Vous rappelez-vous cette époque où l’on croyait connaître ce qu’on appelait le changement?

Il y a quatre mois, nous ne prenions pas encore la pleine mesure de la crise qui nous attendait (on parlait encore du coronavirus, pas de « la COVID-19 »). À ce moment, nous pensions bien connaître le changement. En affaires, le mot revenait souvent; nous parlions de « prévoir les tendances » et de « planifier pour la croissance à long terme ». Nous aimions répéter : « le changement est la nouvelle normalité » et « la seule constante, c’est le changement ». Le phénomène faisait partie de notre quotidien, mais nous en avions évacué l’aspect spectaculaire.

Les hauts dirigeants et les entrepreneurs du monde entier vous auraient dit que « prévoir le changement » et y préparer leur entreprise étaient au cœur de leur rôle.

Je pense qu’on peut se l’avouer : personne n’était prêt pour ce type de changement. Pas même moi, qui fais pourtant partie de ces leaders fiers de leur capacité à anticiper le changement, à s’y préparer et à s’y adapter. La première année de mon mandat comme présidente et chef de la direction, je l’ai passée à provoquer moi-même des changements dans la Société : j’ai tenté d’accroître son influence, de la rendre plus agile et de la préparer à l’avenir.

Puis, l’avenir est arrivé.

Nul besoin de dresser la liste des dommages humains et économiques causés par la COVID-19. En juin, lors d’une réunion des parties prenantes de l’industrie, j’ai entendu toute une gamme de comptes rendus de première main. Tout le monde a ressenti le contrecoup de la pandémie. Pour certains, la chute a été brutale, et la pente sera longue et difficile à remonter. Pour d’autres, la crise a été moins grave. Certains secteurs, comme l’agriculture, la construction et l’exploitation minière, semblent avoir été moins touchés que d’autres : avec quelques ajustements, ils ont pu poursuivre leurs activités, presque comme avant.

Certaines entreprises sont parvenues à briller, ayant trouvé le moyen de répondre à ce changement sans précédent… en se transformant elles-mêmes. Mondetta Canada, entreprise winnipegoise qui dessine et fabrique des vêtements de sport, est devenue un grand fournisseur d’uniformes médicaux essentiels. Et Stanfield’s, un manufacturier de sous-vêtements créé avant le Canada, s’est transformé en fabricant d’équipement de protection individuelle. Ces entreprises, et d’autres comme elles, ont su se réinventer pendant la crise, pour leur propre survie et pour un besoin plus grand que le leur : la protection des travailleurs de première ligne et la santé de tous. Elles ont de quoi être fières.

EDC a dû se réorienter elle aussi. Du jour au lendemain, littéralement, tous nos effectifs ont quitté le siège social d’Ottawa et les bureaux du monde entier pour apprendre à travailler depuis la maison, physiquement loin de leur équipe, mais toujours efficaces. Nous avons trouvé de nouvelles façons de fournir nos programmes et services. Avec nos partenaires publics et privés, nous avons même commencé à offrir des programmes et des services qui n’existaient pas il y a trois mois.

Ce ne sont toutefois pas toutes les entreprises qui peuvent s’adapter comme l’ont fait Stanfield’s, Mondetta et EDC. Certaines auront besoin d’aide sous d’autres formes, de nouvelles idées et de créativité. Elles auront aussi besoin de soutien pour obtenir le capital et les investissements nécessaires à la concrétisation de ces idées.

Au moment d’écrire ces lignes, chez moi, je vois des signes encourageants dans les nouvelles. À bien des endroits au Canada, la courbe n’est pas seulement aplatie, elle est sur son déclin. De plus en plus d’entreprises rouvrent leurs portes. Elles le font lentement et prudemment, certes, mais elles ouvrent – c’est l’important. D’un autre côté, on voit aussi les effets d’un déconfinement trop rapide : de petites éclosions se produisent dans des pays où la fameuse courbe avait pourtant disparu.

Nous suivons quotidiennement le nombre de cas dans le monde – un peu plus de 10 millions actuellement –, mais nous tournons aussi notre regard vers la reprise. Il ne fait aucun doute qu’au moment où elle se produira, le monde aura changé. Certaines entreprises auront disparu, et certains secteurs se seront transformés pour de bon. Je crois que personne ne saurait dire à quoi ressemblera ce nouveau monde.

Ce que nous savons, toutefois, c’est que nous devrons tous nous habituer à un nouveau type de changements, les changements perturbateurs, et faire preuve de la souplesse et de la résilience nécessaires pour nous adapter. Je peux vous répéter ce que j’ai dit aux représentants de l’industrie lors de notre rencontre au début de juin : EDC s’estime heureuse de faire partie des organismes bien placés pour répondre aux changements incroyables qui ébranlent notre monde.

Nous nous sentons privilégiés, et nous sommes prêts à faire ce qu’il faut pour aider les entreprises qui ont besoin de nous; c’est ce qu’EDC a toujours fait, mais notre travail ne nous a jamais semblé aussi important que maintenant, au cœur de ces bouleversements extraordinaires.