Le président Trump a évoqué la possibilité d’apporter des « modifications mineures » à l’ALENA et à d’autres accords commerciaux. Mais de tels changements aideraient-ils vraiment le secteur automobile américain à passer à la vitesse supérieure, ou le conduiraient-il plutôt vers une pente glissante avec à la clé des hausses de prix, des pertes d’emplois et des fabricants mécontents?

Tout comme les échanges mondiaux, la réponse à cette question est complexe. Avec la chaîne d’approvisionnement mondiale actuelle, des pièces parcourent parfois des milliers de kilomètres et traversent plusieurs frontières avant d’être assemblées en un produit fini, vendu aux consommateurs à un prix abordable.

Cette intégration caractérise aussi particulièrement la relation de longue date entre les secteurs automobiles américain et canadien.

En moyenne, près de la moitié des pièces d’un véhicule automobile construit au Canada et ensuite expédié aux États‐Unis sont de fabrication américaine. Ainsi, chaque fois qu’un Américain achète un véhicule automobile canadien, il fait rouler l’économie des États‐Unis et stimule l’emploi dans son pays.

Canada et ensuite expédié aux États‐Unis sont de fabrication américaine

La même constatation s’applique aux composants automobiles canadiens expédiés aux États‐Unis, qui ont une teneur américaine moyenne de 28 %.

Teneur américaine des exportations canadiennes aux États‐Unis (%)

Teneur américaine des exportations canadiennes aux États‐Unis (%)

 

 

États‐Unis – Commerce des pièces automobile

En réalité, par rapport à d’autres, les chaînes d’approvisionnement du secteur comptent parmi les plus intégrées entre le Canada et les États‐Unis. C’est pourquoi nombre d’analystes estiment qu’il serait avantageux pour nos deux pays de s’en tenir aux accords en vigueur.

États‐Unis – Commerce des pièces automobile* – Principaux partenaires commerciaux en 2016

(Montants en M USD)

Partenaire commercial Exportations Importations
Australie 692.9 170.0
Brésil 836.5 489.1
Canada 20,977.0 13,775.5
Chine 2,394.0 13,129.4
France 256.6 680.5
Allemange 891.6 7,874.5
Inde 171.9 1,036.9
Japon 965.2 12,047.9
Mexique 19,812.3 46,038.6
Corée du Sud 725.3 6,456.8
Taïwan 64.5 2,363.4
Thaïlande 425.6 928.2
Royaume-Unis 1,159.5 1,324.6
Tous les autres pays 5,504.4 8,482.7
Total (tous les pays) 54 877,4 114 798,1

 

* Pièces automobiles des sous-secteurs suivants du SCIAN

33631 : Moteurs et pièces de moteurs à essence pour véhicules automobiles

33632 : Matériel électrique et électronique pour véhicules automobiles

33633 : Composants de direction et de suspension pour véhicules automobiles

33634 : Systèmes de freinage pour véhicules automobiles

33635 : Pièces de transmission et de groupe motopropulseur pour véhicules automobiles

33636 : Sièges et enjolivures intérieures pour véhicules automobiles

33637 : Emboutissage de pièces en métal pour véhicules automobiles

33639 : Autres pièces pour véhicules automobiles

Sources : Services économiques d’EDC et Census Bureau des États‐Unis

Attendez-vous à une accélération de la demande

Et bien sûr, il n’est jamais conseillé de se mettre à bricoler sur un moteur économique quand il tourne à plein régime. Or, la demande pour les véhicules automobiles est probablement en train de mettre les gaz.

« D’autres secteurs de l’économie américaine tournent encore peut-être au ralenti sept ans après la crise, mais celui de l’automobile a déjà retrouvé sa vigueur d’avant la récession », souligne Peter Hall, vice-président et économiste en chef à Exportation et développement Canada (EDC).

Tout d’abord, la demande du marché américain s’élève déjà à 18 millions de véhicules légers par année.

De plus, avec la longue récession, de nombreux Américains ont reporté l’achat d’une nouvelle voiture. La moyenne d’âge du parc automobile américain est actuellement de 11 ans; les acheteurs n’attendront pas bien longtemps avant de remplacer leur véhicule. La demande pour les nouvelles voitures devrait donc rester stable ou augmenter, du moins au cours des années à venir.

32 % de jeunes adultes (18-34 ans) habitant chez leurs parents.

