Les entreprises traversent un hiver sombre. La rhétorique politique, qui souffle comme un vent glacial, et les différends en matière de politiques commerciales sont la source d’interminables lamentations – un mécontentement alimenté par des divergences persistantes et apparemment irréconciliables. La conséquence on la connaît : l’investissement dans les capacités nécessaire pour réaliser les projets à venir – en quelque sorte l’eau qui fait tourner l’économie – s’est figé comme une statue de glace. Les consommateurs ne peuvent généralement pas éviter ce genre de situation défavorable. Alors, doivent-ils s’attendre à un épisode de gel imprévu?

En temps normal, ce serait le cas. D’ordinaire, des conditions aussi « glaciales » pour les entreprises se répercutent sur l’embauche, pénalisent l’emploi et la consommation – qui représente 60 % de l’activité totale dans la plupart des économies. Les consommateurs se mettent à l’abri du mauvais temps en attendant une météo plus clémente. Pourtant, ce n’est pas ce que nous observons en ce moment. Les plus récentes données économiques trimestrielles nous dressent le portrait d’une consommation constante et vigoureuse, bref en net contraste avec la performance de l’investissement et du commerce international. 

D’ailleurs, le consommateur américain, qui est à l’origine de 70 % de l’élan de la plus grande et la plus efficace économie de la planète, ne montre aucun signe d’essoufflement. Au deuxième trimestre, le taux de croissance annuel s’est envolé à 4,6%, puis s’est hissé à tout juste sous la barre de 3 % au troisième trimestre. Ce taux, tout à fait viable, dépasse celui de l’activité économique générale. Les consommateurs américains réalisent de solides gains du côté de l’emploi, affichent un ratio d’endettement avoisinant celui de 2008 et un taux d’épargne relativement élevé, alors même que le taux de chômage global permet d’espérer une progression encore plus notable des salaires. Les premiers chiffres nous disent que les ventes du Vendredi fou et du Cyberlundi ont atteint de nouveaux records. 

L’Amérique fait-elle figure d’anomalie? Pas vraiment. Dans les économies de l’Union européenne, les consommateurs mènent aussi la charge. Pour preuve : dans cette région, les données de la consommation pour le troisième trimestre ont été plus du double que la croissance du PIB – une hausse de 2,1 % –, alors que  l’investissement et le secteur des exportations pâtissent. Tout comme aux États-Unis, l’activité dans l’UE est dynamisée par un taux de chômage exceptionnellement favorable, une forte mobilisation de la main-d’œuvre et des pénuries sur le front de l’emploi qui pourrait bientôt faire grimper les salaires.

Pour la plupart des secteurs de l’économie, le temps des fêtes s’annonce joyeux. Les consommateurs, tant américains qu’européens, sont très optimistes malgré les manchettes négatives sur les politiques commerciales à l’échelle mondiale et la viabilité des institutions économiques de l’après-guerre. Même si les indices mesurant l’incertitude entourant les politiques pointent – sans équivoque – dans la direction opposée, les indicateurs de la confiance des consommateurs se trouvent à des pics cycliques aux États-Unis et dans les 19 pays de l’UE.

Les consommateurs canadiens font aussi montre d’optimisme, grâce à des gains respectables du côté de l’emploi, à un faible chômage et, récemment, à une légère augmentation  des salaires. En ce qui a trait aux mouvements actuels, le tableau est essentiellement le même sur le marché intérieur. 

Les données à fréquences élevées donnent très peu d’indications d’un ralentissement de la vive progression du marché de l’emploi. À vrai dire, on présume qu’en l’absence de certitudes suffisantes pour lancer la prochaine vague d’investissements, les entreprises aux quatre coins du globe embauchent sans ménagement – une mesure à court terme qui vise à répondre aux demandes de l’économie. Au bout du compte, il semble bien que pendant la saison des célébrations les consommateurs auront le cœur à la fête, ce qui devrait bonifier les chiffres de fin d’année. 

L’an prochain, la situation pourrait être différente. Advenant le cas où le paradigme où évoluent les entreprises de la planète ne change pas – c’est-à-dire la confusion persiste à propos de la politique commerciale –, le repli qui a commencé à frapper les grandes économies émergentes pourrait se propager. Les effets se font déjà sentir dans des économies majeures comme l’Allemagne; si cette réalité est annonciatrice des répercussions à venir sur d’autres économies développées, les entreprises pourraient bien mettre un terme à leur frénésie d’embauche. Ce serait bien dommage. Les consommateurs ont été si traumatisés par la grande récession que certains secteurs de l’économie, notamment le logement, ne s’en sont pas complètement remis. En maintenant l’élan actuel de la croissance, il serait enfin possible de dynamiser ces pans de l’économie et, du même coup, ajouter quelques années d’expansion. En pareil contexte, la récession serait uniquement le résultat de nos propres actions.

Conclusion?

La saison hivernale a éprouvé certains pans de l’économie, mais la consommation est aussi éclatante qu’une belle journée d’été. Vu l’intense activité de consommation à ce temps l’année, les dépenses des fêtes viendront mettre une touche de joie dans une année 2019 empreinte d’incertitude. Espérons que ce dynamisme persistera pendant la nouvelle année, qui sera encore plus prospère et plus heureuse. Toutefois, il y a un cadeau de Noël que l’argent ne pourra acheter : la fin de l’acrimonie entre de grands acteurs commerciaux. Sans ce cadeau, tous les autres que nous recevrons pourraient se retrouver dans les mains du Grincheux.

 

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