Les producteurs alimentaires, comme ceux de toutes les autres filières, ont été considérablement impactés par la COVID-19. Toutefois, dans le cas du secteur alimentaire, l’effet a été globalement très positif. En fait, au début de la crise, bon nombre d’acteurs du secteur peinaient à répondre à la demande. C’était là un « beau problème » et l’alternative aurait évidemment été peu souhaitable. Assistera-t-on à un retour progressif vers une certaine normalité ou bien la pandémie aura-t-elle des conséquences permanentes sur le secteur alimentaire canadien?  

Avant d’aborder la question, précisons une chose : la bonne fortune du secteur alimentaire tranche avec la déconvenue des secteurs des biens et des services. La circulation des biens a été dynamique en partie en raison de la frénésie d’achat, au début de la crise, qui s’est emparée des consommateurs redoutant une pénurie – une activité qui ne s’est pas vraiment calmée par la suite. D’ailleurs, il semble que plusieurs d’entre nous aient simultanément fait des réserves de toutes les denrées essentielles pour notre garde-manger. Par ailleurs, en juin, les ventes au détail d’aliments et de boissons s’établissaient encore, selon les estimations, à 106 % au-dessus des niveaux d’avant la pandémie.

Les données relatives aux exportations semblent nous indiquer que le Canada n’est pas le seul pays dans cette situation. Les expéditions alimentaires ont bondi en mars et en avril, et même si elles se sont stabilisées en mai et juin, elles ont avancé au rythme de 16 % au-dessus des niveaux pré-pandémie. À l’image des ventes canadiennes sur le marché intérieur, ces chiffres montrent que cet élan est solide; la levée des restrictions imposées en période de pandémie n’a pas, pour le moment, permis un retour des ventes intérieures et internationales vers des niveaux plus habituels. 

Le tableau ne pourrait être plus différent dans le secteur des services alimentaires. Pour s’en convaincre, il suffit de regarder les données du PIB par secteur : l’agriculture a à peine été affectée, le secteur alimentaire de détail est très vigoureux, et les exportations alimentaires se portent encore mieux. Le secteur des services présente un parcours semblable, mais dans la direction inverse. De fait, les données de mai révèlent que les services hôteliers et de restauration ont fléchi de 58 % par rapport au pic d’avant la pandémie, et l’estimation pour le mois de juin est un peu plus encourageante. L’effondrement du tourisme d’affaires et personnel a beaucoup pesé dans cette piètre performance, sans compter que les repas aux restaurants du coin ont pratiquement disparu du jour au lendemain. Et comme la distanciation sociale impose désormais des limites strictes à la capacité d’accueil des restaurants, on s’attend à une lente reprise des services de restauration.

Malgré tout, dans l’ensemble, la demande est au rendez-vous, ce qui en dit long sur la façon dont le monde a notablement adapté son approche de gestion de crise dans la sphère alimentaire. La question est de savoir si ces changements dureront uniquement le temps de la pandémie ou seront plus permanents. Voilà une question essentielle pour toutes les filières de l’économie, et à cet égard le secteur alimentaire fait sans doute office de baromètre.

À l’échelle planétaire, la nécessité de s’assurer un accès quasi immédiat à un approvisionnement alimentaire a clairement mis en lumière les dépendances et les points faibles des chaînes d’approvisionnement mondiales. Les acteurs sectoriels et les responsables des politiques souhaitent d’ailleurs une solution rapide et définitive. Il ne fait aucun doute que les nations ayant une dépendance nette auprès d’autres pays pour obtenir leurs denrées alimentaires chercheront à augmenter leur production locale. Les nations, dont la dépendance nette est plus importante, auront plus à faire pour garantir leur accès aux chaînes d’approvisionnement à l’étranger. 

Les nations productrices nettes, comme le Canada, disposent d’un avantage indéniable. La volonté de garantir l’approvisionnement sur le marché intérieur devient un incitatif, en matière d’aliments, à produire et à transformer de plus en plus à la source. Dans ce contexte, il y a un intérêt pour investir dans la transformation des aliments à l’échelle locale. Dans le même temps, le désir des consommateurs étrangers de garantir leur accès aux chaînes d’approvisionnement internationales a monté la barre pour le système de distribution canadien : s’il était vital avant la crise que le Canada se dote d’une infrastructure concurrentielle et fiable pour le commerce alimentaire, cela l’est encore davantage aujourd’hui.

Les tensions sur l’approvisionnement alimentaire mondial étaient fortes avant la pandémie. Or, la crise actuelle fait en sorte qu’il devient urgent de consolider le système en place et d’accélérer les processus permettant de maximiser la production alimentaire mondiale et d’optimiser l’utilisation de ressources plus rares. Le souci de la durabilité environnementale stimulera sans doute la demande pour les produits naturels et bios. Et le fait d’optimiser l’utilisation des terres soutiendra la demande pour des protéines d’origine végétale, des substituts aux produits laitiers et d’autres produits du genre.

Compte tenu de la place fondamentale des aliments dans la hiérarchie des besoins, si l’après-pandémie apporte des changements permanents, le secteur alimentaire sera sans doute le premier à en porter les signes. D’autres filières s’inspireront de ce secteur pour déterminer comment transférer des installations au pays ou dans un territoire à proximité, ou encore comment se glocaliser tout en renforçant leurs chaînes d’approvisionnement pour éviter d’éventuelles perturbations.

Conclusion?

La COVID-19 a obligé le secteur alimentaire mondial à effectuer des changements radiaux. En s’adaptant rapidement, le secteur a été en mesure de s’ajuster, de répondre à une nouvelle demande et d’augmenter sa production malgré la crise qui sévit – alors même que le secteur des services de restauration était sinistré. La résilience du secteur est édifiante pour toutes les autres filières et annonce que d’autres changements pourraient s’opérer. Ce sera donc un secteur à surveiller. Pour des précisions à ce sujet, je vous invite à consulter notre nouvelle publication consacrée au secteur agroalimentaire.

 

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