Protéger sa propriété intellectuelle à l’étranger

Au cours des dernières décennies, l’essor des systèmes de protection de la PI a grandement contribué à la transformation des marchés mondiaux. Comme les droits de PI jouent un rôle de plus en plus important dans la croissance de l’économie du Canada et de la plupart des autres pays développés, la création et la protection de la PI sont devenues indispensables au succès d’une entreprise dans la conjoncture mondiale. Au vu de cette réalité, vous vous devez d’intégrer la protection de votre PI aux activités de votre entreprise, d’autant plus que les ventes de PI ne cessent d’augmenter au Canada. Un rapport publié par Statistique Canada en 2019 présentait les résultats suivants :

  • Au Canada, les ventes de biens et de services de PI réalisées par des entreprises menant des activités de recherche et de développement ont atteint un sommet de 4,2 milliards de dollars en 2017, en hausse de 7,7 % par rapport à 2016.
  • En 2017, la majorité des ventes de PI générées par les entreprises canadiennes ont été réalisées sur des marchés étrangers. Les exportations de PI ont augmenté de 2,8 % par rapport à 2016, ce qui révèle une croissance de la demande extérieure pour les biens et services de PI canadiens.
  • Pour la quatrième année consécutive, les logiciels originaux représentaient la plus grande part des ventes totales de PI effectuées par des entreprises canadiennes.

De plus, selon le Rapport sur la PI au Canada de 2020, le nombre de demandes de brevets déposées à l’étranger par des Canadiens est en hausse. Cette augmentation souligne l’importance que les entreprises canadiennes accordent à la protection de leurs innovations et de leurs marques sur les marchés étrangers. Décortiquons cette tendance :

  • De 2009 à 2018, le nombre de demandes de protection de PI déposées à l’étranger par des Canadiens a grimpé de 17 %.
  • En 2018, 24 062 demandes d’enregistrement de marques de commerce ont été déposées à l’étranger par des entreprises canadiennes, ce qui représente une augmentation de 21 % par rapport à 2017 et de 139 % par rapport à 2009.

La même année, 1 626 demandes d’enregistrement de dessins industriels ont été effectuées à l’étranger par des entreprises canadiennes, en hausse de 13 % depuis 2017 et de 5 % depuis 2008.

2.1 La PI et vos activités à l’étranger

Que votre modèle d’affaires à l’international passe par l’exportation directe, la vente en ligne, un réseau de distributeurs ou d’agents ou une coentreprise, il est crucial d’établir sans délai vos droits de PI sur le marché visé. Non seulement votre entreprise sera ainsi protégée, mais vous aurez plus de facilité à tisser des relations commerciales là où vous souhaitez prendre de l’expansion.

Droits de PI et débouchés à l’exportation

Il est souvent difficile de déterminer si vos produits ou services se vendront bien sur un marché étranger. Sachez toutefois que vos droits de PI et ceux d’autres entreprises peuvent constituer un volet important de votre étude de marché. Voici quelques exemples :

  • Les entreprises examinent régulièrement les registres de brevets pour vérifier si quelqu’un d’autre travaille sur des technologies semblables aux leurs. Ainsi, si vous enregistrez vos droits de PI sur un nouveau marché, vous vous faites connaître plus facilement auprès de partenaires commerciaux potentiels, d’investisseurs locaux et de licenciés éventuels.
  • Pour vous informer sur vos concurrents potentiels, vous pourriez trouver utile de vérifier les droits de PI enregistrés par d’autres entreprises sur un marché visé.
  • Ce faisant, vous pourriez aussi mieux déterminer s’il est judicieux de commencer à y exporter. Selon les renseignements que vous trouverez, vous serez en mesure de cerner votre créneau sur le marché, et d’éviter de porter atteinte aux droits d’une autre entreprise ou d’investir sur un marché déjà saturé par la concurrence.
Une jeune entrepreneure dans un bureau tient un globe.

Soumettre une demande de protection de votre PI à l’étranger

Les droits de PI sont régis par des lois territoriales. Par conséquent, quand vous faites une demande de protection de votre PI dans un pays étranger, vous devez vous informer des règles, des lois et des procédures en vigueur dans le pays en question. Même si vous passez par un système de demande international, l’office de PI du pays concerné examinera votre demande à la lumière de la législation locale.

