Dans notre dernier Propos économique, nous avons affirmé que l’avenir appartient aux entreprises qui ont l’audace de le prendre à bras-le-corps. Nous avons aussi souligné que la diversification du commerce est une nécessité : à la fois pour renforcer notre potentiel de croissance et pour générer de la richesse au profit des futures générations de Canadiennes et de Canadiens. Se diversifier sur de nouveaux marchés apporte son lot de récompenses, mais aussi de risques. 

Chaque trimestre, les Services économiques d’EDC examinent les principales données et les grandes tendances afin de mieux connaître le niveau relatif de risques sur les marchés mondiaux. Les résultats de cet examen sont publiés dans notre outil interactif et éclairant : l’Analyse trimestrielle des risques pays.

D’un point de vue systémique, le risque géopolitique de l’après-Guerre froide n’a cessé d’augmenter, au moins depuis 2016. Depuis cette année-là, les États-Unis et la Chine se font encore plus ouvertement concurrence pour asseoir leur influence dans une foule de domaines comme la finance, le commerce, la défense, la technologie et la diplomatie. L’invasion de l’Ukraine par la Russie, il y a un an, a bouleversé le rythme modéré de cette escalade et provoqué une flambée du risque géopolitique à l’échelle mondiale.

Confrontées à cette réalité, beaucoup d’entreprises occidentales ont dû s’adapter à de nouvelles sanctions et à de nouvelles perturbations des chaînes d’approvisionnement. Certains de ces effets ont beau être temporaires – je pense ici aux prix plus élevés des aliments –, il n’en demeure pas moins que l’accroissement du risque géopolitique influe sur leurs projets d’investissements à long terme. Le recours au friend-shoring (ou à l’économie d’affinité), un terme à la mode inventé par la secrétaire au Trésor américain Janet Yellen, décrit la pratique sans doute excessive consistant à limiter les systèmes de production à des nations alliées dans le but d’accroître la résilience de la chaîne d’approvisionnement. 

Notre scénario de référence reste inchangé : le conflit entre la Russie et l’Ukraine sera une guerre d’usure qui se limitera aux frontières du pays. Toutefois, la poursuite des combats accentue les risques entourant la sortie du conflit, les actions envisagées par un Vladimir Poutine de plus en plus acculer au mur et les répercussions possibles de cette crise sur l’économie mondiale dans son ensemble. 


D’autre part, l’effet dissuasif de la rivalité stratégique entre les États-Unis et la Chine incitent plusieurs entreprises à revoir leurs ambitieux plans d’expansion sur le marché chinois. Dans un sondage réalisé par Oxford Economics, 87 % des répondants considèrent un conflit entre la Chine et Tawaïn comme probable dans un horizon de cinq ans. La possibilité d’une « guerre pure et simple » dans la mer de Chine méridionale – un risque qui nous a récemment poussés à dégrader la notation du risque de violence politique en Chine –, pourrait accélérer la bipolarisation de l’économie mondiale.

Le Vietnam est l’un des bénéficiaires de l’escalade des tensions sino-américaines, de même que de la hausse du coût de la main-d’oeuvre et du déclin de la population en Chine. Les Services économiques d’EDC ont dernièrement amélioré leur notation pour le Vietnam. Cette décision s’explique en partie par l’augmentation des flux d’investissement vers ce marché, qui fait figure d’alternative à la Chine. Les économies regroupées sous la bannière d’Altasia pourraient se présenter comme un substitut acceptable au marché chinois.

Au chapitre des risques pays, au dernier trimestre, les Services économiques d’EDC ont effectué davantage de dégradations que d’améliorations des notations dans un éventail de catégories de risque. La notation des risques commerciaux à court terme a été mise à mal par des perspectives économiques plus ternes. Même si l’Europe a connu un hiver plus doux qu’à l’habitude, ce qui l’a aidée à éviter le double impact d’un cours élevé et du rationnement de l’énergie, nous nous attendons à ce que l’économie européenne fasse du sur-place cette année, compte tenu des prix plus élevés.

Sur les marchés développés, les banques centrales ont relevé les taux d’intérêt pour contrer l’inflation. Cette mesure a favorisé une sortie des capitaux dans plusieurs pays africains et, du même coup, conduit à une réévaluation mondiale des risques. Rappelons que bon nombre de pays en développement sont entrés dans la pandémie déjà lourdement endettés. Pour ne rien arranger, ces dernières années, ils ont accumulé d’importants déficits budgétaires et adopté des politiques monétaires non conventionnelles. 

Or, l’appréciation du billet vert a fait augmenter le coût du service des dettes libellées en dollar américain. Cette augmentation s’est produite en même temps que l’envolée des cours des aliments et de l’énergie, qui sont un point sensible pour plusieurs de ces pays. Nous avons donc abaissé la notation de plusieurs marchés africains faisant face à une hausse du coût du service de la dette et à des tensions inflationnistes persistantes.

Auparavant considéré comme la destination de choix des investisseurs sur les marchés frontière, le Ghana a fait défaut à ses créanciers extérieurs à la fin de 2022. Le soutien du Fonds monétaire international (FMI) et d’autres institutions multilatérales est crucial pour éviter que d’autres pays se trouvent en situation de défaut, mais ce soutien pourrait ne pas suffire. Près de 25 % des entités souveraines notées par EDC courent désormais un risque élevé de défaut, y compris plusieurs économies de taille moyenne comme l’Égypte, le Pakistan et le Nigéria.

Nous ne prévoyons aucune crise systémique de la dette souveraine. Cependant, l’année 2023 sera difficile pour bon nombre de pays à faible revenu vu le resserrement des conditions de crédit. La dette des marchés émergents atteindra le sommet inédit de 98 000 milliards de dollars. Pour beaucoup de ces marchés, un défaut souverain minerait la capacité du secteur privé à respecter ses obligations.

Par ailleurs, l’incertitude grandissante entourant les politiques semble prendre racine en Amérique latine, comme le montrent les circonstances entourant l’arrivée au pouvoir du président Lula au Brésil et les troubles sociaux au Pérou. Toujours en Amérique latine, les Services économiques d’EDC ont récemment abaissé la notation souveraine de la Colombie à un niveau de qualité inférieure étant donné le manque de prévisibilité des politiques au pays et son incidence sur le contexte des affaires.

Conclusion?

En parallèle aux efforts de l’économie mondiale pour émerger de la pandémie, nous avons constaté un accroissement de la volatilité au dernier trimestre. Nous nous attendons à ce que le risque géopolitique et le risque pays demeurent élevés dans un horizon prévisible. Les quelques entreprises qui font preuve d’audace et qui sont prêtes à affronter cette conjoncture compliquée trouveront d’innombrables débouchés. Les exportateurs avertis seront les mieux placés pour tirer leur épingle du jeu.

Nos sincères remerciements à Ian Tobman, gestionnaire du Centre d’information économique et politique, pour sa contribution à la présente édition. 

Les Services économiques d’EDC vous invitent à leur faire part de vos commentaires. Si vous avez des idées de sujets à nous proposer, n’hésitez pas à nous les communiquer à l’adresse economics@edc.ca et nous ferons de notre mieux pour les traiter dans une édition future du Propos.

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