Aucun doute : l’infrastructure aux États‑Unis est actuellement porteuse d’énormes débouchés. Mais comment les entreprises canadiennes peuvent-elles en profiter? D’abord, le Canada est un leader mondial en matière de partenariats public-privé (PPP), et les États‑Unis ont récemment commencé à adopter ce modèle pour leurs contrats d’infrastructure.

En fait, Mike Marasco, chef de la direction de Plenary Concessions au sein du Plenary Group au Canada, affirme que le modèle canadien a été repris partout dans le monde, y compris aux États‑Unis. 

Comme ils gagnent en popularité au sud de la frontière, les PPP recèlent de grandes possibilités, et nos entreprises sont bien placées pour miser sur la belle réputation du Canada.

Processus d’appel d’offres et gros moyens

Toutefois, soumissionner à des contrats en PPP, ce n’est pas donné, souligne M. Marasco. À l’issue de la qualification, trois entreprises sur cinq ou six sont habituellement retenues et doivent présenter une demande de proposition (DP).

À cette étape, il s’agit essentiellement de concevoir le projet selon les devis, ajoute-t-il, et c’est là que les coûts deviennent élevés. Le processus dure généralement entre 12 et 18 mois, mais il peut aussi prendre des années.

Le Vantage Airport Group a construit des aéroports aux quatre coins du monde et consacre « plusieurs millions de dollars » à des soumissions chaque année, affirme Marie‑Liesse Marc, vice-présidente des acquisitions et de la gestion des actifs. L’entreprise dirigeait récemment le consortium qui a décroché un contrat de 4 milliards de dollars pour réaménager le terminal central B de l’aéroport LaGuardia, à New York. Vantage assure actuellement la supervision des travaux de construction et la gestion des activités du terminal.

« Un projet en PPP comporte toujours un problème à résoudre, et il s’agit d’élaborer une solution globale à long terme, explique Mme Marc. La sélection ne se fait pas au hasard. Il faut pouvoir compter sur la bonne équipe, avec l’expertise et les ressources appropriées pour l’emporter. »

Les PME peuvent participer

Si elles veulent profiter de ces débouchés, les PME gagnent à s’associer à un joueur plus important, comme un entrepreneur en ingénierie, approvisionnement et construction (IAC), souligne Adam Twarog, directeur régional à EDC.

Si M. Marasco est d’accord, il ajoute que cela peut s’avérer difficile, car « contrairement aux Canadiens, les Américains sont très à cheval sur le recours au talent local ». Les entreprises les mieux placées pour profiter de la conjoncture sont celles du domaine de l’architecture et de l’ingénierie. « Certaines sociétés ont réussi à exporter leur talent aux États‑Unis, mais il s’agit là de transactions importantes et risquées, et la plupart des PME n’ont ni les reins assez solides, ni la disposition à l’égard du risque nécessaire pour tenter leur chance », affirme-t-il.

Dans le passé, lorsque nous avons eu besoin d’une expertise précise, nous avons fait appel à des partenaires canadiens, et même à des PME. Nous travaillons aussi toujours avec des partenaires locaux. C’est une question d’équilibre : il est possible d’avoir des partenaires de part et d’autre de la frontière.

Marie-Liesse Marc  —  vice-présidente des acquisitions et de la gestion des actifsVantage Airport Group

Mme Marc s’empresse d’ajouter que cela s’est tout de même déjà vu.

« Dans le passé, lorsque nous avons eu besoin d’une expertise précise, nous avons fait appel à des partenaires canadiens, et même à des PME, souligne-t-elle. Nous travaillons aussi toujours avec des partenaires locaux. C’est une question d’équilibre : il est possible d’avoir des partenaires de part et d’autre de la frontière. »

Par exemple, pour son projet à l’aéroport LaGuardia, Vantage a collaboré avec la firme d’ingénierie et de design Stantec et le cabinet d’avocats McCarthy Tétrault – deux entreprises canadiennes avec lesquelles elle avait fait affaire auparavant –, et avec L Patrick Consulting, petite société de conseil canadienne spécialisée dans les questions d’environnement et de durabilité en contexte aéroportuaire.

Les grands avantages des PPP

« Les PPP se déclinent en divers modèles qui permettent au fil du temps d’attribuer les différents types de risque aux bons acteurs, explique M. Twarog. Constitués de cette manière, les PPP deviennent plus attrayants pour le secteur privé, ce qui encourage les entreprises à participer et à utiliser leur créativité et leur savoir-faire pour offrir la meilleure valeur. »

Il ajoute que les modèles de PPP visent aussi à répartir les risques, les avantages et les responsabilités entre les entités privées et publiques.

Les PPP garantissent aussi le respect des échéanciers et du budget.