C’est pourquoi l’enregistrement de vos droits de PI à l’étranger peut se révéler compliqué. Il est donc judicieux de faire appel aux services d’un professionnel, comme un agent en PI local. Dans certains cas, votre agent canadien peut travailler avec un agent local pour faciliter la liaison avec l’office du pays. Si cette expertise est parfois coûteuse, elle l’est moins que de soumettre une demande invalide pour finalement vous rendre compte trop tard que votre PI n’est pas protégée.

Pour en savoir plus, consultez le guide de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (OPIC), qui présente la protection de la PI hors Canada en cinq volets. Vous y trouverez un survol de la PI et de son importance, ainsi que des conseils sur les pratiques suivantes :

  • Réduire au minimum le risque de divulgation de sa PI
  • Se renseigner sur la PI dans les pays cibles
  • Demander des droits de PI à l’étranger
  • Faire respecter ses droits

Autres guides de l’OPIC et références

La Trousse d’outils sur la PI réunit plusieurs ressources qui peuvent répondre à vos besoins en ce qui concerne la PI :

  • Sous l’onglet Les fondements de la PI se trouvent différentes feuilles de route sur l’enregistrement de droits de PI à l’étranger. Elles portent sur les dessins industriels, les marques de commerce et d’autres types de PI.
  • Sous l’onglet L’exportation, vous trouverez des guides sur la protection de la PI en Australie, au Brésil, en Chine, dans l’Union européenne, en Inde, au Japon, au Mexique et aux États-Unis. Ces guides présentent la PI que vous pouvez et ne pouvez pas protéger, les règles locales qui encadrent chaque type de PI, des ressources pour vous aider à faire respecter vos droits de PI, ainsi que le nom, l’emplacement et le mandat de l’office de PI local.
  • L’onglet Ressources recèle quant à lui d’autres outils et renseignements pratiques.

2.2 Accords de libre-échange et PI

La croissance du commerce international des dernières décennies a entraîné dans son sillage une augmentation massive de la protection des droits de PI des entreprises partout dans le monde. Au fur et à mesure que les chaînes d’approvisionnement se sont mondialisées et que la production à l’étranger a pris de l’envergure, il est devenu difficile de dissocier les questions entourant le commerce et la PI.

L’essor du commerce international dans les années 1970 et 1980 a également révélé des écarts dans la protection et l’application des droits de PI entre les différents pays. L’Organisation mondiale du commerce (OMC) s’est attaquée à ces écarts en 1995, avec l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC), qui vise à établir des normes minimales et des règlements internationaux gouvernant la protection de la PI dans les 164 pays membres de l’OMC.

Cet accord porte sur cinq grandes questions :

  • comment les principes fondamentaux du système commercial et des autres accords internationaux sur la PI devraient être appliqués;
  • comment assurer la protection adéquate des droits de PI;
  • comment les pays devraient faire respecter ces droits de manière appropriée sur leur territoire;
  • comment régler les différends sur la propriété intellectuelle entre les membres de l’OMC;
  • les arrangements transitoires spéciaux appliqués pendant la période de mise en place du nouveau système.

Le site Web de l’OMC énonce comment l’Accord sur les ADPIC a incorporé, modifié et bonifié certaines conventions internationales de protection des droits de PI qui l’ont précédé. En cas de conflit commercial, vous pouvez avoir recours au mécanisme de règlement des différends de l’OMC.

Sachez toutefois que l’Accord sur les ADPIC n’élimine pas le besoin de protéger vos droits de PI dans tous les pays où vous menez des activités. Vous devez y voir vous-même.

L’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM)

L’ACEUM comporte un chapitre sur la PI, où l’on définit un cadre juridique exigeant un certain niveau de protection et de respect des droits de propriété intellectuelle en Amérique du Nord, cadre basé sur des accords internationaux de PI existants, comme l’Accord sur les ADPIC. Ce chapitre couvre les droits d’auteur et les droits connexes, les marques de commerce, les appellations géographiques, les dessins industriels, les brevets, les données des produits chimiques pharmaceutiques et agricoles, les secrets commerciaux et la défense des droits de PI.

2.3 Détection et règlement des cas de violation de votre PI

La détection des cas de violation de votre PI est d’abord et avant tout une question de rigueur et de surveillance. Demeurez à l’affût de ce qui se passe dans votre industrie : innovations, lancements de nouveaux produits et annonces de marques. Planifiez régulièrement du temps pour passer au peigne fin les bases de données sur les brevets et les marques de commerce afin de vous assurer que personne n’enfreint vos droits de PI. Nous vous recommandons aussi de programmer des alertes Internet. Si votre succès dépend de votre PI (comme votre marque de commerce), envisagez de faire appel à une société spécialisée dans la surveillance des droits de PI.

