« Les États‑Unis tombent en ruine », affirmait Keith Kohl, journaliste financier et auteur, dans un billet de blogue à la mi-février. « Et le pire, c’est que cela se déroule juste sous nos yeux. »

Beaucoup de villes américaines doivent actuellement s’attaquer à de coûteux besoins : réparation de ponts, rénovation d’installations de traitement des eaux usées, amélioration d’autoroutes et de barrages… une urgence devenue évidente le mois dernier, quand de fortes pluies ont endommagé le barrage d’Oroville, en Californie, forçant l’évacuation de plus de 188 000 personnes.

Les États‑Unis ne peuvent pas se permettre d’être modérés lorsqu’ils se penchent sur leur problème d’infrastructure. Le pays élabore donc d’urgence un plan d’action, qui donne beaucoup d’importance aux partenariats public-privé (PPP).

« Les facteurs nécessaires à la création d’un marché à nouveau vigoureux et durable pour les PPP commencent à se mettre en place. Une infrastructure endommagée, des lacunes budgétaires importantes et une volonté grandissante parmi les élus ont créé un marché émergent pour les PPP aux États‑Unis », souligne l’auteur Dan McNichol dans le rapport intitulé The United States: The World’s Largest Emerging P3 Market. Selon lui, comme les collectivités sont aux prises avec des problèmes financiers, les PPP deviennent un bon choix pour réaliser les projets d’immobilisations publics, surtout les travaux complexes ou d’envergure du domaine des transports.

Le Canada : un modèle mondial en PPP

Y a-t-il des débouchés pour les petites entreprises?

Vu l’envergure et la complexité de nombreux projets de PPP, les grandes entreprises sont souvent celles qui possèdent les ressources nécessaires pour saisir les occasions qui se présentent. À cela s’ajoute le fait que l’infrastructure est une question délicate sur le plan national, surtout aux États‑Unis. Cette réalité complique les choses pour les entreprises canadiennes désireuses de participer aux projets d’infrastructure américains.

Toutefois, comme le souligne Peter Hall, vice-président et économiste en chef à EDC, la présente situation du secteur industriel aux États‑Unis est unique et porteuse de possibilités.

« La capacité industrielle américaine est actuellement près de sa limite, et devrait le demeurer pendant un certain temps, dit-il. Cela donne aux entreprises canadiennes l’occasion “d’aider” en apportant une capacité dont l’économie a cruellement besoin. »

Cela crée une conjoncture favorable pour les entreprises, même les plus petites.

Le Conseil canadien pour les partenariats public-privé affirme que les sociétés ne possèdent pas toutes les qualifications, l’expérience et les capacités financières requises pour assumer le rôle principal dans les projets de PPP, mais il ne croit pas que les petites entreprises en soient nécessairement exclues.

« Peu importe qui dirige le consortium, les projets de PPP donnent du travail à beaucoup d’entreprises canadiennes, surtout en sous-traitance », peut-on lire dans le site Web du Conseil.

Le développement des chaînes d’approvisionnement devient ainsi d’autant plus important. Le vice-président des programmes régionaux de GE Canada expliquait l’an dernier, dans un article du magazine d’EDC Exportateurs avertis, que l’établissement de partenariats avec des PME est avantageux pour toutes les parties concernées.

« Nous voulons créer des situations gagnantes pour tous. Nous pouvons aider ces PME à accélérer leur croissance en les plaçant sur  notre chaîne d’approvisionnement, ce qui leur donne accès à de nouveaux marchés et à de nouveaux clients », soulignait-il.

S’agit-il de « Buy America » 2.0?

Tous les yeux seront rivés sur le texte du nouveau projet de loi concernant l’infrastructure à sa parution, et nombre d’entreprises canadiennes espéreront que l’histoire ne se répète pas.

En effet, dans un effort de relance économique à la suite de la Grande Récession, les États‑Unis ont adopté l’American Recovery and Reinvestment Act en 2009, qui injectait 831 milliards de dollars dans de nombreux projets d’infrastructure.

Ce qui semblait de bon augure pour les entreprises canadiennes s’est transformé en un cauchemar protectionniste pour certaines d’entre elles. Une petite partie de cette loi, la clause « Buy America », a tué de nombreux débouchés dans l’œuf.

Personne ne le sait mieux que Veso Sobot, d’IPEX Inc. En 2009, lors de travaux dans une base militaire de Californie, un inspecteur a remarqué l’inscription « Fabriqué au Canada » sur les tuyaux. À peine quelques jours plus tard, on enlevait la tuyauterie et le projet de construction était retardé.

« Pour nous, c’était vraiment un coup dur », raconte M. Sobot, directeur des affaires générales à IPEX. « Nous avons perdu des clients, 800 personnes ont été privées de travail et nous avons mis au moins un an à nous en remettre. »

Les temps ont changé

IPEX compte maintenant sept usines aux États‑Unis et a bien des projets d’infrastructure là-bas à son actif, dont la fourniture de la tuyauterie du Trump Hotel à Washington. L’entreprise est optimiste quant aux futurs débouchés. M. Sobot croit d’ailleurs que de nouvelles occasions pour IPEX signifient de nombreuses possibilités pour d’autres entreprises canadiennes, compte tenu de « l’incroyable effet multiplicateur ».

« Nous misons beaucoup sur les États‑Unis en 2017 malgré l’éventualité d’une clause “Buy America”, affirme M. Sobot. Nous avons augmenté nos objectifs sur ce marché d’environ 10 %. »

Néanmoins, si « Buy America » était de retour, IPEX est prête.

« Nous l’avons déjà vécu, alors nous sommes préparés, ajoute M. Sobot. Nous ne serons pas pris par surprise comme en 2009. »

Reste à voir si le sentiment protectionniste qui avait primé il y a dix ans teintera le projet de loi du nouveau gouvernement. De toute manière, avec une planification adéquate, les entreprises canadiennes devraient pouvoir saisir ces occasions adaptées au savoir-faire, aux services et aux innovations qu’elles ont développés au fil des partenariats public-privé.