Ce qu’en pense l’experte d’EDC au Mexique

Selon Teresa Nizzola, quand un exportateur s’aventure sur un nouveau marché, ce n’est pas en visant le court terme – et c’est ce qui rend le Mexique intéressant.

Ce pays réunit tous les ingrédients d’un succès durable.

Teresa Nizzola  —  représentante en chef pour le Mexique (Amériques)EDC

« Ce pays réunit tous les ingrédients d’un succès durable », [quote callout] explique la représentante en chef pour le Mexique (Amériques) à Exportation et développement Canada (EDC). « Si on s’arrête à l’année prochaine ou à celle d’après, avec tout ce que dit M. Trump, il y a de quoi être nerveux. Mais il ne faut pas oublier que le Mexique est la deuxième économie d’Amérique latine, et la quatorzième au monde. En fait, selon Goldman Sachs, elle devrait même se hisser au cinquième rang mondial d’ici 2050. Le chemin ne sera peut-être pas facile, mais à long terme, le pays va dans la bonne direction. Il suffit de regarder vers l’avenir pour être rassuré. »

D’après elle, le vent de panique qui a suivi les élections américaines s’est quelque peu apaisé, et les Mexicains commencent à comprendre que si les propositions de M. Trump les touchent, elles affecteront aussi les consommateurs américains. « Maintenant, les gens se disent qu’au bout du compte, le bon sens l’emportera. »

« Le président Trump fait les manchettes de bien des journaux, et ça en inquiète plusieurs, mais quand on connaît bien les rouages internes du commerce, on voit qu’il n’y a pas lieu de paniquer. Le Mexique est un marché d’avenir. »

L’avis d’une haute dirigeante d’EDC pour les Amériques

Andrea Tunney, vice-présidente régionale pour les Amériques, encourage les entreprises canadiennes qui exportent au Mexique à garder le cap et à ne pas trop s’avancer dans les prochains mois, avant de savoir ce qu’il est en.

« Quand une entreprise s’intéresse à un marché, elle en évalue d’abord le risque, explique Mme Tunney. Ce que je conseillerais, c’est de refaire cette évaluation, car certains facteurs, comme le taux de change, pourraient avoir évolué. Je crois que de nouveaux débouchés s’ouvrent aux exportateurs, alors c’est le moment d’envoyer un coup de sonde au Mexique pour voir si les événements jouent en leur faveur. »

Le cas de DBG Canada Ltd.

Malgré les menaces de la Maison-Blanche au sujet de l’Accord de libre-échange nord-américain et du déficit commercial des États-Unis avec leur voisin du sud, les exportateurs canadiens qui brassent des affaires au Mexique ne prennent pas leurs jambes à leur cou.

En effet, dans le secteur automobile, une des principales cibles de M. Trump, des entreprises comme DBG Canada Ltd. continuent de foncer. Ce fabricant de pièces de voitures et de camions génère des recettes annuelles de plus de 100 millions de dollars, et 60 % de ses quelque 1 000 employés travaillent au Mexique, où DBG exploite deux installations de fabrication de composants. Son principal client y a aussi une usine.

Les grands fabricants d’automobiles et de camions investissent encore au Mexique et dans le sud-est des États-Unis, et le faisaient déjà depuis des années, bien avant le changement d’administration à Washington. Nous croyons qu’il faut continuer de prendre de l’expansion au Mexique; nous essayons d’ailleurs d’attirer de nouveaux clients dans le pays. Il y a beaucoup d’activité sur le marché mexicain, mais aussi aux États-Unis, et nous voulons également nous établir là-bas.

John Forester  —  chef de la direction financièreDBG

« Nos activités au Mexique comptent pour la moitié de nos affaires », explique John Forester, chef de la direction financière de DBG. « Elles sont aussi importantes que nos activités canadiennes. »

Questionné sur les remarques de M. Trump au sujet du Mexique, M. Forester répond simplement : « Les grands fabricants d’automobiles et de camions investissent encore au Mexique et dans le sud-est des États-Unis, et le faisaient déjà depuis des années, bien avant le changement d’administration à Washington. Nous croyons qu’il faut continuer de prendre de l’expansion au Mexique; nous essayons d’ailleurs d’attirer de nouveaux clients dans le pays. Il y a beaucoup d’activité sur le marché mexicain, mais aussi aux États-Unis, et nous voulons également nous établir là-bas. »

Selon M. Forester, c’est le moment rêvé d’investir au Mexique. « Si vous voulez prendre part aux changements, quels qu’ils soient – et en tirer profit –, mieux vaut être sur le terrain. Tout comme les États-Unis, le marché mexicain offre un énorme potentiel de croissance. Ce n’est pas aussi vrai au Canada, parce que la plupart des sociétés qui font dans le camion ou l’automobile investissent dans les États du sud ou au Mexique. »

Toujours d’après lui, Donald Trump aime être sous le feu des projecteurs.