La violation de vos droits de PI, au Canada comme ailleurs, peut prendre diverses formes, de l’utilisation involontaire d’une marque de commerce déposée au vol en toute connaissance de cause d’une technologie brevetée. Vous pourrez réagir différemment selon :

  • la gravité de l’infraction pour vos revenus ou la réputation de votre marque;
  • le lieu de l’infraction;
  • le nombre de pays concernés;
  • le fait que vous avez ou non une entente ou une relation d’affaires avec l’auteur de l’infraction, ou que vous envisagiez d’en établir une.

Que faire?

Si vous découvrez que vos droits de PI ont été violés, commencez par consulter un professionnel de la PI, qui pourra vous aider à soupeser vos options et à déterminer si vous pouvez espérer une résolution heureuse et peu coûteuse. Voici quelques-unes des solutions qui s’offrent à vous :

  • Si vous voulez simplement mettre un terme à la situation, l’envoi d’une ordonnance de cessation et d’abstention au contrevenant pourrait suffire. S’il ne donne pas suite à votre avertissement, vous devrez obtenir une injonction du tribunal. Malheureusement, s’il s’agit d’un tribunal étranger, ce processus pourrait vous demander beaucoup de temps.
  • Si vous avez subi des pertes financières et voulez obtenir réparation, vous pouvez intenter une poursuite en dommages-intérêts. Pour avoir gain de cause, vous devez prouver que vous avez subi des pertes, au chapitre des ventes ou des redevances, par exemple. Il s’agit d’un recours courant dans les cas où les dommages ont été causés par une atteinte à un brevet ou au droit d’auteur, puisqu’il y a habituellement un lien direct et logique entre l’infraction et la perte de revenus. Il peut également servir dans les cas d’atteinte à une marque de commerce, mais les pertes sont alors plus difficiles à chiffrer.

Solutions hors cour

Une poursuite en dommages-intérêts peut être coûteuse en temps et en argent. Et pendant le procès, il est possible que l’auteur de l’infraction puisse continuer ses activités jusqu’à ce que le jugement soit rendu.

Si vous êtes lié contractuellement au contrevenant, par exemple par l’octroi d’une licence, il peut être préférable de recourir à l’arbitrage ou à la médiation. Tout contrat que vous signez devrait donc stipuler comment régler les différends. Même si vous n’entretenez pas de relation avec le contrevenant, l’arbitrage ou la médiation sont des solutions envisageables; vous ne perdrez rien à suggérer l’une d’entre elles. Si ce n’est pas possible, vous devez alors intenter une poursuite. Mais avant de vous lancer dans ces démarches, demandez-vous si la fin justifie les moyens.

2.4 Protection de votre PI à l’étranger : pratiques à adopter et pièges à éviter

L’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) offre plusieurs ressources sur la PI aux petites et moyennes entreprises qui veulent se lancer à l’étranger. Vous trouverez plus bas sa liste des erreurs que les entreprises commettent le plus fréquemment en ce qui concerne la gestion de leur PI.

Pratiques à adopter

  • Déterminer si un concurrent sur votre marché cible a déjà enregistré une marque de commerce identique à la vôtre
    Il se pourrait qu’un concurrent sur votre marché cible ait déjà enregistré une marque de commerce qui est essentiellement identique à la vôtre. Pour déterminer si c’est le cas, vous devrez faire une recherche avant d’entrer sur le marché. Si vous ne le faites pas et que vous enfreignez les droits d’un concurrent en utilisant involontairement sa marque, vous pourriez avoir à lui verser un dédommagement substantiel. À tout le moins, cette violation risque de miner votre stratégie de vente et de marketing sur le marché visé.
  • Utiliser les systèmes de protection régionaux ou internationaux
    En passant par un système de demande international, vous pouvez économiser temps et argent sur le processus de demande d’enregistrement de droits de PI dans plusieurs pays. Un professionnel de la PI peut vous conseiller et vous donner une idée de ces économies.

