisons et conduire des véhicules haut de gamme. 

Tout cela devient possible grâce à la hausse du revenu. À cet égard, l’évolution de la structure par âge dans plusieurs pays d’Asie est révélatrice. L’âge médian en Chine s’approche à grands pas de celui de certaines économies développées moins dynamiques ayant une population plus âgée. Le vieillissement de la population en Asie du Sud-Est devrait permettre à davantage de jeunes d’entrer sur le marché du travail. Face à la diminution du nombre d’enfants et de personnes âgées, les ratios de dépendance démographique continueront de chuter, ce qui mettra ces économies dans une situation favorable sur le plan démographique.

La région bénéficie d’un niveau supérieur d’accumulation de la richesse, parce qu’un nombre croissant d’habitants gagnent de l’argent et le conservent. En 1980, le Singapourien moyen gagnait 25 % de moins que son homologue canadien, après l’ajustement au coût de la vie. Le Singapourien moyen gagne aujourd’hui le double de son homologue canadien et, d’ici 2027, il gagnera deux fois et demie son revenu. Ailleurs dans la région, plusieurs pays ont enregistré une croissance du revenu de 6 à 7 % par an au cours des 30 dernières années. En clair, cela veut dire que depuis les années 1990, le niveau de revenu dans de nombreuses économies d’Asie a été multiplié par un facteur de 5 à 8. 

De nos jours, le consommateur américain est considéré comme le moteur de la croissance mondiale. À ce sujet, il est à noter qu’en Asie la classe moyenne a progressé par rapport au début de la pandémie. Cet élan se maintiendra, vu la nette augmentation de la classe moyenne en Inde, au Pakistan et au Bangladesh. D’ici 2030, l’Asie du Sud-Est sera, à l’échelle internationale, à l’origine de 40 % des nouveaux consommateurs issus de la classe moyenne, ce qui équivaut à un milliard. En ajoutant la Chine, la région concentrera plus de la moitié du pouvoir d’achat mondial.

On le sait : les personnes appartenant à la classe moyenne préfèrent les zones urbaines, sont mieux éduquées et ont moins d’enfants; toutes ces considérations jouent sur la manière dont elles dépensent. En ayant une famille moins nombreuse, les parents pourront offrir à leurs enfants une éducation de qualité. Ils investiront davantage dans les soins de santé et la nutrition, dans une alimentation plus riche en protéines, et une bonne partie de la demande proviendra de pays comme l’Indonésie. 


Par ailleurs, de plus en plus de femmes entreront sur le marché du travail, ce qui donnera aux ménages la possibilité d’acheter davantage de biens de consommation personnels et dynamisera la demande en biens durables. Beaucoup de consommateurs de cette région du monde feront ce genre d’achats pour la toute première fois. Les taux de croissance s’annoncent par conséquent nettement plus intéressants que ceux de nos partenaires commerciaux traditionnels.

Le Canada enregistre des taux d’autosuffisance alimentaire parmi les plus élevés du globe. Voilà qui ouvre des débouchés pour les entreprises canadiennes tout le long de la chaîne de valeur de l’agroalimentaire, à savoir : les producteurs d’engrais; les fournisseurs de produits agricoles de base, d’expertise, de technologies agricoles et de produits alimentaires préparés; et même les entreprises canadiennes du commerce de détail et de la distribution du secteur alimentaire.

Et le secteur automobile, me direz-vous? Le Canada a une solide expertise dans cette industrie. Au-delà de la Chine, désormais le premier marché mondial pour l’automobile, se profilent de belles perspectives de croissance à long terme pour des pays comme l’Indonésie, les Philippines et le Vietnam. La raison? La hausse du revenu disponible et de l’urbanisation galvanise la demande en véhicules. Vu sous l’angle de l’innovation technologique, du changement des préférences du consommateur et des tendances de la réglementation, on note un virage vers les technologies pour les véhicules électriques et un renforcement des chaînes d’approvisionnement locales soutenant la filière électrique dans des pays comme l’Inde.

Pour répondre à l’urbanisation accélérée, il faudra construire des routes, des chemins de fer, des installations portuaires et des aéroports – autant d’infrastructures nécessaires à l’essor du commerce. Il faudra aussi construire des logements, améliorer les installations de traitement de l’eau et des eaux usées, de même que moderniser les établissements d’enseignement et de soins de santé pour accroître la productivité. Les villes devront se doter de réseaux de transport collectif et améliorer la gestion des déchets solides pour rehausser le niveau de vie. Toutes ces activités stimuleront la demande pour les technologies propres et celles en lien avec les énergies renouvelables, sans compter qu’elles généreront des occasions dans les infrastructures numériques.

Conclusion?

Il est facile de se laisser accaparer par les fluctuations quotidiennes sur les marchés et le flot incessant de nouvelles au sujet de l’économie mondiale. Malgré tout, il ne faut pas perdre de vue certaines tendances structurelles immuables : celles qui façonneront le monde dans lequel les entreprises canadiennes affronteront la concurrence dans un horizon à long terme. 

Pour adopter une stratégie véritablement transformative, nous tourner vers le passé ne sera pas d’un grand secours. Nous devrons plutôt considérer d’autres éléments : les tendances touchant la démographie, l’accumulation de la richesse, l’urbanisation, les perturbations technologiques; ainsi que la disponibilité de la propriété foncière, de la main-d’œuvre et du capital. Tous ces éléments nous diront là où nous devons concentrer nos efforts et comment nous pouvons aider le Canada à s’imposer comme un concurrent de taille, comme si notre avenir en dépendait. Parce que c’est effectivement le cas.

Nos sincères remerciements à Lili Mei et Nadeem Rizwan, de notre Centre d’information économique et politique, pour leur contribution à la présente édition. 

Les Services économiques d’EDC vous invitent à leur faire part de vos commentaires. Si vous avez des idées de sujets à nous proposer, n’hésitez pas à nous les communiquer à l’adresse economics@edc.ca et nous ferons de notre mieux pour les traiter dans une édition future du Propos.

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