L’invasion récente de l’Ukraine par la Russie est un événement potentiellement transformateur qui a mis en évidence une évolution du système mondial. L’augmentation des tensions géopolitiques au sein même de l’Europe a des répercussions planétaires : elle fait flamber le cours des matières premières, perturbe l’activité économique et financière, et menace la sécurité. Alors que l’Occident impose des sanctions pour rompre les liens toujours présents entre la Russie et l’économie mondiale, on peut se demander quelle nouvelle structure sera mise en place.

Même si on ne sait pas encore comment évoluera cette nouvelle structure, il est intéressant d’analyser ses possibles impacts advenant l’émergence de nouveaux centres du pouvoir, par exemple d’alliances forgées par des pays de l’Occident ou la Chine. Doit-on s’attendre à une réorientation du commerce international, comme celle qui s’opère déjà dans la sphère du numérique ou dans le commerce régional? En tant que nation commerçante, le Canada doit être en phase avec ces revirements majeurs. Ce Propos a pour but de vous d’aider à mieux saisir la nature de ce changement de l’ordre géopolitique et ses incidences sur votre entreprise.

Le risque géopolitique s’est-il intensifié? 

Le conflit en Ukraine et la montée des tensions dans la mer de Chine du Sud nous incitent à répondre par l’affirmative. L’indice Geopolitical Risk Index, établi par la Réserve fédérale américaine, a atteint un sommet depuis l’invasion de l’Iraq en 2003. 

Au cours de la dernière décennie, notre monde ayant comme pôle unique les États-Unis – étant donné son rôle dominant dans les sphères économique, diplomatique, militaire et géopolitique – cède peu à peu la place à un monde où le pouvoir est plus diffus, et où la Chine fait office de principal contrepoids. Le conflit en Ukraine a fait ressortir la rivalité stratégique entre le camp de l’Occident, dominé par les États-Unis et l’Europe, et celui d’une zone où la Chine occupe une position centrale. D’autres pourraient se développer, notamment une sphère d’influence russe de plus faible envergure. 


Pourquoi cette évolution est-elle importante

Bouter la Russie hors de l’économie mondiale et de la finance internationale s’avère une opération éprouvante vu le rôle prédominant de la Russie comme exportateur net de blé, d’énergie et de minéraux. Pourtant, la contribution de ce pays au produit intérieur brut (PIB) mondial et au commerce international est plutôt faible, soit de 1 % à 2 %. Cependant, dans le cas de la Chine, cette contribution avoisine les 15 %. À cet égard, les entreprises canadiennes devraient moins s’inquiéter du futur rôle de la Russie dans l’arène mondiale que des actions de la Chine à l’échelle internationale, notamment si la Chine compte donner un accès préférentiel à son marché aux pays se trouvant dans sa sphère d’influence…

Quels sont les effets d’un regain du risque géopolitique?

1. Transition accélérée vers les énergies renouvelables 

La situation en Ukraine a rappelé à l’Europe l’importance d’être indépendante sur le plan énergétique. Plutôt que de choisir de dépendre du gaz russe – le projet de pipeline Nord Stream 2 ayant été approuvé –, l’Europe, et en particulier l’Allemagne, revoit en urgence sa politique énergétique.

L’avenir appartient aux énergies renouvelables. Les dirigeants européens s’étaient au départ donné 10 ans pour faire la transition des énergies fossiles aux énergies vertes; ils cherchent désormais à trouver d’autres avenues pour répondre aux appels à effectuer des changements rapides et à réduire la consommation de pétrole avant l’hiver prochain. Le coût élevé du gaz et de l’électricité aura comme effet de diminuer la demande de la part des ménages européens à court terme et d’accroître les investissements dans les projets d’énergie éolienne, solaire et nucléaire. 

En plus d’être une tâche difficile, la réduction de l’empreinte carbone à l’échelle mondiale changera la dynamique de la dépendance énergétique, soit des États pétroliers vers des États – comme la Mongolie et le Chili – riches en ressources alimentant le virage électrique, en particulier de métaux tels que le cuivre et le lithium. De grandes puissances seront en concurrence pour acquérir ces ressources essentielles à leur économie du savoir, et ce, afin de s’assurer que le cours des matières premières reste élevé. Toutefois, la réorientation du commerce pourrait être évitée en raison de l’emplacement des ressources, des technologies et des centres d’innovation de la chaîne d’approvisionnement de la filière des énergies propres dans son ensemble. De ce fait, une complète divergence ne pourrait se produire. 

2. Complications à l’horizon pour le commerce mondial

La fermeture de 650 restaurants de la chaîne McDonald en Russie et l’annonce par 600 autres enseignes de faire de même illustrent bien la difficulté que pose l’interdépendance pour l’économie mondiale. Sur le front commercial, sommes-nous alors à la croisée des chemins entre l’Orient et l’Occident? Selon certaines sources, de nombreuses entreprises occidentales réévaluent en ce moment leurs plans d’expansion en Chine dans l’éventualité qu’elles doivent quitter ce marché. Il s’agit là d’une réalité très actuelle dans la sphère technologique, et plusieurs entreprises occidentales trouvent de plus en plus compliqué d’être présentes sur ces deux marchés.

Conclusion?

La montée du risque géopolitique, causée par la guerre en Ukraine, révèle le caractère de plus en plus divergent du système mondial. Pour les firmes canadiennes habituées à grandement bénéficier d’une économie mondialisée dynamisée par les institutions américaines, cette concurrence annonce une conjoncture plus incertaine et difficile. Pour les exportateurs canadiens désirant réussir à l’international, il est impératif de se diversifier et d’intégrer de plus en plus le risque géopolitique à leurs plans d’affaires.

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