Pour en savoir plus sur la marche à suivre, consultez les ressources suivantes :

  • Marques de commerce : Marques de commerce internationales sous le Protocole de Madrid

  • Brevets : Trousse d’information sur le Traité de coopération en matière de brevets

  • Dessins industriels : Faire une demande d’enregistrement en utilisant le Système de La Haye

  • Droits d’auteur : Un droit d’auteur est automatiquement établi à la création d’une œuvre. Le Canada et plus de 170 autres pays ont signé la Convention de Berne, qui encadre la protection des œuvres et des droits de leurs auteurs. Il n’y a pas de système international d’enregistrement de droit d’auteur, et vous n’êtes pas obligé de procéder à un enregistrement officiel. Toutefois, si vous enregistrez volontairement vos droits d’auteur, il sera plus facile de les faire reconnaître en cas de différend. C’est pourquoi la plupart des pays ont mis en place un système d’enregistrement officiel de droit d’auteur.

  • Conclure des accords de confidentialité ou de non-divulgation
    Pour vous préparer à investir des marchés internationaux, il est possible que vous travailliez avec des agents, des distributeurs ou d’autres partenaires d’affaires. Si vous devez leur communiquer de l’information sur vos technologies non brevetées et vos dessins non déposés, faites-leur d’abord signer un accord de confidentialité ou de non-divulgation, car toute divulgation avant l’enregistrement pourrait mettre votre demande en péril.
  • Établir clairement la titularité des droits de PI lorsque vous sous-traitez la fabrication d’un produit
    Si vous confiez la conception ou la fabrication de vos produits à une autre entreprise, il est important que vous enregistriez votre PI sur le marché où cette entreprise vendra ces produits. Si vous ne le faites pas, vous pourriez avoir à composer avec un différend sur la titularité des droits, ou encore à la violation de votre PI.

Pièges à éviter

  • S’imaginer que votre PI est protégée à l’étranger
    L’enregistrement de vos brevets, marques de commerce ou dessins industriels en assure la protection seulement au Canada. Pour que vos droits de PI soient protégés dans un pays donné, vous devez les y enregistrer. Un droit d’auteur est automatiquement établi à la création d’une œuvre. Le Canada et plus de 170 autres pays ont signé la Convention de Berne, qui encadre la protection des œuvres et des droits de leurs auteurs.
  • Tenir pour acquis que les règles encadrant la PI sont les mêmes partout
    Si les règles encadrant la PI sont en cours d’harmonisation à l’échelle internationale, il s’agit d’un lent processus, et d’importantes différences subsistent. Tenez-en compte dans vos démarches pour protéger votre PI à l’étranger.
  • Déposer trop tardivement une demande de protection dans un pays étranger
    Pour certains droits de PI, l’enregistrement dans le pays d’origine marque le début d’une limite de temps pour son enregistrement ailleurs dans le monde. Cette période dure généralement un an pour les brevets, et six mois seulement pour les marques de commerce et les dessins industriels. Si vous n’enregistrez pas vos droits dans les temps, vous serez sans recours si on les enfreint sur le marché en question.
  • Porter atteinte aux droits de PI de tiers
    Faites attention à ne pas porter atteinte aux droits de tiers dont la PI fait partie de vos produits ou services. Par exemple, si votre produit intègre des technologies qui vous ont été concédées sous licence, il est possible que vous soyez autorisé à le vendre seulement dans certains pays en vertu de l’accord de licence. Si vous le vendez ailleurs, vous enfreignez les clauses relatives à la PI de l’accord et pourriez subir des pénalités. La tierce partie pourrait aussi résilier la licence, ce qui pourrait causer toutes sortes de perturbations dans vos activités.
  • Concéder l’exploitation d’un brevet ou d’un dessin sans le protéger préalablement
    Au lieu d’exporter vous-même un produit sur un nouveau marché, vous pouvez concéder l’exploitation de vos brevets ou de vos dessins à une entreprise sur place contre paiement d’un droit unique ou d’une redevance. Dans le cadre d’un tel accord, il y a généralement un échange de renseignements ou de technologies, ainsi qu’une autorisation de fabrication sur le marché concerné. Quand vous le négociez, il est important de veiller à ce qu’il établisse clairement la titularité des droits, et à ce que la PI soit protégée sur le nouveau marché.
  • Utiliser une marque de commerce qui n’est pas adaptée au marché
    Vos marques de commerce qui ont du succès au Canada pourraient avoir une tout autre connotation dans une autre langue. Parmi les nombreux exemples (lien en anglais seulement), songeons à celui de la HSBC, dont le slogan « Assume Nothing » (« Ne supposez rien ») a été traduit dans certains pays par « Ne faites rien ». Il va sans dire que votre incursion sur le nouveau marché pourrait tourner à la catastrophe si vous commettez une maladresse de la sorte.
Date de modification : 2021-04-19