« C’est un amuseur public. Et si la situation reste préoccupante, ce n’est pas la première fois que quelqu’un brandit l’épouvantail des tarifs – ou menace l’ALENA. L’Accord soutient beaucoup de gens aux États-Unis et leur donne du travail, alors si M. Trump veut réellement créer des emplois, comme il le dit, il ne commencera pas par éliminer ceux qui existent déjà. »

Forester entrevoit toutefois certains ajustements à l’ALENA. Le Texas et la Californie entretiennent tous deux d’importantes relations commerciales avec le Mexique. « Ce n’est peut-être pas en modifiant les tarifs qu’on créera le plus d’emplois aux États-Unis. »

En fin de compte, selon lui, « avant de se sauver en courant, il faut savoir ce qu’on fuit – et il n’y a vraiment aucune raison d’avoir peur actuellement. »

D’ailleurs, la plupart de ses concurrents et de ses pairs font comme lui et attendent de voir.

Et les instruments de couverture de change? M. Forester indique qu’une grande part des revenus de DBG sont en dollars américains, alors, tant et aussi longtemps que les « rentrées correspondront aux sorties », l’entreprise n’a pas réellement de raison de se couvrir.

Exo-S garde les yeux rivés sur le Mexique

Exo‑S, par sa filiale mexicaine, exploite une usine dans l’État du Querétaro. L’entreprise, qui génère des recettes annuelles de 100 à 200 millions de dollars et compte 800 employés, dont 200 au Mexique, fabrique des pièces en plastique pour le secteur automobile mexicain, ainsi que d’autres produits en plastique, son créneau d’origine, explique Martin Poët, son vice-président des finances.

Pour Exo‑S, pas question de revoir ses plans au Mexique. « On n’a pas encore vu de gros changements, explique M. Poët. Nos contrats ne seront pas résiliés, nous continuons de les honorer, et il n’y a pas de différence importante dans les commandes, ou du côté des clients. »

Pour le moment, on reçoit des signaux contradictoires. Nos clients nous demandent encore des prix; il y a de l’activité, mais on ne sait pas combien de temps ça durera.

Martin Poët  —  vice-président des financesExo-S

S’il admet que la rhétorique anti-Mexique du gouvernement américain sème la confusion et amplifie l’incertitude dans le pays, l’entreprise ne bougera pas tant qu’elle ne saura pas à quoi s’en tenir.

« Pour le moment, on reçoit des signaux contradictoires. Nos clients nous demandent encore des prix; il y a de l’activité, mais on ne sait pas combien de temps ça durera. »

Il ne croit pas que les clients du secteur automobile seront touchés, puisqu’ils se trouvent au Mexique, mais en ce qui concerne les nouveaux contrats, c’est le silence radio.

« Tout de même, nous ne voyons pas nos gros clients se retirer pour aller aux États-Unis. Ça n’aurait aucun sens sur le plan économique, du moins pour le moment », ajoute-t-il, avant de préciser qu’Exo‑S ne se couvre pas contre le risque de change.

« Nous sommes prudents dans nos investissements, et nous évitons de mettre beaucoup d’argent sur la table si nous n’avons pas de contrat ferme.Si nous prenons autant de précautions, c’est que notre entreprise a besoin de beaucoup de capitaux : nous préférons être certains d’avoir les ventes et le volume nécessaires avant de faire un investissement majeur. Pour l’instant, nous nous concentrons sur les projets déjà en cours, mais si nous décrochons de nouveaux contrats, nous pourrions prendre de l’expansion. »

Exo‑S a aussi des usines au Michigan, en Indiana et au Québec; cette dernière exporte d’ailleurs aux États-Unis.