L’indice de confiance commerciale a diminué pour s’établir à 69,3, son niveau le plus bas en huit ans.


Pour de nombreux exportateurs canadiens, l’année 2020 ne s’annonce pas de tout repos. Selon le sondage semestriel mené par Exportation et développement Canada auprès de 1 000 entreprises canadiennes, la confiance commerciale continue de s’effriter et n’a jamais été aussi faible en huit ans, ce qui laisse présager un lent départ pour les exportations canadiennes cette année.

Même si le dernier indice de confiance commerciale (ICC) que légèrement diminué (de 0,7 %), la baisse tendancielle observée depuis le milieu de 2018 n’a rien d’encourageant. En effet, cette baisse est maintenant le fait de trois sondages consécutifs, et se chiffre à plus de 9 % au total. Devrait-on s’en étonner? Après tout, sur cette période :

  • le différend commercial entre les États-Unis et la Chine s’est intensifié;
  • la croissance de la production mondiale a ralenti (surtout dans le secteur de la fabrication);
  • la croissance mondiale des échanges de marchandises est tombée au-dessous de zéro et connaît son pire résultat depuis la Grande Récession.

Des variations régionales

Ces résultats nationaux comportent des variations régionales. C’est au Canada atlantique et au Québec qu’on reste le plus optimiste, tandis que le pessimisme sévit dans l’Ouest. Pour les exportateurs, ces perspectives rejoignent celles des Prévisions à l’exportation d’EDC, qui prévoit que la croissance des exportations se situera surtout à Terre-Neuve-et-Labrador et en Nouvelle-Écosse cette année, poussée par la vigueur de la production de pétrole marin et des produits de la mer. À l’opposé, on s’attend à ce que la Colombie-Britannique et la Saskatchewan subissent une baisse de leurs exportations en 2020, étant donné la faiblesse du secteur forestier et la fermeture de mines d’uranium et de potasse.

Le protectionnisme, un casse-tête encore bien présent

Au cours des dernières années, les obstacles au commerce se sont multipliés pour devenir la principale difficulté selon l’avis des exportateurs canadiens. On les juge maintenant plus problématiques que les défis classiques, comme le recrutement d’employés qualifiés, la logistique et le financement.

EDC estime que trois exportateurs canadiens sur dix subissent directement les effets du protectionnisme commercial sur leur stratégie mondiale; les entreprises touchées citent les clauses « Achetez américain », l’augmentation des tarifs et les difficultés liées à l’exportation aux États-Unis.

Malheureusement, la grande majorité des répondants semblent sentir que ce renforcement du protectionnisme s’installera pour un temps. Ils ne prévoient pas vraiment avoir de répit et croient que le niveau de protectionnisme restera le même (54 %), voire augmentera encore (35 %) en 2020.

Le différend commercial entre les États-Unis et la Chine

Les tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine ont été le principal problème entravant le commerce mondial et troublant les marchés financiers. Dans le sondage, les exportateurs canadiens ont cité en proportion importante (à 34 %, soit une légère hausse par rapport aux 31 % du dernier sondage) les effets négatifs de ce différend sur leur entreprise.

Il faut toutefois souligner que ce sont des effets complexes, et non pas forcément négatifs pour tous. L’escalade bilatérale des tarifs crée des occasions pour certaines entreprises canadiennes, bien que les perdants soient trois fois plus nombreux que les gagnants. Prenons par exemple les ventes de homards canadiens en Chine, qui ont explosé depuis que les producteurs américains se voient imposer des tarifs prohibitifs par ce pays. Voilà qui explique probablement en partie l’optimisme du Canada atlantique.

Malgré les progrès encourageants que représente la première phase de trêve des hostilités commerciales, annoncée le 15 janvier, on ne semble pas s’entendre sur le moment auquel ce différend sera résolu – situation que le sondage décrit comme l’élimination complète de tous les tarifs bilatéraux récents. Nous avons constaté qu’à peu près le tiers des répondants s’attendaient à ce que ce calvaire perdure, et qu’environ autant croient que les tarifs de la période Trump seront éliminés en 2020.

