La croissance mondiale reprend

C‘est le message qui ressort des récentes Perspectives économiques mondiales d’EDC publiées cet automne. La prévision de croissance mondiale de 3,6  % pour cette année, et de 3,8 % l’an prochain indique la fin de cette période de reprises et de récessions successives et annonce une nouvelle ère de croissance mondiale généralisée comme on n’en a pas vu au cours de la dernière décennie.

Des marchés en développement comme ceux de l’Inde et de la Chine donnent le ton avec une croissance trois fois supérieure à celle d’économies développées comme les É.-U., qui commence à reprendre de la vigueur avec des taux de croissance de 2,1 % cette année et 2,7 l’année prochaine. De façon générale, les marchés émergents surpasseront largement les pays développés dans l’actuelle période de croissance de l’économie mondiale.

Les perspectives sont bonnes pour le Canada, qui, avec une croissance de 3,1 % cette année, sera en tête des pays développés.

« Les Perspectives économiques mondiales montrent que la base des économies performantes s’élargit, explique Ross Prusakowski, économiste principal à EDC. Pour les exportateurs canadiens, c’est un signe positif puisque la demande mondiale s’accroît et qu’il y a dès lors plus de débouchés pour leurs produits. »

Plusieurs variables doivent être prises en compte lorsqu’on établit des prévisions économiques et il faut notamment étudier plusieurs scénarios. Nous avons demandé à M. Prusakowski de nous parler des enjeux actuels et des indicateurs susceptibles d’avoir un impact sur les perspectives économiques et sur les décisions d’affaires à court terme.

Pour ce qui est de l’économie mondiale actuelle, quel est le message le plus important qui ressort des PEM ?

La base de l’économie mondiale s’élargit et l’expansion continue sur sa lancée. Nous avons constaté des signes de renforcement depuis le début de l’année et nous prévoyons que cet élan se poursuivra pour la prochaine année. Par rapport aux perspectives publiées le printemps dernier, nous avons dû revoir à la hausse les prévisions pour plusieurs économies parce que la croissance économique mondiale s’est poursuivie.

La route vers la reprise de l’économie a été longue. Y a-t-il des signaux particuliers en provenance des É.U. ?

Une capacité excédentaire s’est manifestée lors du boum économique qui a précédé la Grande Récession. Il a fallu une longue période afin de réduire cette capacité excédentaire et les É.-U. ont maintenant atteint le point où la demande sous-jacente commence à exercer une pression sur les entreprises pour qu’elles augmentent leur capacité de production. La forte croissance de l’emploi aux É.-U. se traduit par des augmentations de salaire et nous prévoyons que cela entraînera une augmentation de la demande dans un certain nombre de secteurs comme l’habitation, l’automobile et d’autres secteurs clés. Nous croyons que cette croissance va se poursuivre et qu’à mesure que les entreprises atteindront leur pleine capacité, elles devront soit investir pour accroître davantage leur capacité de production, soit importer pour satisfaire la demande intérieure.

Récemment, plusieurs catastrophes naturelles comme des ouragans ont frappé les Antilles et les É.-U, et un important tremblement de terre a eu lieu au Mexique. Comment ces événements naturels influencent-ils les décisions d’affaires ?

Cela dépend dans une large mesure de la nature de la catastrophe et de la taille du pays qui l’a subie. Dans un grand pays comme les États-Unis, on observera une baisse temporaire de l’économie, puisque ces événements affectent la demande. Mais les effets ne se manifestent généralement pas très longtemps et la demande reprendra relativement rapidement, et les possibilités de croissance également. Les grandes économies démontrent beaucoup de résilience devant les désastres naturels brefs comme des ouragans et des tremblements de terre. Ils touchent des marchés somme toute restreints, que ce soit par la taille de la population ou de l’économie, et les effets peuvent durer un peu plus longtemps.