« Lorsqu’une entente est signée, les parties empruntent des fonds, dont le remboursement doit commencer à une date établie selon le modèle. Cette dernière correspond au moment où le gouvernement doit aussi commencer à payer, moment déterminé en fonction de la fin des travaux, explique M. Marasco. Ainsi, chaque jour de retard peut représenter une petite fortune. Prenons le Humber River Hospital, un projet d’un milliard de dollars; chaque journée de retard aurait pu nous coûter 300 000 $. Ce risque garantissait l’exécution du contrat. »

Par ailleurs, il s’agit souvent d’énormes projets : beaucoup durent plus longtemps que toute la carrière d’une personne. Par exemple, aux États‑Unis, ils s’échelonnent généralement sur 40 ans, affirme-t-il.

Les PPP sont également des transactions complexes, les projets occasionnant typiquement des coûts de plus de 100 millions de dollars.

L’autre difficulté, selon Mme Marc, réside dans la possibilité qu’une entreprise dépense des millions dans la préparation d’une soumission pour ensuite s’incliner devant un concurrent. « Compte tenu de l’importance de l’investissement, nous sélectionnons nos équipes très soigneusement, et sommes très compétitifs quand nous cherchons à obtenir un contrat », précise-t-elle.

Les détails, et par où commencer

Certains sites Web, comme InfraPPP, dressent la liste des projets d’infrastructure à l’échelle mondiale et indiquent leur état. Les gouvernements, aux paliers fédéral, étatique et municipal, diffusent aussi la liste des DP ouvertes. Toutefois, les entreprises doivent tenter d’être au courant avant que l’information soit diffusée largement. C’est pourquoi une présence sur le terrain est précieuse, croit Flora Livesey, conseillère sectorielle pour l’infrastructure et l’énergie à EDC.

« Les entreprises canadiennes devraient se renseigner auprès du Service des délégués commerciaux au sujet de futurs projets, et bien sûr, tirer parti des connaissances d’EDC sur la région en question », affirme Mme Livesey.

Pour sa part, Mme Marc conseille aux PME désireuses de participer aux projets de cerner leurs principales forces et ce qui les distingue de la concurrence, puis de se servir de ces arguments pour approcher les grandes entreprises à la recherche de compétences particulières.

Le risque politique : une source d’inquiétude

Selon M. Marasco, le risque le plus important qui guette les entreprises présentes aux États‑Unis est le risque politique.

« Je pense à une situation en particulier. C’était à Indianapolis, et nous avions mis en place un PPP semblable à ceux que nous avons au Canada pour la construction d’un nouvel édifice pour le département de la justice, raconte M. Marasco. Nous avions perdu le contrat, mais le soumissionnaire choisi l’a ensuite perdu à son tour parce que le conseil municipal s’est opposé au projet en entier. Nous étions plusieurs entreprises à avoir dépensé des millions de dollars pour préparer nos soumissions, et les politiciens ont tout fait avorter. »

L’importance d’être sur le terrain

Avec des bureaux partout aux États‑Unis et 22 employés, le Plenary Group est un vétéran des PPP. Le fait d’avoir pignon sur rue à Denver lui permet d’être considéré comme un joueur sérieux sur le marché du Colorado.

« Est-ce nécessaire? Probablement pas, dit M. Marasco. Mais cette présence locale a-t-elle aidé l’entreprise à décrocher des contrats? Oui, sans l’ombre d’un doute. »

Mme Marc est bien d’accord, affirmant que l’essentiel est de rencontrer les clients en personne, peu importe qu’une entreprise possède ou non des bureaux dans la ville où elle soumissionne.

Soyez à l’affût des débouchés

En conclusion, les PME canadiennes devraient surveiller les PPP et les projets d’infrastructure qui seront annoncés dans les mois et les années à venir. Pour se tenir au courant, il est bon de garder le contact avec ses relations aux États‑Unis et de miser sur les ressources accessibles, celles du Service des délégués commerciaux, par exemple.

Cinq choses que les PME doivent savoir sur les PPP

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Ce qu’ils sont : Un partenariat public-privé est généralement un contrat à long terme par lequel des entités des secteurs privé et public s’engagent à construire et à entretenir ce que précise l’entente. Il s’agit habituellement d’infrastructure.

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Le débouché : Les États‑Unis ont un déficit d’infrastructures de 3,3 billions de dollars. Les projets ne seront pas tous réalisés en PPP, mais à mesure que le modèle s’implantera aux États‑Unis, une grande partie le sera.

Big bucks bidding

Grandes soumissions, gros sous : Le seul fait de présenter une soumission pour ce type de transaction coûte souvent des millions de dollars : lors du processus de demandes de proposition, une entreprise doit typiquement réaliser environ 30 % de la conception avant même de décrocher le contrat.

How SMEs can score

Comment les PME peuvent participer : Les PME devraient s’associer à de grandes entreprises qui cherchent leur expertise et ont des moyens suffisants pour décrocher les contrats. Elles doivent savoir ce qui les distingue de la concurrence – leur proposition de valeur – et pouvoir en convaincre les gros joueurs.

Ear to the ground

Rester à l’écoute : L’essentiel, c’est de savoir quand un PPP se prépare. Pour ce faire, vous pouvez consulter des sites Web comme http://www.infrapppworld.com ou encore ceux des gouvernements des paliers municipal, étatique et fédéral.