Tous les regards sont rivés sur la Chine en ce moment. Son expansion extraordinaire, qui dure depuis 40 ans, arrive à l’un des plus grands ralentissements qu’elle aura connus sur toute cette période. La croissance n’a jamais été aussi lente en 29 ans. Les exportations sont entravées par les tarifs américains. L’endettement a gonflé, ce qui sème l’inquiétude quant à la stabilité financière. La scène politique a été ébranlée par le mouvement résilient de protestation à Hong Kong. Les disponibilités alimentaires sont compromises par les ravages de la peste porcine africaine (PPA) sur la population porcine en Chine. Et comme si ce n’était pas assez, le pays doit composer avec une éclosion de coronavirus dans la ville de Wuhan. Compte tenu de tous ces facteurs, à quoi peut-on s’attendre pour la Chine en 2020?

Disons qu’on ne démarre pas sur les chapeaux de roue. La décélération a fait les grands titres tout au long de 2019, et ses causes n’ont pas vraiment disparu. Certains analystes s’enthousiasment des dernières données : les indices de la production industrielle, des dépenses en immobilisations corporelles, des ventes au détail corrigées de l’inflation, des importations et des directeurs d’achats du secteur de la fabrication ont tous dépassé les attentes du marché. S’il s’agit d’une belle surprise, cela pourrait bien être éphémère. Derrière la faiblesse des revenus et de la croissance du crédit, le débordement du parc immobilier et la dégringolade d’autres grands indicateurs d’activité, la situation semble précaire.

Dans le cadre d’une table ronde organisée à Ottawa la semaine dernière, on demandait aux participants d’aborder les perspectives chinoises pour 2020 sous l’angle de quatre questions. Voici les questions, et les réponses que j’ai données.

S’il y a une chose qui changera en 2020, quelle sera-t-elle? Manifestement, la relation entre la Chine et les États-Unis promet de changer en 2020. Nombreux sont ceux qui ont poussé un soupir de soulagement à la signature de la première phrase de l’accord commercial, le 15 janvier. Cet accord balisera la relation des deux parties, qui voient leurs échanges encadrés pendant au moins deux ans; on met ainsi un frein à l’augmentation des tarifs, en introduisant même une petite réduction symbolique. Les deux nations ont fait de grands pas en avant sur les questions de la propriété intellectuelle, du transfert des technologies, des services financiers, de la manipulation des devises et de l’épineux secteur agricole – tous des irritants de longue date pour les États-Unis. Si la liste ne manque pas d’impressionner, ces points avaient en grande partie été réglés avec l’Organisation mondiale du commerce, donc il est difficile d’en discerner les vraies nouveautés et de savoir quels en seront l’application et l’encadrement. Nous verrons avec le temps. En ce moment, il ne s’agit certainement pas d’un accord de libre-échange, sans compter que l’on demeure muet sur les préoccupations des États-Unis concernant les sociétés d’État, les subventions industrielles et la cybersécurité. Et surtout, les États-Unis ont pu conserver leurs tarifs les plus rédhibitoires, ce qui n’élimine donc pas la grande menace qui plane sur la croissance chinoise – et mondiale, en fait.

Qu’est-ce qui ne changera pas? La Chine continue d’avoir de plus en plus besoin des biens et des services du reste du monde. Avec son enrichissement, elle continue de passer d’une économie fondée sur le commerce à une économie de consommation. Ce virage pourrait être abrupt dans l’année à venir, à mesure que la PPA jouera concrètement sur la disponibilité et les prix des aliments. Ceux qui ont déjà tissé de bons liens commerciaux avec la Chine peuvent s’attendre à une autre belle année.

De quoi ne parlera-t-on pas assez? L’endettement et les conditions de crédit générales en Chine gagnent en transparence avec le temps. Cela dit, en révélant toute l’envergure d’un lourd endettement aux multiples ramifications, on risque fort de miner la confiance à l’égard de la stabilité financière générale, ce que toutes les économies contrôlent scrupuleusement. On note des progrès, car en effet, les écarts sont permis; toutefois, l’ampleur de ces écarts est déjà plus qu’alarmante depuis deux ans. Heureusement, les autorités interviennent en resserrant le contrôle du crédit. Par contre, le ralentissement économique fait qu’il est plus difficile de se sortir du problème par la croissance.

De quoi parlera-t-on beaucoup trop? Le programme de la Chine pour 2025 et l’initiative ambitieuse visant la nouvelle route de la soie feront certainement couler beaucoup d’encre, au pays comme ailleurs. Ces sujets seront sans doute utilisés pour enfler la vague de néonationalisme que certains analystes entrevoient, et pour détourner l’attention de certains des obstacles prioritaires à la croissance de l’économie chinoise.

D’après l’ensemble de ces facteurs, cette année, la Chine traversera peut-être clopin-clopant une phase de croissance ralentie tout en définissant son 13e plan quiquennal. Le règlement des tarifs contribuerait grandement à rétablir une stabilité à ce chapitre, mais il sera difficile cette année d’étoffer davantage l’accord commercial, compte tenu du cycle électoral américain. Bref, 2020 sera une année complexe pour l’économie chinoise.

Conclusion?

La Chine demeure tributaire du commerce international; en 2020, son sort sera directement et indirectement lié à la croissance mondiale ralentie, qui est inhibée par les politiques. La résolution de cette impasse est plus qu’attendue.

 

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