Le Canada pris entre deux feux

Le différend commercial entre les États-Unis et la Chine fait que bon nombre d’exportateurs canadiens se trouvent entre deux feux. Après l’arrestation d’une dirigeante de Huawei, détenue au Canada en vue d’une possible extradition aux États-Unis, deux citoyens canadiens ont été placés en détention et certaines importations agricoles chinoises ont été frappées d’interdiction. De fait, pas moins de 27 % des répondants affirment que les tensions diplomatiques et commerciales entre la Chine et le Canada nuisent aux activités de commerce extérieur et d’investissement de leur entreprise.

L’ACEUM progresse

Il serait facile d’être pessimiste, mais tout n’est pas perdu. Depuis notre sondage, une autre bonne nouvelle s’est ajoutée au tiédissement des relations entre les États-Unis et la Chine : l’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM) a grandement progressé en vue de sa ratification. Par ailleurs, les exportateurs canadiens le voient maintenant d’un meilleur œil : pour la première fois en trois sondages, les avis positifs devancent les avis négatifs, qui sont beaucoup moins nombreux. Si l’accord est ratifié, les exportateurs canadiens sauront mieux à quoi s’en tenir et pourront oublier cette période d’incertitude prolongée entourant les règles commerciales en Amérique du Nord.

La crainte d’une récession se dissipe

Si la crainte d’une récession mondiale reste bien présente parmi les exportateurs canadiens, elle s’est quelque peu dissipée au cours des six derniers mois. Selon les résultats du sondage, la plupart s’attendent à une récession en 2021, plutôt qu’en 2020 comme dans le sondage précédent. Cette crainte est l’un des facteurs qui jouent grandement sur la perception des répondants; ceux qui prévoient une récession mondiale imminente affichent un ICC beaucoup plus faible (63,4, contre 70,8 pour le reste).

Les entreprises canadiennes investissent à l’étranger

Les exportateurs canadiens se diversifient de plus en plus en investissant à l’extérieur du Canada. La proportion de répondants qui détiennent des investissements à l’étranger a augmenté pour passer à 17 % – il s’agit du pourcentage le plus élevé depuis la tenue du sondage, d’ailleurs bien au-delà de la moyenne de 14 % enregistrée ces dernières années. Notons aussi que les États-Unis et la Chine figurent parmi les principales destinations visées par les plans d’investissement, ce qui indique peut-être que les entreprises canadiennes désirent éviter les tarifs et les frictions frontalières en se rapprochant du consommateur final sur ces grands marchés.

Croissance des exportations : lenteur à prévoir?

Dans un rapport intitulé Évaluer les qualités prévisionnelles de l’indice de confiance commerciale d’EDC, qui sera publié sous peu par Mohammed Rajpar, des Services économiques d’EDC, on constate que notre sondage peut servir à prédire la croissance des exportations canadiennes, surtout en dehors du secteur de l’énergie. Par exemple, la corrélation croisée entre l’ICC et les exportations prévues sur deux trimestres hors secteur de l’énergie est de 0,64 (voir le graphique ci-après). Puisque l’ICC stagne à un niveau relativement bas, les sombres perspectives entourant les exportations canadiennes risquent donc de se poursuivre jusqu’au milieu de 2020.

Indice de confiance commerciale d’EDC et croissance réelle des exportations canadiennes en dehors du secteur de l’énergie

Le graphique fait état de sombres perspectives pour les exportations canadiennes en 2020.

Sources : Services économiques d’EDC; Haver Analytics


Cela dit, les progrès liés à la trêve entre les États-Unis et la Chine ainsi qu’à la ratification de l’ACEUM observés depuis la tenue de ce sondage par EDC viendront réduire l’incertitude commerciale, ce qui laissera enfin respirer les exportateurs canadiens et pourrait favoriser une reprise de la croissance des exportations à court terme.

 

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