Il y a ensuite l’effet que la génération Y aura bientôt sur l’économie. Aux États‐Unis, près du tiers des jeunes adultes, soit environ 25 millions de personnes, vivent encore chez leurs parents. Quand l’économie américaine passera à la vitesse supérieure, des emplois seront créés et les salaires augmenteront. Il y a fort à parier que ces jeunes décideront alors de quitter le nid familial et de dépenser plus, ce qui dynamisera l’économie et stimulera la demande en véhicules.

L’utilisation de la capacité, c’est la proportion de la capacité de production d’une usine, d’une entreprise ou d’un pays utilisée pour générer des biens et services. Les fabricants américains appuient déjà à fond sur l’accélérateur : ils ont atteint 85 % d’utilisation de la capacité en décembre 2016, un niveau pratiquement inédit. Ils auront donc vraiment besoin de leurs homologues canadiens pour répondre à la demande accrue. Les ventes d’automobiles canadiennes aux États‐Unis ont atteint 84 milliards de dollars en 2016, un sommet inégalé depuis 2002.

Essor des exportations canadiennes d’automobiles aux États-Unis (en CAD)

Growth in Canadian Automotive Exports to the U.S. (in $CAN)

Utilisation de la capacité

Automaker Capacity Utilization

Des chaînes d’approvisionnement diversifiées : un virage dans la bonne direction

Finie l’époque où les fabricants d’automobiles assuraient toutes les étapes de la production à un seul endroit. Pour allier qualité optimale et moindre coût, ils établissent aujourd’hui des chaînes d’approvisionnement complexes qui passent par de nombreux pays.

Les équipementiers et les fournisseurs du secteur automobile ont investi des milliards de dollars des deux côtés de la frontière pour mettre en place des chaînes d’approvisionnement hautement spécialisées et étroitement liées. Celles-ci sont trop intégrées pour qu’on puisse facilement les démanteler sans que l’industrie en souffre.

Sign 1

 

Les entreprises ont mis beaucoup de temps à mettre au point des systèmes de logistique et de gestion des stocks réglés au quart de tour; les remplacer demanderait des années de travail.

Sign 2

 

En misant uniquement sur la production américaine, le secteur automobile des États‐Unis ferait augmenter ses coûts, ce qui le rendrait moins concurrentiel, décevrait ses clients et actionnaires et réjouirait ses concurrents.

Sign 3

 

Aux États‐Unis, environ 637 000 emplois dépendent, directement ou non, du secteur automobile.

La taxe sur les importations serait un net frein sur les ventes

Par ailleurs, une taxe de 20 % sur les importations (pourcentage le plus souvent cité en exemple) risquerait d’entraîner une hausse des prix assez conséquente pour que beaucoup de consommateurs américains soient contraints de renoncer à l’achat d’un véhicule.

Nombre d’acheteurs frôlent déjà la limite de leurs ressources; les concessionnaires ont de plus en plus souvent recours à des prêts étalés sur sept, voire huit ans, pour que les mensualités rentrent dans le budget de leurs clients.

Nick Bunkley

Dans son article « Tax threat heightens concern about affordability » (en anglais seulement), publié par Automotive News Canada, Nick Bunkley affirme que les ventes « les plus durement touchées seraient celles de modèles d’entrée de gamme, des véhicules sur lesquels les fabricants comptent pour attirer de nouveaux clients, mais qu’ils ne pourraient pas produire de façon rentable aux États‐Unis ».

« Nombre d’acheteurs frôlent déjà la limite de leurs ressources; les concessionnaires ont de plus en plus souvent recours à des prêts étalés sur sept, voire huit ans, pour que les mensualités rentrent dans le budget de leurs clients. Le revenu médian des ménages américains a reculé de 1 % entre 2005 et 2015 (dernière année pour laquelle des données de recensement sont disponibles), alors que le prix moyen pour l’achat d’un véhicule neuf a grimpé de 21 % durant la même période », souligne l’auteur dans le même article.

Des prix qui iraient à la hausse

Un ajustement fiscal à la frontière se traduirait par une hausse moyenne des prix de plusieurs milliers de dollars.

Hausse moyenne du prix d’un véhicule nécessaire pour compenser un ajustement fiscal à la frontière

Tesla $0
Ford $282
General Motors $995
Honda $1,312
Fiat Chrylser $1,672
Nissan $2,298
Toyota $2,651
Hyundai/Kia $2,704
Subaru $3,656
BMW $3,725
Mercedes $4,211
Mazda $5,156
Mitsubishi $5,938
Volkswagen $6,779
Geely (Volvo) $7,643
Tata (Jaguar Land Rover) $17,204

Source: Baum & Associates