Malgré l’incertitude entourant l’effet des changements à l’ALENA, le secteur automobile canadien – le plus intégré en Amérique du Nord – se dirige vers une transformation numérique qui génère de nouveaux débouchés pour les jeunes entreprises technologiques du pays. Bref, le secteur se prépare pour l’avenir.
Le Canada est particulièrement bien placé pour devenir le chef de file de la conception, du développement et de la production des voitures de l’avenir
« Je suis fier de voir des entreprises canadiennes montrer leur leadership dans le développement de technologies de pointe qui façonnent l’avenir du secteur automobile. La force du pays en matière d’innovation permettra aux Canadiens d’acquérir les compétences nécessaires pour occuper les emplois de qualité d’aujourd’hui et de demain », a déclaré Navdeep Bains, ministre de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique, lors du Salon international nord-américain de l’auto en janvier dernier. « Le Canada est particulièrement bien placé pour devenir le chef de file de la conception, du développement et de la production des voitures de l’avenir. »
Ces voitures, plus légères et plus écoénergétiques, sont d’ailleurs bien souvent électriques, branchées et autonomes.
« On assiste à une fusion entre le secteur des technologies de l’information et des communications et celui de l’automobile », explique Christian Bertrand, expert du secteur automobile à EDC. « Les entreprises technologiques commencent à voir le potentiel du secteur automobile. »
Qu’est-ce qui motive cet intérêt? Les objectifs ambitieux en matière de pollution fixés par l’ancien président américain Obama et la demande de connectivité des clients.
Selon Stephen Carlisle, président et directeur général de GM Canada, ces facteurs alimentent la révolution technologique dans le secteur automobile.
« Il y a dix ans, les grandes avancées étaient centrées sur ce qui se trouvait dans l’habitacle et sous le capot des voitures. L’innovation s’étend désormais bien au-delà de la voiture grâce à la connectivité mobile et à la transformation du modèle d’affaires », a-t-il souligné dans un article d’opinion publié en 2016 dans la Montreal Gazette. « Nous envisageons l’avenir de l’automobile comme étant électrique, connecté, autonome et faisant partie intégrante de l’économie du partage. »
Un certain nombre d’entreprises canadiennes mènent le jeu en matière d’innovation dans le secteur automobile moderne. Selon M. Bertrand, elles se trouvent partout au pays – notamment en Colombie-Britannique, en Ontario et au Québec.
La tendance s’observe très clairement dans la Silicon Valley du Nord, par exemple à Waterloo, berceau de BlackBerry et de sa division de logiciels automobiles QNX. L’ancien géant de la téléphonie intelligente s’efforce de réinventer l’expérience de conduite avec son système d’exploitation QNX. En janvier, l’entreprise a ainsi dévoilé un nouveau système automobile qui pourrait, selon elle, multiplier par dix sa présence dans le secteur.
En ce moment, le système d’« info-divertissement » QNX se retrouve dans plus de 60 millions de véhicules dans le monde. BlackBerry a aussi récemment annoncé la construction d’un centre de recherche et de développement à Ottawa, lequel se concentrera sur la conduite autonome.
Personne ne sait mieux que Sankar Das Gupta, chef de la direction d’Electrovaya, à quel point la fusion entre les secteurs technologique et automobile s’opère rapidement.
L’avenir tourne autour du stockage d’énergie et de la mobilité électrique, alors l’entreprise qui remportera la course à la batterie deviendra la prochaine grande entreprise technologique mondiale.
L’entreprise établie à Mississauga, qui fabrique des batteries au lithium-ion, est devenue un acteur mondial au début de 2016 avec l’achat de la plus grande usine du genre de l’Union européenne : Litarion, construite par des géants mondiaux de la chimie et de l’automobile, respectivement Evonik et Daimler. L’usine a fourni à Daimler environ 20 000 batteries pour ses voitures électriques Smart.
Daimler a décidé de fermer l’usine de 150 000 pi2 située près de Dresde, en Allemagne, en raison de la réglementation environnementale stricte et de la concurrence à bas prix du marché asiatique. Cependant, la fusion des deux entreprises et le mariage subséquent de leurs technologies ont permis à Electrovaya de devenir une force mondiale du secteur.
« L’avenir tourne autour du stockage d’énergie et de la mobilité électrique, alors l’entreprise qui remportera la course à la batterie deviendra la prochaine grande entreprise technologique mondiale », soutient M. Das Gupta. « Mon objectif, c’est que ce soit Electrovaya, une entreprise canadienne. »
L’organisation québécoise Phantom Intelligence, qui met de l’avant les capteurs laser comme moyen d’éviter les accidents, compte aussi parmi les entreprises technologiques canadiennes qui percent le secteur automobile.
Phantom Intelligence a d’abord obtenu un contrat de services-conseils pour la conduite assistée auprès d’un fabricant automobile coréen de niveau 1.
« Pendant ce contrat de deux ans, nous avons étudié beaucoup de technologies existantes et constaté que la technologie laser n’était pas assez utilisée », indique Jean-Yves Deschenes, cofondateur de Phantom Intelligence. « Nous avons décidé d’exploiter ce créneau, où les systèmes laser peuvent être offerts à des prix très abordables. C’est sur cette prémisse que nous avons lancé notre entreprise. »
Des histoires comme celle-là, M. Bertrand s’en inspire pour l’avenir.
« Je suis motivé par le nombre d’entreprises que je vois faire de la promotion directement auprès des équipementiers automobiles, souligne-t-il. Selon moi, nous possédons les technologies nécessaires pour participer au développement des véhicules autonomes légers et branchés. »
M. Carlisle abonde dans le même sens.
« Nous croyons que le Canada dispose du talent et des ressources universitaires en recherche et développement pour être aux premières loges de l’évolution des technologies automobiles, à l’heure où le secteur est en pleine mutation. »