Dans les petits pays comme c’est le cas dans les Antilles, qui ont été solidement frappées cet automne, les effets sur l’économie locale et sur la base industrielle du pays sont importants. Dès lors, l’impact sur la croissance et la performance de l’économie se fera sentir sur de plus longues périodes. La croissance reviendra, entre autres parce que les infrastructures détruites par un ouragan devront tôt ou tard être reconstruites. Cependant, l’attente pourrait être longue si des infrastructures critiques ont été touchées, réduisant alors la capacité du gouvernement à soutenir la reconstruction.

Dans tous les pays touchés par une catastrophe naturelle, il y a évidemment une phase de reconstruction qui entraînera une forte demande de matériaux de construction, de matériel de technologies des communications et de l’information et d’équipements et fournitures énergétiques. Plusieurs pays auront besoin d’aide extérieure, car ils ne disposent pas des ressources suffisantes.

Dans les perspectives, on parle des risques sur le plan géopolitique. Comment ce risque permanent peut-il affecter les conditions économiques?

Nos prévisions regroupent ce que nous considérons comme la base de référence, c’est-à-dire les événements qui ont plus de 50 % de probabilité de se produire. Cela dit, nous connaissons l’importance du risque politique et nous l’évaluons tout comme les scénarios alternatifs susceptibles de se réaliser.

En fait, l’équipe économique d’EDC prépare un autre rapport qui fait partie de l’Analyse trimestrielle des risques pays, soit la liste des 10 principaux risques susceptibles d’affecter nos prévisions. Dans la plus récente liste, par exemple, nous avons identifié le conflit avec la Corée du Nord ainsi que la paralysie politique qui sévit aux É.-U. Il s’agit là de deux risques importants qui guettent l’économie mondiale.

Mais qui dit risque dit occasions à saisir. C’est là qu’entre en jeu EDC, qui soutient les entreprises et les informe sur l’évolution des marchés et des risques qui y sont associés afin qu’elles prennent les meilleures décisions d’affaires. Il y a même possibilité de mitiger les risques et d’en tirer profit pour les compagnies capables de prendre des risques que d’autres ne peuvent prendre.

La Banque du Canada a récemment augmenté les taux d’intérêt. Que doit-on surveiller dans le secteur bancaire?

Ce que nous voyons, et ce qui ressort de nos PEM, est la normalisation des taux d’intérêt dans des secteurs clés de l’économie mondiale. Aux États-Unis, par exemple, la Réserve fédérale a constamment relevé les taux d’intérêt et réduit son programme de politique monétaire. La Banque du Canada a plutôt haussé le taux d’intérêt en juillet dernier pour la première fois depuis sept ans, puis a annoncé une autre hausse en septembre.

En conséquence, nous verrons des taux d’intérêt changeants et un environnement de crédit comme on n’en a pas vu depuis la Grande Récession. Cela entraînera une augmentation des coûts d’emprunt, ce qui influencera les décisions d’investissement.

En ce qui concerne les taux d’intérêt, l’équipe économique d’EDC estime qu’on assistera à un resserrement graduel, puis un retour tout aussi modeste à un environnement plus normal.

Quels indicateurs ou conditions liés aux politiques fiscales influencent les décisions d’affaires ?

Pour ce qui est des politiques fiscales, nous nous attendons à ce qu’elles soient conformes à ce à quoi la plupart des gouvernements nous ont habitués au cours des dernières années. À quelques exceptions près, nous ne prévoyons pas la mise en œuvre de politiques d’austérité ni de programmes pour stimuler l’économie.

La seule véritable exception est la situation en Chine, qui tente de faire la transition entre une économie stimulée par les exportations à une économie stimulée par la consommation. Pour gérer cette transition et aider l’économie, le gouvernement chinois a mis en œuvre des programmes de stimulation et de soutien aux dettes.

Quel conseil donneriez-vous aujourd’hui aux entreprises ?

Si la situation mondiale actuelle est très volatile, que ce soit en raison des désastres naturels, des risques politiques, de l’incertitude ou de l’augmentation des taux d’intérêt, il y a également de nombreuses occasions à saisir. La croissance mondiale solide et généralisée que nous prévoyons entraînera une forte demande provenant du monde entier pour ceux qui seront capables de bien gérer les risques.